«Me Seyni LOUM (1924-2025), un avocat franco-sénégalais, disparition d’un ténor du barreau parisien à l'âge de 101 ans», par Amadou Bal BA
Me Seyni LOUM, qui avait son cabinet d’avocat au boulevard Suchet, à Paris 16e, vient de nous quitter le 5 août 2025, au Maroc. Sa fille est avocate et vit au Maroc. Diplomate, Me LOUM a été aussi ambassadeur en Grande-Bretagne, au Danemark, en Suède, en Norvège, en Autriche, au Ghana, au Royaume-Uni et premier ambassadeur sénégalais en URSS. Délégué aux Nations Unies, il avait, à la suite du massacre de Sharpeville, en 1961, réclamé l’expulsion de l’Afrique du Sud des organisations internationales, pour ce génocide. «Je salue la mémoire d’un diplomate, dont le parcours a marqué, par son esprit, fédérateur et son engagement au service du dialogue et du rapprochement entre les peuples», écrit son excellence, Mme Yacine FALL, ministre des affaires étrangères du Sénégal.
Né le 4 avril 1924, à Conakry, en Guinée-Conakry, au hasard de la colonisation, Me Seyni LOUM a grandi en Côte-d’Ivoire. Il effectue ses études secondaires au Sénégal, puis ses études supérieures en France, où il participe à la création de l’association des étudiants africains de France. Grand ami des écrivains sénégalais, «Seyni Loum, à ma grande joie . Et je lui avais affirmé : Si Seyni est un de vos meilleurs amis, pour moi , il est un de mes meilleurs fils !», écrit Birago DIOP.
Parrain de GUEYE-LOUM, un homme d’affaires sénégalais, Me Seyni LOUM, doyen des avocats, un franco-sénégalais originaire de Côte-d’Ivoire, était inscrit au barreau de Paris depuis le jeudi 30 novembre 1950, soit pendant 75 ans.
Spécialiste du droit des affaires, Me Seyni LOUM a eu à gérer de gros dossiers, dont celui pétrole du Nigéria, mais aussi l’avocat, pour le compte de la BCEAO, victime de faussaires de billets en FCFA, et condamnés à Paris, en 2005, pour un préjudice s’élevant à 75 millions d’euros.
Le témoignage édifiant que j’ai eu de Me LOUM, vient d’un ami et confère du barreau de Paris, dont le cabinet se situe dans le 17e arrondissement, et qui m’a relaté les circonstances de leur première rencontre à Paris. La clé RVPA de Me LOUM ne fonctionnant pas correctement, il a appelé cet avocat qui a résolu la difficulté, à savoir un recours devant la Cour d’appel. A partir de là, une relation amicale s’est nouée entre les deux avocats. Me LOUM a relaté l’histoire de sa famille ; sa mère est une sénégalaise du patronyme de DIOP. C’est une grande famille proche d’Houphouët-Boigny.
Le premier docteur en droit en Afrique noire a été Me Lamine GUEYE, président de l'Assemblée nationale du Sénégal jusqu'à i sa mort, avocat, il avait le courage de défendre toutes les personnes persécutées dont Cheikh Hamallah et Cheikh Anta M’Backé, que le colonisateur s'acharnait a persécutés ; il a aussi défendu les insurgés de Madagascar en 1947, mais aussi les tirailleurs sénégalais insurgés, le 1er décembre 1944, du Camp de Thiaroye. C'est lui en 1946 qui avait aboli le Code de l'indigénat, que les forces du Chaos en France ont rétabli de notre temps par des circulaires scélérates.
Me Seyni LOUM est l'un de ces grands pionniers des Sénégaulois en France dans le barreau. Il faut dire que la jurisprudence ma ou maître Abdoulaye WADE, persiste encore au Sénégal. Les diplômés du barreau parisien ne peuvent pas exercer leur métier au Sénégal. Une grave anomalie, une injustice toujours persistante en ces temps d'alternance dite de rupture.
Me Seyni LOUM fait exception à la sociologie des premiers immigrants sénégalais en France, qui étaient des ouvriers, sachant ni lire, ni écrire, dans l’industrie de l’automobile ou du bâtiment. Il a donc accompagné les nouveaux avocats sénégalais de France, sans clientèle et encore inexpérimentés. En effet, très souvent nos compatriotes qui réussissent dans la vie, «se la pètent» et prennent de haut les autres, prétendant «Je suis le premier Africain dans tel secteur». Tout au contraire, les témoignages que j’ai reçus concernant la longue, noble et glorieuse vie de Me Seyni LOUM, c’est celle d’un avocat expérimenté, qui est resté humble, proche des gens, en ouvrant les portes aux jeunes avocats. C’est donc sa grande humanité, son humilité, sa compassion et sa solidarité avec les diasporas africaines, qui ont été louées par les témoins avocats, souhaitant rester anonymes.
De nos jours, la France compte de nombreux avocats d’origine africaine, et naturellement, des Sénégaulois y occupent une place prépondérante. Il manque encore cet esprit fédérateur qu’incarnait Me Seyni LOUM. Depuis de longue date, je réclame une Maison d’Afrique à Paris, un lieu de solidarité et d’avantages mutuels, sans lequel, isolés, les avocats Sénégaulois resteront fragiles, dans un monde de montée des forces du Chaos. Il existe une association des avocats Sénégalais de France, à Paris 15e, que dirige notre confrère, Ahmadou SYLLA. Ce qui manque, c’est ce réseau en relation avec les différentes communautés de cadres, de chefs d’entreprises, de notaires, de commissaires de justice (huissiers) d’élus et d’associations, dans lequel, le conseil, la prévention, mais aussi la défense, par des avantages mutuels, peuvent être organisés. Il faudrait quitter la consommation, la dépendance, la gratuité ou le bénévolat, vers une responsabilisation de chacun, pour évoluer vers un système d’autonomie, d’excellence, en s’appuyant sur les grandes opportunités réelles de cette France républicaine, mais aussi les exemples de mes communautés modèles, juive, chinoise et sri-lankaise, ayant réussi leur vie.
L’avocat a un rôle de conseil, avant l’émergence d’un conflit. Il aide l’individu à prendre de bonnes décisions en vue d’éviter de s’embourber, dans son projet de vie dans des impasses.
J’ai constaté dans de nombreuses situations qu’une maison d’Afrique, avec des coachs spécialisés pour aider les communautés africaines à éviter des embrouilles ou des conflits inutiles plombant leur vie ou la situation de leur famille. Ainsi, bon nombreux de jeunes, qui ont souvent un emploi, conduisent sans permis et se font condamner au pénal et finissent par perdre leur emploi, notamment quand ils travaillent dans les aéroports, la sécurité ou la fonction. Quand on a des ressources et qu’on sait déjà conduire, il suffisait de se payer un permis accéléré et ne pas être victime de ces contrôles sélectifs ou faciès de la police. Par ailleurs, des jeunes, souvent nés en France, acceptent des revendeurs de drogue au détail. Ils ne savent pas qu’un jour, pour cet argent facile et éphémère, ils se retrouveront en prison. En revanche, les gros bonnets de la drogue, cachés dans les beaux quartiers, devenus des gens respectables, quand leur dealer au détail tombe, recrute immédiatement, un autre petit con, qui ira en prison pour eux. Quand est né en France, on devrait refuser l’argent facile qui va vous condamner à vie. Cela n’en vaut pas la peine. En particulier, dans le domaine du droit de la famille, ce que je constate, ce sont souvent des femmes, avec de nombreux enfants, qui portent plainte contre leur mari, pour violences conjugales. Le mari étant éloigné du domicile conjugal par une ordonnance pénale, l’épouse se déclare femme isolée, pour avoir le maximum d’aides de la CAF. Le résultat est dramatique pour les enfants, sans encadrement du père, sont immanquablement confrontés à l’échec scolaire et basculent souvent vers la délinquance.
Une maison d’Afrique est utile pour un projet de vie viable en France que l’avocat accompagner, en relation avec les pays d’origine, qui n’ont compris la diaspora qu’en termes de mandats à envoyer au pays, sont complètement à la ramasse. C’est une démarche de consommation et non d’investissement, la diaspora ne devrait pas être la vache à lait des parasites restés au pays, un tonneau des danaïdes, chaque mois ils attendent un mandat. Les diasporas indienne, chinoise ou juive, sont au cœur du transfert de technologie dans leur pays d’origine et investissent de façon sécurisée dans leur pays d’origine, en lien avec des cabinets d’avocats. En Afrique, les escroqueries, notamment la vente d’un même terrain à plusieurs personnes, une pratique fréquente au Sénégal ou la corruption à grande échelle retardant certains projets, ont découragé la diaspora africaine en Africaine en France.
Les Africains en France, qu’ils aient ou non la nationalité française, n’ont pas encore posé leurs valises. Leur vie est ici, mais le mythe du retour se traduit par la construction de maisons en Afrique, qu’ils n’occuperont pas et même par le rapatriement des corps en cas de décès. Bien des immigrants de la première génération, ne songent pas à acheter une maison, vivent essentiellement dans HLM ou zones de relégation. Pour l’éducation des enfants est un point majeur de leur condition de réussite. L’essentiel des gens que je connais sont honnêtes, travailleurs et ont bien contribué au bien-être de la France. Cependant, ce manque d’ambition fait encore des racisés des esclaves, victimes des calomnies et du racisme. Les élections municipales de 2026 arrivent les racisés devraient conquérir toutes les municipalités où ils sont majoritaires, au lieu de se contenter que strapontins, de postes de diversité alibi. Les Algériens ont commencé à conquérir les boucheries, les Tunisiens, les boulangeries, les Chinois tous les tabacs, mais les Africains, habitant de longue date en Africains, travaillant beaucoup et de se levant tôt, sans grande ambition, se contentent de petits boulots, du balai, de la pioche de la serpillière ou des livraisons de repas par vélo.
Un peu d’ambition, en accédant aux lieux de décisions politiques, culturels et économiques, la seule façon efficace, de combattre le racisme !
Références bibliographiques
BA (Amadou Bal), «Me Lamine GUEYE, avocat des nobles causes et ayant abrogé le Code de l’indigénat», Médiapart, 17 juillet 2022 ;
BA (Amadou Bal), «Me Abdoulaye WADE, avocat et Pape du Sopi ou changement», Médiapart, 18 janvier 2024.
Paris, le 6 août 2025, par Amadou Bal BA