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Billet de blog 11 novembre 2025

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"Aimé CESAIRE, Poète expo Ecole normale sup Paris" Amadou Bal BA

Aimé CÉSAIRE (1913-2008), poésie et engagement à la bibliothèque de l'école normale supérieure de Paris, 45 rue d'Ulm, Paris 5e du 14 novembre 2025 au 10 janvier 2026

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«Aimé CÉSAIRE (1913-2008), poésie et engagement à la bibliothèque de l'école normale supérieure de Paris, 45 rue d'Ulm, Paris 5e du 14 novembre 2025 au 10 janvier 2026» par Amadou Bal BA

Jean-Paul SARTRE, d’un trait, nous a éclairés sur le sens de la poésie engagée d’Aimé CESAIRE, un puissant viatique contre le racisme décomplexé de notre temps et une célébration de valeurs culturelles africaines, et donc du bien-vivre ensemble. «Qu’est-ce que donc vous espériez quand vous ôtiez le bâillon qui fermait ces bouches noires ? Quelles allaient entonner vos louanges ? Ces têtes que vos pères avaient courbées jusqu’à terre, par la force, pensez-vous quand elles se relèveraient, lire l’adoration dans leurs yeux ? Voici des hommes noirs debout qui nous regardent et je vous souhaite sentir comme moi le saisissement d’être vus. Car le Blanc a joui du privilège de voir sans qu’on le voie. L’homme blanc, parce qu’il était blanc, blanc comme le jour, blanc comme la vérité, blanc comme la vertu, éclairait la création comme une torche, dévoilait l’essence secrète et blanche des êtres. Aujourd’hui, ces hommes noirs nous regardent, et leur regard rentre dans nos yeux ; des torches noires, à leur tour, éclairent le monde» écrit en 1948, Jean-Paul SARTRE, dans «Orphée noir». 

«Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n'ont point de bouches. Ma voix, la liberté de celles qui s'affaissent au cachot du désespoir», chante Aimé CESAIRE, dans «Cahiers d’un retour au pays natal». Homme politique, dramaturge, poète, anticolonialiste, membre fondateur de la négritude, Aimé CESAIRE, par son engagement, sa parole essentielle et créatrice, un éveilleur de conscience, notamment à travers sa poésie, fait partie des intellectuels majeurs du XXe siècle. «Comprendre Césaire, c’est comprendre l’émotion torride qui émane de sa colère face à l’injustice, de sa résistance face à l’adversité, de sa passion pour son peuple. La poésie est peut-être plus apte à porter ce message», écrit dans la préface, Alain NEUMANN, président de l’université Paris XIII. L’engagement de CESAIRE, dans tous ses écrits, est essentiellement anticolonialiste «Moi je parle de sociétés vidées d’elles-mêmes, de cultures périmées, d’institutions minées, de terres confisquées, de religions assassinées, de magnificences anéanties, d’extraordinaires possibilités supprimées», écrit-il de façon poétique, dans «Cahiers d’un retour au pays natal». Aimé CESAIRE se sent profondément solidaire avec les vaincus «à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement, l’agenouillement, le désespoir, le larbinisme». Homme d’action et poète, surréaliste, il agit, agite et invite à s’insurger contre l’inacceptable «Mon nom ; offensé, mon prénom ; humilié, mon état : révolté ; mon âge : l’âge de la pierre».

Un de ces poèmes célèbres a bien été souvent déclamé notamment par Jacques MARTIAL. «J’habite une blessure sacrée ; j’habite des ancêtres imaginaires ; j’habite un vouloir obscur, j’habite un long silence ; j’habite une soif irrémédiable ; j’habite un voyage de mille ans ; j’habite une guerre de trois cents ans ; j’habite un culte désaffecté entre bulbe et caïeu ; j’habite l’espace inexploité ; j’habite du basalte non une coulée, mais de la lave le mascaret qui remonte la valleuse à toute allure et brûle toutes les mosquées je m’accommode de mon mieux de cet avatar d’une version du paradis absurdement ratée, c’est bien pire qu’un enfer ;  j’habite de temps en temps une de mes plaies chaque minute je change d’appartement et toute paix m’effraie», un extrait du poème, «Moi, laminaire». Aimé CESAIRE s’identifie à la laminaire, une algue brune, qui s’accroche fortement aux fonds marins, à l’ascidie, à la cuscute, plantes s’accrochant à l’arbre. Dans «Moi laminaire», CESAIRE s’identifie, dans sa poésie à cette algue indéracinable ; c’est une métaphore désignant le peuple noir, l'affirmation du moi à l’infini. Il y fait référence à la traite négrière, une déportation des populations d’Afrique vers les îles de la Caraïbe, pendant plus de trois siècles, un peuple laminé, déraciné. Aimé CESAIRE fait référence à ses ancêtres mythiques africains. L’abolition de l’esclavage, comme le souligne Maryse CONDE, n’a pas amélioré les conditions des Antillais, avec la monoculture de la canne à sucre, les terres confisquées par les Békés, l’éducation, notamment dans le secondaire, réservée aux riches, «Le Noir demeure synonyme d’être inférieur», écrit Maryse CONDé.

Poète et politique, mais aussi dramaturge et essayiste, né le 26 juin 1913 à Basse-Pointe, Aimé CESAIRE est un Martiniquais qui a revendiqué son africanité jusqu’à sa mort. Il décède le 17 avril 2008 à Fort-de France. D’une famille de sept enfants, il est le cadet qui, de part sa scolarité exemplaire, obtiendra une bourse pour suivre ses études à Paris en 1931. En 1934, il est reçu à l’Ecole Normale Supérieure. Ses rencontres et ses influences feront de lui écrivain qui enrichira la langue française dans une poétique propre. Marié à Suzanne ROUSSI qui lui a donné six enfants, Aimé CESAIR est l’auteur de huit recueils de poèmes, quatre pièces de théâtre, des centaines de discours, de préfaces, d’articles de revues, d’hommages, d’interventions pour des colloques, des conférences, des congrès, des séminaires.

Dans la quête de sa dignité, de révolte intérieure, dénoncera inlassablement l’inacceptable entreprise d’aliénation et de déshumanisation de la colonisation, en guerre contre l’assimilation, Aimé CESAIRE, rebelle et révolutionnaire, reste d’une grande actualité, dans ce monde où le populisme, le racisme et la xénophobie, décomplexés qui sont devenus, de notre temps, une valeur politique positive.

Par conséquent, l’héritage de la poésie d’Aimé CESAIRE est colossale et intemporelle. «Les mots sont des pistolets chargés» disait Jean-Paul SARTRE. La poétique engagée d’Aimé CESAIRE est donc une arme en politique, lui permettant d’exprimer à la fois sa liberté et son cri de Nègre contre l’injustice, le racisme. «Il n’est pas question de livrer le monde aux assassins d’aube», écrit le poète.

 Références bibliographiques

A – Poésie d’Aimé CESAIRE

CESAIRE (Aimé), Ferrements et autres poèmes, préface de Daniel Maximin, Paris, Points, 2021, 224 pages ;

CESAIRE (Aimé), La poésie, Paris, Imprimerie nationale, 1996, 276 pages ;

CESAIRE (Aimé), La poésie, Paris, Seuil, 2006, 560 pages.

B – Autres références

BEBEY (Kidi) CALIN (Isabelle), Aimé Césaire. Le poète prophète, Paris, Cauris livres, 2013, 32 pages ;

CONDE (Maryse), Cahier d’un retour au pays natal, Césaire. Analyse critique, Paris, Hâtier, 1978, 79 pages ;

DIOP (Papa, Samba), La poésie d’Aimé Césaire. Propositions de lecture, Paris, Honoré Campion, 2010, 622 pages ;

DOUCEY (Bruno), EPANYA (Christian), Aimé Césaire, un volcan nommé poésie, Paris, A Dos d’âne, 2019, 64 pages ;

GIRAULT (Jacques) LECHERBONNIER (Bernard), sous la direction de, Aimé Césaire, un poète dans le siècle, Université Paris XIII, Harmattan, 2006, 142 pages ;

JUIN (Hubert), Aimé Césaire, poète noir, Paris, Présence africaine, 1956, 105 pages ;

MAUGEE (Aristide), «Poésie et obscurité», Tropiques, juillet 1941, n°2, pages 7-12 ;

MAXIMIN (Daniel), Cent poèmes d’Aimé Césaire, Paris, Omnibus, 2009, 216 pages ;

ONYEOZIRI (Gloria, Nne), La parole poétique d’Aimé Césaire : essai de sémantique littéraire, Paris, Harmattan, 1992, 239 pages ;

REVERT (Anne), Poésie et politique : anthologie, Paris, Nathan, 2017, 143 pages, spéc pages 66-67 ;

ROY (Claude), Hubert-Aimé Césaire, poète noir, Paris, Présence africaine, 1956, 110 pages ;

SENGHOR (Léopold, Sédar), Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de langue française par Léopold Sédar Senghor, Orphée Noir par Jean-Paul Sartre, avant-propos Charles-André Julien, Paris, P.U.F, 1948 et 1969, 227 pages, spéc sur Césaire pages 57, 63, 65, 73, 79, 77 et 81.

Paris, le 1er novembre 2025, par Amadou Bal BA

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