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«Obsèques de Mamadou Badio CAMARA (1952-2025), président du Conseil constitutionnel du Sénégal, juge du contentieux électoral, une pièce maîtresse de l'État de droit et de la démocratie sénégalaise» Amadou Bal BA
Je ne connaissais pas Badio CAMARA, président du Conseil constitutionnel du Sénégal, décédé le 10 avril 2025, à l’âge de 73 ans ; ses obsèques ont été fixées au vendredi 11 avril 2025 ; c'est le juge au Conseil constitutionnel, Cheikh NDIAYE, un ami et condisciple, que je connais le mieux. Originaire de Dakar, le président Mamadou Badio CAMARA a été substitut du procureur à Dakar, procureur à Ziguinchor et Kaolack, puis premier président de la Cour suprême ; il occupait, depuis 2022, les fonctions de président du Conseil constitutionnel, dans un contexte grave de crise politique, les chefs de l’opposition étant mis en prison, à partir de 2023. Grand serviteur de l’État, l’hommage de la Nation unanime est à la hauteur de la haute et noble mission accomplie par le président du Conseil constitutionnel, Mamadou Badio CAMARA. «Nous garderons en mémoire l’image d’un magistrat rigoureux, compétent et humble. Nous honorerons les fonctions et les titres de cet homme, que ses amis décrivaient comme bienveillant, discret, courtois et toujours à l’écoute. Monsieur le Président du Conseil constitutionnel, vous avez accompli votre destin, comme chacun de nous devra, un jour, le faire», dit Bassirou Diomaye FAYE, président du Sénégal.
Le Conseil constitutionnel, violemment et injustement attaqué lors des élections présidentielles du 24 mars 2024, a courageusement appliqué la Constitution, en déclarant intangible la limitation du mandat présidentiel, sauf de force de majeure. Par conséquent, le projet du président Macky SALL de reporter les élections présidentielles au 15 décembre 2024, en se maintenant également au pouvoir, est anticonstitutionnel «L’arrivée à terme du mandat du Président en exercice, sans que son successeur ne soit élu, en raison du non-respect du calendrier électoral, ne peut être réduite ou allongée, au gré des circonstances politiques, quel que soit l’objectif poursuivi.», Conseil constitutionnel, décision 60/6°/E/24, avis du 5 mars 2024 et CC, 15 février 2024. Les décisions du Conseil constitutionnel, définitives et sans appel, s’imposent à tous les pouvoirs publics, notamment le Parlement et le chef de l’État.
En effet, le président Mamadou Badio CAMARA, comme ses autres collègues, face au coup d’État constitutionnel du 3 février 2024, et son désir de s'offrir un troisième mandat, sont restés dignes en disant la Loi. «Les circonstances qui ont entouré l’élection présidentielle ont démontré une résilience particulièrement frappante du peuple sénégalais. Ce peuple, en dépit des perturbations ponctuelles, est résolument adossé à sa tradition de dialogue et de Téranga. À ce titre, il mérite la stabilité constitutionnelle que procure une gestion du processus électoral marqué du sceau de la transparence, et de la sincérité. L’élection présidentielle, que l’on croyait, irrémédiablement compromise, a pu se tenir, même dans un délai réduit, sans qu’aucune irrégularité, de nature à altérité la crédibilité du scrutin n’ait été notée. La vainqueur a été clairement identifié, dans les heures qui ont suivi la fermeture des bureaux de vote et les félicitations des autres candidats ont suivi dans la foulée. Cela tient presque du miracle ; sauf à relever que nos institutions loin d’être en crise tiennent debout, dans le cadre de la Constitution, expression la plus achevée de la volonté populaire. Pour sa part, le Conseil constitutionnel, face à ceux qui ont tenté de le déstabiliser, par des moyens non conventionnels, a, au nom du peuple, dit le droit, sans haine ni crainte. Le président de la République, tout comme l’Assemblée nationale, a toujours accepté de se soumettre à nos décisions ; c’est dire qu’il n’y a pas une crise institutionnelle, mais une volonté commune de ne jamais sortir du cadre délimité par la Constitution», dit Mamadou Badio DIOP, lors de la prise de fonction du nouveau président, Bassirou Diomaye FAYE.
Le Conseil constitutionnel, par plusieurs décisions ayant résonné comme une puissante déflagration, a mis un coup d’arrêt à cette dérive monarchique, notamment par sa décision historique du 15 février 2024, censurant le report des élections, réaffirmant ainsi la fin du mandat présidentiel, de Macky SALL au 2 avril 2024. Les accusations, à tort, de corruption de certains membres du Conseil constitutionnel, menacé de dissolution, se sont évanouies. J'attends la publication de l'ouvrage à venir de Abou Latif COULIBALY, sur sa position concernant le coup d’État électoral avorté du 3 février 2024.
En particulier, le président Macky SALL, qui avait torpillé la candidature d'Amadou BA, son premier ministre, envisageait une alliance libérale entre son parti, l’APR et le PDS de Karim WADE. Disposant à l’époque d’une majorité au Parlement, sa commission d’enquête, visait donc à torpiller le processus électoral, mais aussi à mettre en scelle, son allié Karim WADE, en raison de sa double nationalité, sa candidature a été recalée par le juge électoral «Lors du dépôt au greffe du Conseil constitutionnel de sa déclaration de candidature le 22 décembre 2023, Karim Meïssa WADE a joint à son dossier, entre autres pièces, une déclaration sur l'honneur datée et signée de sa main le 21 décembre2023, selon laquelle il a exclusivement la nationalité sénégalaise. Le décret produit par Karim Meïssa WADE prouve que ce dernier a perdu la nationalité française à compter du décret du 16 janvier 2024, publié te 17 janvier 2024; que si, de ce fait, sa double nationalité, cause potentielle d'irrecevabilité a cessé à compter de cette date, il reste que sa candidature a été déclarée recevable sur la foi d'une déclaration sur l'honneur inexacte, dès lors qu'au moment de cette déclaration datée du 2l décembre 2023, le candidat n'avait pas exclusivement la nationalité sénégalaise les effets du décret consacrant la perte d'allégeance de Karim Meïssa WADE à l'égard de la France ne sont pas rétroactifs ; que la requête de Thierno Alassane SALL étant fondée, la candidature de Karim Meïssa WADE est irrecevable», déclare le 20 janvier 2024, Conseil constitutionnel, points 6 et 83 à 89. Dans cette même décision, le Conseil constitutionnel a validé de Bassirou Diomaye FAYE, du PASTEF, en rétention, mais non privés de ses droits civiques. En revanche, Ousmane SONKO, condamné pour diffamation et privé de ses droits civiques, n’a pas pu être candidat à l’élection présidentielle. Cependant, il est devenu le Premier ministre du Sénégal, un précédent pour Marine LE PEN, en France.
Par conséquent, le président Mamadou Badio CAMARA, qui s’est distingué par son calme, mais aussi son courage et sa grande résolution, a, largement et très activement, participé à sauver l'honneur et l'indépendance du Conseil constitutionnel. Au Sénégal, plus personne n'ose maintenant remettre l’autorité du Conseil constitutionnel. Bien au contraire, nos gouvernants, comme l'opposition, ne font plus recours à la Cour de justice de la CEDEAO. Ils ont confiance à l’État de droit, garanti par un juge constitutionnel indépendant.
Le Conseil constitutionnel sénégalais finalement a gagné ses lettres de noblesse. Or il n'en a pas été toujours ainsi. Je me rappelle qu'en pleine des idées du Sopi ou changement de maître Abdoulaye WADE, jeune assistant à la faculté de droit, j'avais remis un rapport au président Abdou DIOUF, avec plusieurs préconisations dont la création d'un Conseil constitutionnel. J'avais déjà quitté le Sénégal pour revenir à Paris et j'ai appris par la suite la démission du juge Kéba MBAYE, concernant un contentieux électoral. Le président Abdou DIOUF le relate dans ses mémoires.
Le Conseil constitutionnel, créé en 1992, se prononce sur la constitutionnalité des lois, reçoit les candidatures à la présidentielle, arrête la liste, statue sur les contestations et reçoit le serment du président nouvellement élu. Il est aussi un conseiller du gouvernement dans ces matières ou pour toute difficulté concernant l’organisation des élections, et peut donc émettre un avis s’il est saisi. Le PASTEF, arrivé au pouvoir, le 24 mars 2024, n’avait pas de majorité à l’Assemblée nationale. Non seulement, le Premier ministre, redoutant la censure, n’était pas venu présenter sa déclaration de politique générale, il était impérieux de savoir à partir de quand, des élections législatives anticipées pouvaient se tenir. Aussi, le Conseil constitutionnel a été saisi, en juillet 2024, d’une demande d’avis concernant la date de dissolution anticipée possible du parlement. «À la suite des élections législatives du 31 juillet 2022, l’élection du Président de l’Assemblée nationale et l’installation du bureau définitif de l’institution parlementaire ont eu lieu le 12 septembre 2022, cette date marque le début de la législature. Il en résulte que le 12 septembre 2022 est le point de départ de la computation du délai de deux ans, durant lequel l’Assemblée nationale ne peut être dissoute», dit le C.C., dans son avis du 10 juillet 2024. La date des élections anticipées a été fixée au 17 novembre 2024.
Aujourd'hui je souhaiterais rendre un vibrant hommage au président Mamadou Badio CAMARA et à tous ses collègues du Conseil constitutionnel du Sénégal, pour le Jihad qu'ils ont accompli pour sauver la démocratie et l'État de droit au Sénégal.
C'est l'occasion aussi de dire aux forces du Chaos en France, quand on a volé 4 millions d’euros, on n'est pas une victime, mais une coupable, une délinquante. On devrait se faire tout petit et discret ; quand on a les mains sales, il vaudrait mieux avoir la tête basse. En effet, les juges rendent leur décision au nom du peuple, c’est pour cela qu’ils méritent notre profond respect et très haute considération.
Gloire et honneur au président Mamadou Badio CAMARA, à travers lui, un hommage à tous les juges indépendants qui ont fait avancer la cause de la République et de la démocratie ! «Magistrat reconnu et respecté, Mamadou Badio CAMARA fut un grand défenseur de l’État de droit, profondément attaché au respect des droits de l’Homme et de la démocratie. À la tête de l’ACCF, il a œuvré sans relâche pour promouvoir la justice constitutionnelle et les principes fondateurs que les juridictions membres ont en partage : l’unité dans la fraternité et dans le respect de la diversité», écrit, en hommage, dans un communiqué, le Conseil constitutionnel.
Composé de 7 membres, élus pour 6 ans, le poste du Président vacant, dans l’attente d’une nomination par le chef de l’État, l’intérim est assuré par le doyen des juges au Conseil constitutionnel (Latif COULIBALY). Cependant, logiquement, l’intérim reviendrait à la vice-présidente, Mme Aminata N’DIAYE. Un précédent existe en ce sens, quand Oumar SACKO avait épuisé son mandat, c'est Mamadou Badio CAMARA qui l'avait remplacé. Les autres membres sont : Mme Aminata LY, N’DIAYE, vice-présidente, Mouhamadou DIAWARA, Youssoufa DIAW M’BODJI, Cheikh N’DIAYE et Cheikh Amed Tidiane COULIBALY.
Dans son projet politique, le PASTEF envisage de créer une Cour constitutionnelle au Sénégal, comme celle de Karlsruhe, en Allemagne. «Nous passerons d’un «Conseil constitutionnel» à une «Cour constitutionnelle» qui sera au sommet de l’organisation judiciaire. L’appellation «Conseil» est devenue anachronique pour rendre compte de l’exigence démocratique et du rôle de gardiennage des normativités juridiques et sociales, échu à la juridiction constitutionnelle. Elle sera soustraite de l’emprise du Président de la République par le mode paritaire de désignation de ses membres», écrit le candidat Bassirou Diomaye FAYE, à la présidentielle de 2024. On n’en sait pas plus.
Références bibliographiques
A - Décisions du Conseil constitutionnel
Conseil constitutionnel, décision n°1/C/2024 du 15 février 2024, censurant le coup d’État constitutionnel du président Macky SALL ;
Conseil constitutionnel, décision n°2/2/2024, séance du 20 janvier 2024, fixant la liste des candidats à l’élection présidentielle, Karim WADE Bassirou Diomaye FAYE ;
Conseil constitutionnel, décision 60/6°/E/24, avis du 5 mars 2024, sur l’intangibilité de la durée du mandat présidentiel de 5 ans, sauf cas de force majeure ;
Conseil constitutionnel, séance du 10 juillet 2024, en matière consultative, décision n°2/C/2024 affaire n°C/2/24, demande d’avis du Président de la République du 5 juillet 2024.
B - Autres chroniques
BA (Amadou, Bal), «Sénégal, Le Conseil constitutionnel censure le coup d’État constitutionnel», Médiapart, 15 février 2024 ;
BA (Amadou, Bal), «La candidature de Karim WADE, jugée irrecevable par le Conseil constitutionnel», Médiapart, 18 janvier 2024 ;
BA (Amadou, Bal), «Commission parlementaire sollicitant le report des élections», Médiapart, 1er février 2024 ;
BA (Amadou, Bal), «Sénégal, report des élections présidentielles, un coup d’État constitutionnel», Médiapart, 3 février 2024 ;
BA (Amadou, Bal), «Le président Macky SALL renonce à un deuxième quinquennat», Médiapart, 3 juillet 2023 ;
BA (Amadou, Bal), «Le calendrier électoral des présidentielles du Sénégal de 2024», Médiapart, 23 décembre 2023 ;
BA (Amadou, Bal), «Le président Abdou DIOUF et ses mémoires», Médiapart, 2 août 2023 ;
SALL (Macky), président du Sénégal «Discours à la Nation. Report des élections du 25 février 2024», Dakar, (Sénégal), 3 février 2024, à 14 heures.
Paris, le 11 avril 2025 par Amadou Bal BA