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«Mali : arrestation et mandat de dépôt par la junte militaire de l’ancien premier ministre, M. Choguel MAIGA. Libération immédiate de l’ancien Premier ministre ! Retour à un régime civil et démocratique, par l’application de la nouvelle Constitution malienne votée par référendum le 18 juin 2023» par Amadou Bal BA
Choguel MAIGA a été placé, ce 19 août 2025, sous mandat de dépôt. Dès le départ, j'avais dit à Choguel et je l'avais écrit, que je ne faisais pas confiance aux militaires. Ils peuvent débloquer une situation, mais ils ne sont que très rarement la solution vers une issue démocratique. Une fois qu'ils ont conforté leur pouvoir, les juntes militaires deviennent des dictateurs, et donc ne lâchent plus le morceau. C'est ainsi que le cycle de la théorie et de l'obsession du complot, répression et solidarité recommence. Choguel a été le leader de la désobéissance civile contre IBK ; il a cru de bonne foi, en démocrate à une transition démocratique ; il doit donc être libéré sans délai. En effet, des jeunes sont morts pendant la révolte contre IBK et le général Assimi GOITA a souillé leurs tombes. Ceux qui ne juraient que la junte malienne en ont pour leur grade.
Officiellement, convoqué dans le cadre de la reddition des comptes, des fonds secrets, pour lesquels il avait renoncé à en conserver les clés, le docteur Choguel MAIGA et ses anciens collaborateurs, ont été déférés 12 août 2025, en garde à vue au Pôle économique et financier de Bamako, pour des allégations «d’atteintes aux biens publics, de faux usage de faux et atteinte aux biens publics» ; cette détention, après 48 heures, comme si l’on s’y attendait, s’est terminée par un mandat de dépôt. Choguel, dans cette épreuve est resté d’une grande dignité. Serein, il estime qu’un homme politique, face à l’adversité, doit s’attendre à tout, y compris la prison et la mort. «Ils ont commis l’irréparable» a-t-il lâché. Homme d’Etat malien, Choguel a désormais accédé à une stature internationale, incontestable. En dépit de la vague d’attentats terroristes, la couverture médiatique sur l’arrestation de Choguel est impressionnante. Macky SALL et Tidjane THIAM se sont enfuis de leur pays, mais jadis, Ousmane SONKO avait eu le courage de rester au Sénégal, et cela a fini par payer.
En réalité, cette arrestation de Choguel est liée au fait que la junte militaire, dans sa dérive dictatoriale, a renoncé à appliquer la nouvelle Constitution et surtout la transition vers un gouvernement civil et démocratique. Le docteur Choguel MAIGA, une haute morale et politique, d’une grande probité, intégrité, gêne les militaires maliens dans leur dérive dictatoriale et répressive ; il est resté la seule personnalité politique qui fait de l’ombre aux militaires. En effet, il n’a échappé à personne que ces temps-ci, après les manifestations des jeunes contre la dissolution des partis politiques, dans une paranoïa du complot, une vague d’arrestation a sévi au Mali, concernant notamment de hauts dignitaires militaires.
Initialement, le général Assimi GOITA, chef de la junte militaire, qui avait voté, par référendum, une nouvelle Constitution le 18 juin 2023, vers un régime présidentiel, et donc démocratique. En particulier, le président de la République est élu, pour «un mandat de cinq ans, au suffrage universel direct. Il n’est rééligible qu’une fois» prescrit l’article 48.
Par ailleurs, dans cette apparente volonté pour la démocratie, un régime civil, la junte militaire avait validé un calendrier de transition : le 31 octobre 2021 tenue d’une élection référendaire ; et le 26 décembre 2021, élections des conseillers communaux, régionaux, et du district de Bamako. Élections présidentielles et législatives couplées : 1er tour le 27 février 2022, et second tour les 13 et 20 mars 2022. Cette transition a été reportée au 26 mars 2024.
Cependant, le général Assimi GOITA a, le 13 mai 2025, finalement dissout tous les 300 partis politiques, et s’est donc investi en président à vie. Il n’a pas consulté le Premier ministre Choguel MAIGA qui l’a appris par la suite. La transition n’a pas pris fin au 26 mars 2024 et «a été reportée sine die, unilatéralement, sans débat au sein du gouvernement. J’ai appris dans les médias que la transition a été reportée, alors que j’ai signé les décrets. Il y a de la confusion et de l’amalgame.», avait dit Choguel MAIGA.
Si Choguel est arrêté, et maintenant remplacé à son poste de Premier ministre, par un général, Abdoulaye MAIGA, cela marque ainsi une volonté de la junte d’accentuer la militarisation. Par conséquent, les prétendues poursuites pénales contre Choguel, pour des allégations de détournements de deniers publics, sont en fait de graves divergences politiques. La «rupture (avec la junte) est consommée» avait dit Choguel, en raison de la volonté affichée des militaires de se maintenir indéfiniment au pouvoir, mais aussi par des arrestations et des détentions arbitraires de ses amis, dont le professeur Issiaka Ahmadou SINGARé, son ancien directeur de cabinet, ainsi que ses trois anciens directeurs administratifs et financiers de la Primature.
Finalement, le docteur Choguel MAIGA, premier ministre du Mali du 7 juin 2021 au 20 novembre 2024, en désaccord avec le virage autoritaire du régime militaire, a tenu un «meeting de clarification» en novembre 2024, à la suite duquel il a été débarqué de ses fonctions. Il est resté très attaché au respect de la parole donnée, à savoir que les militaires au terme de la transition devraient rendre le pouvoir aux civils, en appliquant la Constitution de 2023 votée par référendum. Or, la junte s’accroche au pouvoir, par une présidence à vie d’Assimi GOITA, devenu donc un dictateur, comme IBK, l’ancien président qu’il avait débarqué en 2020, à la suite de manifestations pacifiques organisées en relation avec les jeunes. Le docteur Choguel MAIGA, ancien ministre de l’industrie et du commerce de 2002 à 2007, mais aussi le leader de la désobéissance civile qui avait de façon très décisive ; contribué au départ de Ibrahima Boubacar KEITA, connu son intégrité, sa grande probité est profondément attaché à la restauration de la paix et à la restauration de la démocratie au Mali. C’est pour cela que les militaires après l’échec de leur premier ministre, M. Moctar OUANE, premier ministre du 28 septembre 2020 au 24 mai 2021, ont fini par faire appel, à Choguel, une éminente figure morale.
Nommé Premier ministre du Mali, le 7 juin 2021, dans sa première déclaration, M. Choguel MAIGA a énoncé de grands principes concernant sa gouvernance qu’il veut de rupture totale, par l’exemplarité positive. M. MAIGA s’engage pour une transition inclusive ; aucun Malien ne sera laissé au bord de la route. Son gouvernement a pour ambition de faire de la Politique au sens noble du terme. En effet, la Politique est pour lui, au sens où l’entendait Aristote, la poursuite du Bien commun. La crise qui frappe les sociétés africaines est avant tout celle des valeurs, de l’éthique et de la bonne gouvernance. Gouverner pour servir, afin d’améliorer les conditions de vie des populations, et non se servir ; telle est l’exigence fondamentale de notre temps.
Né le 2 avril 1958, à Tabango, dans la région de Gao, au Mali, ingénieur des télécommunications de profession, proche du général Moussa TRAORE (1936-2020) un militaire qui avait renversé Modibo KEITA (1915-1977), M. Choguel MAIGA est doté d’une expérience et d’un sens politique. Comme je le dis souvent, la Politique ce n’est pas une question de diplômes, c’est avant tout un véritable Art. Choguel MAIGA doit sa survie antérieurement, et maintenant à son triomphe en qualité de Premier ministre, sa vision d’un Mali de paix, indépendant, mais ouvert aux autres, sa résilience, sa capacité d’écoute et de dialogue, ainsi que sa grande sérénité, devant les agitations stériles. Ce sont là d’éminentes qualités d’homme d’Etat qui sont des viatiques pour un succès. En effet, initialement membre de l'Union nationale des jeunes du Mali, il a été Ministre de l’Industrie et du Commerce de 2002 à 2007, puis Ministre de l’Economie numérique, de l’Information et de la Communication, porte-parole du gouvernement. Choguel MAIGA s’est présenté, à deux reprises, à l’élection présidentielle, en 2002 et en 2013. Ancien Directeur général de l’Autorité malienne de régulation des télécommunications et des postes (AMRTP), aimant la lecture et le sport, Choguel MAIGA est marié et père de 7 enfants. Choguel est également un écrivain, auteur, en 2018, d’un livre sur «les rébellions au nord du Mali».
En définitive, si Choguel a été arrêté par la junte qui veut s’accrocher, indéfiniment, au pouvoir, c’est parce qu’il représente au Mali, aux côtés des jeunes, la seule force d’opposition, la seule alternative crédible démocratique, contre cette dérive dictatoriale d’un régime militaire, que certains prenaient, imprudemment, comme un modèle de résistance à la Françafrique. J’ai toujours pensé que, depuis les indépendances, les régimes militaires peuvent débloquer une situation, comme ce fut le cas au Ghana ou au Soudan, mais ils ne sont jamais la solution. Une fois que leur pouvoir est confronté, ils ne veulent plus le rendre aux civils et c’est un nouveau cycle de répressions et de solidarités qui démarre (Voir mon article, Médiapart, 30 avril 2025).
Libération immédiate et sans condition du docteur Choguel MAIGA ! Les militaires doivent retourner à leur caserne, sans délai et des élections, libres et démocratiques, conformément à la Constitution de 2023 devraient être organisées pour rendre, illico presto le pouvoir aux civils. De nombreux jeunes maliens sont morts pour le combat de la liberté et de la démocratie. Le général Assimi GOITA s’est soulagé sur leurs tombes.
Références bibliographiques
BA (Amadou, Bal), «Régimes militaires africains oppressifs, bavards et démagogues», Médiapart, 30 avril 2025 ;
BA (Amadou, Bal), «Mali : coup d’Etat militaire», Médiapart, 18 août 2020 ;
BA (Amadou, Bal), «Choguel MAIGA pressenti Premier ministre du Mali», Médiapart, 28 mai 2021 ;
BA (Amadou, Bal), «Choguel MAIGA nommé par la junte, Premier ministre du Mali», Médiapart, 8 juin 2021 ;
BA (Amadou, Bal), «Choguel MAIGA : axes de la transition», Médiapart, 2 août 2021 ;
BA (Amadou, Bal), «Le Premier ministre, Choguel MAIGA a rencontré la classe politique malienne, autour d’une transition de 18 mois», Médiapart, 29 août 2021 ;
BA (Amadou, Bal), «Mali : référendum du 18 juin 2023 sur une nouvelle Constitution», Médiapart, 9 juin 2023 ;
BA (Amadou, Bal), «Mali : la crise d’arrestation des autorités de transition, Moctar OUANE», Médiapart, 25 mai 2021 ;
BA (Amadou, Bal), «Choguel MAIGA l’ONU et la Françafrique», Médiapart, 27 septembre 2021 ;
BA (Amadou, Bal), «Mali : une Révolution trahie ?», Médiapart, 27 septembre 2020 ;
BA (Amadou, Bal), «Mali : La mort d’IBK, l’ancien président du Mali», Médiapart, 16 janvier 2022 ;
MAIGA (Choguel, Kollala), SINGARE (Issiaka, Ahmadou), Les rébellions au nord du Mali, des origines à nos jours, Bamako, (Mali), Edis, juin 2018, 452 pages.
Paris, le 12 août 2025, par Amadou Bal BA