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"BENIN : coup d’Etat militaire avorté contre le président Patrice TALON qui avait renoncé à un 3e mandat. Le principal instigateur de ce coup a été arrêté, et les autres en fuite en prenant des otages» par Amadou Bal BA
Finalement, la tentative de coup d’Etat militaire, de Pascal TIGRI, lieutenant-colonel, porte-parole des putschistes au Bénin, a échoué. Dans la matinée du 7 décembre 2025, un Comité militaire pour la refondation (CMR) avait annoncé à la télévision, la destitution du président béninois, Patrice TALON. Le CMR s'était autoproclamé autorité dirigeante du pays. Cependant, les militaires n’avaient pas réussi à prendre le domicile du chef de l’État et la présidence de la République, le principal instigateur de ce coup a été arrêté et les autres sont en fuite. Il semblerait, et j’utilise le conditionnel, que ce coup d’Etat serait téléguidé par des autorités civiles reprochant à Patrice TALON d’avoir, même après son départ, tout verrouillé. En effet, Patrice TALON qui a choisi son dauphin, veut se maintenir, en devenant président de la future chambre du Sénat, intervenant en dernier recours sur les décisions de l’Administration. Autant dire que l’opposition lui reproche d’organiser des élections bibons, pour se maintenir, durablement, au pouvoir, de façon déguisée.
En tout cas, à ce stade des informations fiables dont je dispose, c’est un curieux coup d’Etat, puisque Patrice TALON, président du Bénin, depuis le 6 avril 2016, a renoncé à se présenter pour un troisième mandat aux présidentielles à partir d’avril 2026. «Romuald Wadagni est le candidat de la majorité parlementaire et présidentielle. Il est le candidat de chacun de nous. Il est mon candidat», a dit Joseph DJOBENOU, président de l’Union progressiste – le renouveau, un parti de la majorité présidentielle. Auparavant, et avant le multipartisme, après Hubert MAGA, de 1960 à 1972, le Bénin avait dirigé d’une main de fer, par Mathieu KEREKOU (1933-2015), de 1972 à 2006, pour être remplacé par Yayi BONI, de 2006 à 2011. Le président Patrice TALON renonçant à se représenter à un troisième mandat, est un pays à plusieurs égards intéressant.
Le Dahomey, devenu le Bénin, c'est la tragédie de l'esclavage des rois ont vendu leurs sujets, comme les ancêtres de Toussaint Louverture héros de l’indépendance de Haïti. Mais le Bénin, c'est aussi un pays de la résistance comme celle de la lutte héroïque de Béhanzin.
Le Bénin, c’est le pays de hautes sommités intellectuelles, des hommes de lettres qui ont résisté aux forces du Chaos. Le Bénin, c'est le pays de Paul HAZOUMé (1890-1980), enseignant, ethnologue, écrivain et homme politique, est un pionnier de la littérature africaine d’expression française, avec son roman paru en 1937, «Doguicimi», un ouvrage traitant des mœurs et des coutumes du Dahomey, sous une forme romancée. C’est un ouvrage relatant une ébauche de peinture d’une race de rois conquérants, ses trafics, ses sacrifices humains, la cupidité et la férocité des négriers. C’est l’ère du roi Toffa, la reine Doguicimi se laisse enterrer vivante pour rester fidèle à la mémoire de son défunt mari. L’écrivain, Olympe BHELY-QUENUM, né le 26 septembre 1928, à Cotonou (103 ans), grand prix d’Afrique noire, en 1966, pour «le chant du Lac», son roman, «le piège sans fin», est infatigable militant de la cause de l’Afrique. «L’Africain largement octogénaire que je suis, désire que les Africains de nationalité française qui veulent que nos pays supposés indépendants disent NON ! NON à la politique que je ne cesse de dénoncer : ce système souligne à faire vomir le servilisme de nombre de chefs d’État de l’Afrique francophone ; très objectivement, c’est pire que «Oui, mon Commandant» dans L’Étrange Destin de Wangrin du très regretté Amadou Hampâté BA» dit Olympe BHELY-QUENUM. Le professeur Paulin HOUTONDJI (1942-2024), éminent théoricien de la philosophie africaine, «La pensée africaine est aussi vieille que les peuples africains eux-mêmes. Je crois avoir contribué à attirer l'attention sur l'existence d'une philosophie africaine prise dans un autre sens, celui justement où l'on parle de philosophie grecque, française ou allemande pour désigner la philosophie produite par les Grecs, les Français ou les Allemands tels qu'elle se laisse appréhender dans des corpus de textes réellement existants : une pensée conceptuelle et rigoureuse. Cette philosophie faite par des Africains existe», disait-il à Valérie MARIN LA MESLEE, du journal «Le Point».
Un point qui avait beaucoup séduits les afrodescendants Antillais, Américains, le Bénin du président Patrice TALON, a offert sa nationalité aux descendants d’esclaves, en raison de la reconnaissance des souffrances causées par la traite négrière. En effet, un décret du 20 novembre 2024 ouvre la nationalité béninoise à «toute personne qui, d’après sa généalogie, a un ascendant déporté dans le cadre de la traite des Noirs».
65 ans après les indépendances, on remarque une grave résurgence des coups d’Etat militaires. Certains coups d’Etat sont manifestement téléguidés par les forces du Chaos, comme en Guinée, au Gabon et tout récemment en Guinée-Bissau, le président EMBALO, proche des Occidentaux, était confronté à un candidat du PAIGC, de la gauche radicale, proche du PASTEF d’Ousmane SONKO.
Le Sénégal qui était jusqu’ici un îlot de démocratie et de grande stabilité en Afrique, est confronté à une grave crise politique au sommet de l’Etat, entre le président élu, Bassirou Diomaye FAYE, un homme pondéré, et le premier ministre, Ousmane SONKO, président du PASTEF et qui a la main sur la majorité parlementaire. Cette crise ne pourra être résolue que par une dissolution anticipée, ne pouvant intervenir qu’après le 17 novembre 2026. Pendant les événements tragiques de 2021, certains militants du PASTEF radicaux, pas tous, appelaient à un coup d’Etat militaire au Sénégal, un «Grand petit pays», un modèle de démocratie en Afrique.
Il me plaît de le rappeler chaque fois, avec une grande insistance, partout où un régime militaire s’est incrusté, sous prétexte de débloquer une situation, cela a fini par une dictature, de graves souffrances pour le peuple, comme c’est le cas au Mali, le Premier ministre, M. Choguel MAIGA, celui avait chassé IBK, fait voter une Constitution, est en prison depuis plusieurs mois. En revanche, Assimi GOITA, que le PASTEF cajolait, s’est promu général et a dissout tous les partis politiques maliens. Une bonne partie du territoire malien est contrôlé par les rebelles. Entre Bamako et Kayes, vers la frontière sénégalaise, ce sont les rebelles qui contrôlent la circulation. Au Burkina, le régime militaire vient de rétablir la peine de mort, et qui était en fait appliquée aux personnes supposées être des opposants, notamment les Peuls, qui sont envoyées au front. Le Niger est en état de mort clinique. En Guinée, comme au Gabon, plus personne ne parle de transition, c’est le régime militaire à vie.
Comment 65 ans après les indépendances, on ne peut pas dire que c’est toujours la faute à la Françafrique, qui a sans doute sa part de responsabilité, pourquoi l’Afrique est hostile à la démocratie ? Qu’avons-nous fait de nos indépendances ?
On assiste depuis quelques mois, en plus des régimes monarchiques et dynastiques (Togo, Cameroun, Tchad, Guinée Equatoriale), une forte résurgence des régimes militaires. Les Blancs sont partis depuis sept décennies, mais les Africains qui les ont remplacé sont, à bien des égards, plus féroces avec leurs propres populations. «Le pouvoir est une femme qui ne se partage pas», écrit Ahmadou KOUROUMA, dans «En attendant les bêtes sauvages», un roman qui évoque la dynastie EYADEMA au Togo ; ou encore, «les animaux traitent mieux les blessés que les hommes». En effet, ce qui domine dans cette déprimante Afrique, si ce n’est pas seulement que les régimes militaires, ce sont aussi dynasties monarchiques, héréditaires, comme au Togo, en Guinée Equatoriale, en Côte-d’Ivoire, ou au Cameroun, Paul BIYA, 93 ans, réélu à un 8e mandat, a arrêté et laisser mourir un opposant en prison, Anicet EKANE. En Tanzanie, en dépit du bain de sang, plus de 800 morts, la présidente, Samia Suhulu HASSAN, très contestée, a tout de même, prêté serment dans une base militaire. A Madagascar, en octobre 2025, profitant d’une révolte populaire depuis septembre, les militaires se sont emparés du pouvoir. On s’est rendu compte que le président, Andry JOELINA, au pouvoir depuis 2009, avait la nationalité française et n’y avait pas renoncé.
Les Africains ne devraient rien attendre des autres pour les sauver. En effet, jadis pour un morceau de sucre, plus de 40 millions d’Africains ont été déportés pendant plus de quatre siècles et réduits en esclavage. C’est le plus génocide contre l’Humanité, de tous les temps et aucune réparation à jour, et pour le racket contre Haïti, on renvoie à une commission. De nos jours, l’Afrique pouvant englober l’Europe et l’Amérique ainsi que la Chine, n’est pas pauvre ; le continent noir doté d’une jeunesse, regorge de matières premières que d’autres veulent contrôler et confisquer, comme le montre la férocité des guerres au Congo ou au Soudan, pays avec d’importants gisements d’or.
«Le salut est en vous» telle est l’injonction et le titre d’un ouvrage d’un de mes maîtres à penser, Léon TOLSTOI. Les Africains, face à toutes formes de dictatures, civiles ou militaires, doivent refuser l’inacceptable. En France, en dépit de l’avancée des forces du Chaos et de toutes les calomnies, en allant voter massivement, et en prenant toutes les mairies où ils sont majoritaires, les racisés feront reculer ce racisme décomplexé ou cette hypocrisie des paternalistes.
Références bibliographiques
A – Références sur le Bénin, ex-Dahomey
AGUESSY (Cyrille) AKINDLE (A), Le Dahomey, Paris, Emom, 1955, 125 pages ;
AMEGBOH (Joseph), dit Barthélémy ELAUD, Béhanzin, roi d’Abomey, Dakar-Abidjan, NEA, collection les Grandes figures africaines, 1975 et 1983, 111 pages ;
BA (Amadou Bal), «Mati Diop et son documentaire, Dahomey. Décoloniser les imaginaires», Médiapart, 6 février 2025 ;
BA (Amadou, Bal), «Béhanzin (1845-1906), roi d’Abomey, un résistant et héros du Dahomey», Médiapart, 7 avril 2025 ;
BA (Amadou, Bal), «Maty Diop, réalisatrice : décoloniser les imaginaires, son documentaire, Dahomey», Médiapart, 6 février 2025 ;
BA (Amadou, Bal), «Olympe Bhély-Quénum : écrivain béninois», Médiapart, 23 octobre 2022 ;
BA (Amadou, Bal), «Paulin Hountondji et sa philosophie africaine», Médiapart, 2 février 2024 ;
BA (Amadou, Bal), «Toussaint-Louverture, héros d’une première République noire : Haïti», Médiapart, 9 mai 2021 :
CORNEVIN (Robert), Histoire du Dahomey, Paris, Berger-Levrault, 1963, 568 pages ;
DAN (Angelo), La restitution des biens culturels entre la France et le Bénin : journal d’un processus historique (2016-2022), préface de Bénédicte Savoy et Felwine Sarr, Paris, Présence africaine, 2024, 334 pages ;
DUNGLAS (Edouard), «L’histoire dahoméenne de la fin du XIXe siècle à travers les textes», préface de Théodore Monod, Études dahoméennes, 1953, tome IX, 156 pages ;
HAZOUMé (Paul), Doguicimi, Paris, Larose, 1937, 510 pages.
B – Autres références
BA (Amadou, Bal) «Régimes militaires africains oppressifs, bavards et démagogues», Médiapart, 30 avril 2025 ;
BA (Amadou, Bal), «Gabon : la présidentielle du 12 avril 2025, régularise le coup d’État militaire «Halal», de Brice Oligui N’Guéma», Médiapart, 14 mars 2025 ;
BA (Amadou, Bal), «Mali : coup d’Etat militaire», Médiapart, 18 août 2020 ;
BA (Amadou, Bal), «Mali : mandat de dépôt à l’encontre de Choguel MAIGA, Premier ministre de transition», Médiapart, 13 août 2025 ;
BA (Amadou, Bal), «Guinée : coup d’Etat militaire», Médiapart, 26 septembre 2021 ;
BA (Amadou, Bal), «Sénégal : Bilan d’un an d’alternance dite de rupture du PASTEF», Médiapart, 16 avril 2025 ;
BA (Amadou, Bal), «Sénégal : grave crise au sommet de l’Etat», Médiapart, 12 novembre 2025 ;
BA (Amadou, Bal), «Cameroun : Anicet EKANE, opposant mort en détention», Médiapart, 1er décembre 2025 ;
BA (Amadou, Bal), «RCI, présidentielle du 25 octobre 2025, une démocratie sans alternance», Médiapart, 14 mars 2025 ;
BA (Amadou, Bal), «Tanzanie, présidentielle du 29 octobre 2025 fortement contestée et réprimée dans un bain de sang», Médiapart, 3 novembre 2025 ;
BA (Amadou, Bal), «Madagascar, révolte populaire. Destitution du président et coup d’Etat militaire», Médiapart, 15 octobre 2025 ;
BA (Amadou, Bal), «Haïti, un racket, deux siècles après.», Médiapart, 8 avril 2025 ;
BA (Amadou, Bal), «Les enjeux des élections municipales de 2026 en France.», Médiapart, 6 décembre 2025.
Paris, le 7 décembre 2025, par Amadou Bal BA