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Billet de blog 13 août 2025

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"Jacques MARTIAL (1955-2025), élu, artiste engagé In Memoriam" Amadou Bal BA

Jacques MARTIAL (1955-2025) élu du 12e arrondissement de Paris, conseiller de Paris, artiste, Navarro avec Roger HANIN, Président du Memorial ACTe, membre de la Fondation de la Mémoire pour l’Esclavage. In Memoriam.

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«Jacques MARTIAL (1955-2025) élu du 12e arrondissement de Paris, conseiller de Paris, artiste, Président du Memorial ACTe, membre de la Fondation de la Mémoire pour l’Esclavage. In Memoriam» par Amadou Bal BA

Jacques MARTIAL, né le 7 mai 1955, à Saint-Mandé (Val-de-Marne, près de Paris), est issu d’une fratrie de cinq enfants. Ses parents sont originaires de la Guadeloupe, le pays de la Mulâtresse Solitude (1772-1802), de Hégésippe LEGITIMUS (1868-1944), de Gaston GERVILLE-REACHE (1854-1906) et de Gratien CANDACE (1873-1953). Je confondais souvent Jacques avec son frère Jean-Michel, également artiste comme lui. La bourde est arrivée quand je l'ai appelé en 2019, «Jean-Michel» lors de la cérémonie en hommage au Conseil régional d'Ile de France à son illustre Frère, Jean-Michel MARTIAL (1952-2019), acteur, metteur en scène et réalisateur franco-malgache, disparu trop tôt.

Le père de Jacques MARTIAL étant un militaire de carrière, toute la famille a vécu une vie nomade, notamment au Congo-Kinshasa, Guyane, Madagascar. Dès la petite enfance, Jacques MARTIAL découvre la Guadeloupe où il reviendra régulièrement. C’est plus tard qu’il lira Sony RUPAIRE (1940-1991), poétesse, Aimé CESAIRE (1913-2008) ou encore Maryse CONDE (1934-2024), qui lui permettront de disposer de clefs pour accéder à d’autres dimensions de la culture guadeloupéenne, antillaise et caribéenne.

Chevalier de la Légion d’honneur, officier de l’ordre des arts et lettres, homme politique, acteur et metteur en scène, Jacques MARTIAL vient de nous quitter ce mercredi 13 août 2025. «Elu parisien et figure du cinéma, Jacques Martial a dédié sa vie à la valorisation et à la préservation de la culture ultramarine, portant, avec force et constance la mémoire et l’identité de nos territoires d’Outre-mer», écrit le Groupe, «Changer Paris». Il a été adjoint à la maire de Paris «Ce matin, je pleure un ami cher, fidèle, généreux et sensible qui m’a beaucoup appris», dit Mme Anne HIDALGO, maire de Paris. «Artiste impressionnant, sa voix unique a fait rayonner tous les textes et les combats qu’il a portés», rajoute François DAGNAUD, maire du 19e arrondissement. «Jacques aimait décrire les Outre-mer non pas comme le bout du monde, mais comme le bout de la France. Il nous invitait à regarder et aimer l’hexagone à partir des Outre-mer, fenêtres ouvertes sur les autres continents et sur le monde. Engagé, il a consacré sa vie à la lutte contre le racisme, à la mémoire de l’esclavage et à la valorisation des artistes ultramarins. Nous lui devons de nombreux projets emblématiques, comme la statue de Solitude, le jardin Toussaint Louverture ou encore la statue de Paulette Nardal rue de la Chapelle», précise, Mme Anne HIDALGO, maire de Paris.

Jacques MARTIAL, élu du 12e arrondissement de Paris, adjoint à la mairie de Paris, membre de la Fondation pour la mémoire de l'esclavage, Président du Mémorial ACTe de Pointe-à-Pitre, du 15 juin 2015 au 2 août 2019, a été nommé par Jacques CHIRAC, président de la Grande Halle de la Villette de 2006 à 2015. A travers le Mémorial ACTE, Jacques MARTIAL a clôturé le résultat d’un long processus de revendication politique et mémorielle (1948-2015), des Caraïbéens, pour la mémoire et l’histoire de la traite de l’esclavage ; il a donc contribué, de façon significative et décisive, à la réappropriation de ce fait colonial par les descendants d’esclaves de la Guadeloupe, dont les luttes pour leur dignité, avaient été mise sous silence, voire «oubliées» au nom de l’assimilation à l’histoire et à la culture française, depuis 1848. «Si l’esclavage remonte à l’histoire antique de l’humanité, à partir du 16e siècle, l’organisation de la traite négrière et de la mise en esclavage des Africains a structuré le monde et les échanges entre les peuples. En France, ce traumatisme et cette histoire, parce que longtemps refoulés et occultés, dans l’espoir de leur effacement des mémoires, ont pu continuer d’être agissants. Afin de combler les failles creusées par le silence et le déni de ce passé, le Mémorial ACTe s’est donné la mission d’étudier cette histoire, ses conséquences mais aussi ses avatars modernes afin de créer les conditions d’une réconciliation entre les peuples et de favoriser un nouvel humanisme» dit Christine MOREL.

Jacques MARTIAL, d’une grande taille mesurant 1m92, d’une voix grave, est surtout connu du grand public pour avoir interprété chaque semaine «le lieutenant Bain – Marie», l’un des «mulets», dans la série «Navarro», de Roger HANIN, sur TF1, entre 1989 et 2004. C’est pendant ses vacances à Paris, que Jacques MARTIAL découvre sa vocation d’homme de théâtre «Je rêvais d’être Oreste dans Andromaque. Mais ce sont des serpents qui sifflent dans nos têtes. On commença pourtant à m’expliquer qu’il y avait des rôles que je ne jouerai jamais. Là, j’ai pris conscience de ce que c’est d’être Noir», dit-il. Jacques MARTIAL commence par de petits rôles. Il est aussi la doublure des voix d’artistes afro-américains, comme Denzel WASHINGTON, Wesley SNIPES ou Samuel L. JACKSON. En 2000, il créé la Compagnie noire, pour la promotion d’artistes issus de la diversité. A partir de 1981, il obtient des rôles au cinéma plus valorisants, notamment avec Claude BERRI, «Le maître d’école». Il aura participé à 19 séries télévisées, 18 films, 57 doublages de voix, mais aussi 5 jeux de vidéos, ainsi que 25 pièces de théâtre.

Passionné pour le théâtre, en 2003, il a mis en scène le Cahier d’un retour au pays natal d’Aimé CESAIRE, qu’il a interprété dans le monde entier avec sa voix puissance et remarquable. En effet, Jacques MARTIAL est un fervent admirateur de ce grand poète de négritude «C’est le texte fondateur de l’œuvre d’Aimé Césaire. En 1939 il symbolisait la fierté et la dignité retrouvées des peuples noirs et au-delà, de tous les peuples opprimés dans le monde. Aujourd’hui nous voyons qu’il propose avec ce texte les principes et les termes d’une fraternité renouvelée, respectueuse de chacun. Il invite également chacun à assumer sa part dans sa construction», dit-il. La découverte de CESAIRE a été pour lui un élément révélateur, dans son engagement d’artiste. Aimé CESAIRE est un bâtisseur qui inspirait les gens et qui les invitait à façonner avec leurs mains, leur courage et leurs ambitions, l’avenir, leur avenir «La découverte de ce texte (Cahiers d’un retour au pays natal) a été pour moi une révolution. Cahier… m’a permis d’entrevoir mon avenir d’homme noir et d’artiste sous un jour totalement renouvelé et positif. Il est une source inépuisable d’optimisme et d’énergies positives pour regarder la réalité en face et savoir qu’on peut la transformer, la faire évoluer dans le sens du beau», dit-il.

Jacques MARTIAL est connu pour son grand engagement contre le racisme et pour le bien-vivre ensemble, dans le respect mutuel. «Je suis un citoyen engagé dans la vie publique, la lutte contre le racisme, pour l'égalité des chances depuis toujours, et davantage depuis 1998 avec le collectif Égalité. Pour moi, toute expression raciste envers qui que ce soit est insupportable et je dis bien envers qui que ce soit. Nous avons la nécessité de construire ce monde ensemble», dit-il en 2010, à France-Antilles. Ce collectif a été initié par Calixthe BEYLA «Le Collectif est né à l’initiative de la romancière Calixthe Beyala qui, l’an dernier (1998), devant le silence et face au vide auquel nous étions confrontés, a intenté une procédure contre le gouvernement français pour racisme, arguant que les minorités visibles, et notamment les Noirs (car plus on est noir, plus on est invisible), n’étaient pas assez représentées à la télévision. Autour de Calixthe Beyala et de cette action se sont regroupées les personnes qui se sentent concernées par le problème et qui sont désireuses de changement» dit-il à Sylvie CHALLAYE. 

En définitive, homme lumineux, de conviction, naviguant entre plusieurs cultures, Jacques MARTIAL, par «son travail sur des expositions comme «Le Modèle Noir» a permis de mettre en lumière la contribution des personnalités noires à l'histoire de l'art occidental, un sujet trop souvent ignoré», écrit Ary CHALUS, président de la région Guadeloupe.

Les obsèques de Jacques MARTIAL ont eu lieu à Paris le 20 août 2025 avec de nombreux hommages «Mon Jacques tu es parti. Ce n'était pas toujours facile un couple du même sexe, un couple de couleur mixte. Vivre avec un noir, j'ai découvert les réalités du racisme dans la vie de tous les jours en France, en Europe, dans le monde. Ma colère si profonde, mais nous avons tenu ensemble. 33 ans ensemble, mon Jako, je t'aime, mon Jako à moi, je t'aime », dit Team GREACEN, son mari. Jacques MARTIAL, qui vivait dans le XIXe, arrondissement de Paris, la plus importante communauté gay d’Europe, était très discret sur sa vie privée.

Un hommage élargi à tous, sera rendu à Jacques MARTIAL en octobre 2025.

Références bibliographiques

A – Contributions de Jacques MARTIAL

MARTIAL (Jacques), Il y eut un soir, un matin. roman, préface de Jean-Pierre Beuve, Le Lys Bleu, 2024, 72 pages ;

MARTIAL (Jacques), «Il est indispensable de s’ouvrir à l’autre», interview accordée à Barbara OLIVIER, France-Antilles, 25 octobre 2010 ;

MARTIAL (Jacques), «Autour du « Collectif Égalité», entretien avec Sylvie CHALAYE, Acteurs noirs, Africultures, n°27, février 2000, publié le 31 mars 2000 ;

B – Autres références

CHALAYE (Sylvie), «Artistes noirs en France au XXIe siècle : paradoxe et utopie», Africultures, 2013, Vol 2, n°92-93, pages 8-11 ;

DUBOIS (Régis), Les Noirs dans le cinéma français, LettMotif, 2012, 246 pages, spéc pages 203-204 ;

JANNET (Yoan), Ils ont fait la Guadeloupe, Kouyanm éditions, 2019, 112 pages ;

MOOMOU (Jean), «Le Mémorial ACTe : Quai Branly de Guadeloupe, Louvre des Antilles-Guyane, Gorée des Amériques», L’Inde et les Français : pratiques et savoirs coloniaux, 2015 (2), pages 239-268 ;

OCTAVIE (Emmeline) CHALAYE (Sylvie), Jacques Martial de l’ombre à la lumière, 2012, 212 pages.

Paris, le 13 juillet 2025, par Amadou Bal BA

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