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Billet de blog 15 septembre 2025

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"Baruch SPINOZA, philosophe de la modernité" Amadou Bal BA

Baruch SPINOZA (1632-1677), un philosophe du naturalisme, du rationalisme, théoricien de la laïcité et de la liberté de pensée, de la joie, contre l’esclavage des passions, père de la rationalité et de la modernité

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Baruch SPINOZA (1632-1677), un philosophe du naturalisme, du rationalisme, théoricien de la laïcité et de la liberté de pensée, de la joie, contre l’esclavage des passions, père de la rationalité et de la modernité» par Amadou Bal BA

«Notre siècle est fort éclairé ; mais il n’en est pas plus équitable à l’égard des grands hommes. Quoiqu’il leur doive ses plus belles lumières et qu’il en profite heureusement, il ne peut souffrir qu’on les loue, soit par l’envie, ou par ignorance ; et il est surprenant qu’il se faille cacher pour écrire leur vie. Que si cet ouvrage, que je consacre à la mémoire d’un illustre ami, n’est approuvé de tout le monde, il le sera pour le moins de ceux qui n’aiment que la vérité, et qui ont quelque sorte d’aversion pour le vulgaire impertinent», écrivait, en 1719, son ami et biographe, Lucas de LA HAYE. Considéré de nos jours, comme un des plus grands philosophes, bien en avance sur son temps, excommunié de la communauté́ juive à 23 ans pour hérésie, Baruch SPINOZA décide de consacrer sa vie à la philosophie : découvrir un bien véritable qui lui «procurerait pour l'éternité́ la jouissance d'une joie suprême et incessante». Philosophe audacieux, rationaliste et de la modernité, dans son œuvre majeure et monumentale, «l’Éthique», publiée à titre posthume en 1677, il présente un système philosophique complet, exposé selon une méthode géométrique rigoureuse inspirée des mathématiques d'Euclide. Divisé en cinq parties, l'ouvrage aborde successivement Dieu, la nature et l'origine de l'esprit, l'origine et la nature des affects, la servitude humaine et la puissance des affects, et enfin la puissance de l'entendement ou la liberté humaine. SPINOZA y développe une vision du monde moniste et déterministe, où Dieu et la Nature sont une seule et même chose. «C’est toujours de Dieu qu’il s’agit, mais de Dieu, en tant qu’univers, de Dieu en tant qu’homme, de Dieu dans ses modes, et non dans son essence infinie», écrit Francisque BOUILLIER. Cet abandon du dualisme traditionnel, une distinction du corps et de l’esprit, dans l’histoire de la philosophie fait «envisager l’œuvre de Spinoza sous un jour nouveau. Jusqu’à présent l’humanité a marché vers le monisme, inconsciente des causes qui déterminent ce développement de sa pensée. L’homme pourra embrasser la marche progressive de sa pensée depuis les temps reculés. Il pourra se rendre compte du chemin parcouru», écrit, en 1903, Nicolas KOSTYLEFF.

Philosophe panthéiste, moniste et matérialiste par excellence, penseur central du XVIIe siècle, Baruch SPINOZA a révolutionné la pensée politique, en interrogeant plusieurs thèmes : l’existence, l’étendue, la pensée et la liberté de Dieu, le corps et l’âme, sa morale en relation avec le libre arbitre, le bien et le mal, et la question de la liberté. «De tous les philosophes suscités en Hollande par le mouvement cartésien, il n’en est pas de plus illustre que Spinoza, et qui, tout se rattachant à Descartes, s’en éloigne davantage par la nouveauté et la hardiesse des doctrines», écrit Francisque BOUILLIER. Son ouvrage, «L’éthique», publié anonymement en 1670 pour éviter la censure, très révolutionnaire, interroge les rapports entre religion, politique et liberté, jetant les bases d'une société tolérante et démocratique. Tous les fils de la pensée convergent en lui : mysticisme et naturalisme. Entre contrepoids des religions révélées et leur dogme, SPINOZA est un partisan du libre arbitre.  Certes, il y a des êtres humains qui cherchent seulement à bien dormir, se nourrir, faire l’amour, se distraire, sans se poser d’autres questions, et qui ne se préoccupent pas plus de s’améliorer eux-mêmes que de contribuer à l’amélioration du monde.

Cependant, tout homme a la possibilité d’être un juste ou un méchant, un sage ou un imbécile. Il n’est personne qui le contraigne ou prédétermine sa conduite, personne qui l’entraîne dans la voie du bien ou du mal. SPINOZA ne croyait pas totalement au libre arbitre, c’est-à-dire en une disposition naturelle à faire des choix qui seraient libres de toute contrainte intérieure. Dans ce déterminisme, il travaillait en vue de la libération de l’esclavage des passions, de l’esprit du phénomène de la foule, du suivisme des troupeaux. Grand émancipateur politique et spirituel, SPINOZA militait contre nos affects inconscients, pour une libération politique et spirituelle. L’essence de l’Homme, c’est la raison et la volonté de changer, par le désir, en vue d’éclairer, orienter et réorienter nos désirs. «Toute ombre de la liberté individuelle est à jamais bannie : la nécessité rigoureuse y règne en tant que condition de l'intelligibilité et de la réalité. Comme toute chose, l'homme de Spinoza est réintégré dans la nature : faisant une partie constitutive de celle-ci, il en subit le déterminisme absolu. Spinoza est, de tous les philosophes, celui qui a le plus hardiment montré l'opposition entre le libre arbitre et les doctrines d'une métaphysique purement intellectualiste. Le monde est un, donc le libre arbitre n'existe pas», écrit Augustin JABUSIAK. Philosophe de la joie, l’être et l’essence sont au cœur de sa pensée «Plus qu'aucune autre philosophie, la doctrine de Spinoza est une théorie de l'Etre. Elle roule tout entière sur la notion de l'être, puisque le bonheur suprême auquel elle prétend nous amener n'est pas autre chose que la jouissance ou la possession de l'être» écrit, en 1905, Albert RIVAUD.

Baruch SPINOZA est né le 24 novembre 1632 à Amsterdam, à la République des Provinces Unies, des Pays, actuelle Hollande. Il se fait aussi appeler Benoit. Il est né et a développé sa philosophie radicale de la modernité, dans le peuple le plus pratique, le plus industrieux, le plus attaché aux choses terrestres. «La vraie cause, c’est que la Hollande est le seul pays de l’Europe où régna la liberté de penser», écrit, en 1883, Paul JANET. Ses ancêtres étaient très probablement des juifs espagnols expulsés en 1492 et qui trouvèrent refuge au Portugal. La vie des Juifs dans la péninsule ibérique avait été acceptable tant que les Arabes furent les maîtres du pays ; les choses changèrent dès que Grenade «dernier fleuron de la couronne des Maures» tomba entre les mains des rois catholiques. En effet, la plupart de ces exilés étaient des conversos, des convertis au catholicisme de façon forcé, et d’autres sont de «Marranes», qui continuaient à pratiquer secrètement le judaïsme. Menacés à nouveau d’expulsion, de nombreux Juifs durent recevoir un baptême forcé, tandis que d’autres émigrèrent vers notamment vers les Provinces-Unies des Pays-Bas, lorsque celles-ci se sont émancipées de la tutelle de l’Espagne. Son grand-père, Pedro Isaac ESPINHOSA, Son père Micael ou Miguel de ESPINHOSA (1588-1654), tient un négoce de produits importés des colonies ; c’est un homme très religieux et aussi l’un des principaux soutiens financiers de la synagogue Talmud-Torah, dirigée par une très forte personnalité, le rabbin érudit Saül MORTEIRA. M. Au décès de sa première épouse, il se remarie à Hannah Deborah MARQUES (1595-1638), qui lui donne deux enfants, Myriam et Baruch. «Ce qu’on dit ordinairement, et qu’on a même écrit, qu’il était pauvre et de basse extraction, n’est pas véritable ; ses parents, juifs portugais, honnêtes gens et à leur aise, étaient marchands à Amsterdam, où ils demeuraient sur le Burgwal, dans une assez belle maison, Ses manières d’ailleurs civiles et honnêtes, ses proches et alliés, gens accommodés, et les biens laissés par ses père et mère, font foi que sa race, aussi bien que son éducation, étaient au-dessus du commun», écrit, en 1861, Jean Lucas COLERUS, un de ses éminents biographes.

Son père n'oublia rien pour lui faire donner une excellente éducation. Le jeune Baruch montra les dispositions intellectuelles les plus précoces; sa sagacité et sa pénétration semblaient tenir du prodige; il se distingua de bonne heure parmi ses condisciples. On le destinait au commerce ; mais dès que sa volonté put se dé terminer sur le choix d'une carrière, ne se sentant aucun goût pour celle qui lui était assignée, il résolut de se livrer aux études qui conduisent à la dignité de rabbin. Son esprit, aussi vaste que subtil, aidé d'une imagination vive et forte, se porta rapidement sur tous les points du judaïsme. D’une intelligence supérieure, hors norme, Au sortir de la sixième et dernière classe du collège israélite d'Amsterdam, dirigée par Morteira, grand-rabbin, il continua sous la conduite de ce dernier l'étude des commentateurs du Talmud. Ses progrès étonnants lui avaient gagné l'estime de ce docteur, un des plus célèbres dans la communauté d'Israël, esprit ferme et indépendant.

La parenté intellectuelle entre René DESCARTES (1596-1650), son aîné et contemporain, et Baruch SPINOZA est encore âprement débattue. René DESCARTES n'admet d'autre signe de vérité que l'évidence. Cette première maxime de la méthode : «Ne recevoir jamais aucune chose pour vraie qu'on ne la connaisse évidemment être telle». SPINOZA a donc développée cette vérité révélée, mais qui était encore inexplorée. Gottfried Wilhelm LEIBNITZ (1646-1716) a soutenu que SPINOZA serait influencé par la philosophie juive, appelée la cabale. Mais SPINOZA a dit lui-même qu’il a une dette à l’égard des premiers chrétiens et des philosophes de l’Antiquité.

La critique allemande s’est attachée de savoir dans quelle mesure LEIBNIZ aurait été influencé par SPINOZA. La «Théodicée» ou «la justice de Dieu» qui ne parut qu'en 1710, atteste que LEIBNIZ et sa monadologie paraît avoir puisé tout ce qu'il dit de SPINOZA, et son «Ethique» publiée en 1677. Une théodicée classique, des croyants, soutiendra que Dieu est bon et tout-puissant malgré l’existence effective du mal. Elle recherchera les raisons que Dieu peut avoir de permettre le mal. Pour l’athée, une seule conclusion s’impose : puisque le mal existe, Dieu n’existe pas. Ou, du moins, il n’est ni bon ni tout-puissant. La solution de LEIBNIZ à l’objection, puissante, du mal consiste à dire que «Dieu veut antécédemment le bien et conséquemment le meilleur, optimum». Pour lui, Dieu ne peut faire exister que le meilleur des mondes possibles, sans quoi il ne serait pas parfaitement bienveillant. Aussi, tout mal, qu’il soit physique ou moral, n’est qu’un moindre mal. Autrement dit : tout autre monde que le nôtre aurait contenu plus de maux que ceux que nous constatons autour de nous. Le Dieu de LEIBNIZ est celui de «la Raison suffisante» un Dieu, «Deus calculator », une sorte de machine qui calcule toutes les possibilités et n’accorde l’existence qu’au meilleur résultat, et de notre monde le fruit d’une «harmonie préétablie». Naturellement, Voltaire a critiqué cette conception de cette démarche de LEIBNIZ, dans son «Candide ou l’optimisme», en 1759, estimant que le Mal est partout (guerre, tremblement de terre de Lisbonne, autodafé, piraterie, esclavage, viol, petite vérole, corruption des grands). De même que SCHOPENHAUER, champion du pessimisme, qui soutient, en 1819, dans «Le Monde comme volonté et comme représentation» que «nous vivons dans le pire des mondes possibles». 

Travaillant comme un polisseur de verre d’optique, lorsqu'il se fut bien fortifié dans le latin et le grec, Baruch SPINOZA était d’une grande tempérance «Si sa manière de vivre était fort réglée, sa conversation n'était pas moins douce et paisible. Il savait admirablement bien être le maître de ses passions. On ne l'a jamais vu ni fort triste ni fort joyeux. Il savait se posséder dans sa colère et dans les déplaisirs qui lui survenaient ; il n'en paraissait rien au-dehors. Il était, d'ailleurs, fort affable et d'un commerce aisé», écrit Jean, Lucas COLERUS, son biographe. SPINOZA aborda la théologie, qu'il abandonna bientôt pour la physique, et se prépara ensuite par le recueillement à pénétrer dans le domaine de la métaphysique. «Je crois, que Dieu est la cause immanente de toutes choses, comme on dit, et non la cause transitoire. Je le déclare avec Paul : nous sommes en Dieu et nous nous mouvons en Dieu», dit SPINOZA. Excommunié de la communauté juive en 1656, pour avoir recherché la vérité, prenant le doute cartésien comme point de départ, croyant en la matière, le monde extérieur qu'un mode et une manifestation de la substance divine, SPINOZA sacrifia la richesse, les honneurs, la gloire, pour entrer en solitude. «Né juif, Spinoza avait, dès l'âge de vingt ans, dépassé la loi de Moïse, et s'il la respecta toujours, son âme était incapable de s'y plier. De là cette rupture violente avec la synagogue, et ces haines implacables qui s'attachèrent à toute sa vie. Rentré en possession de sa liberté, Spinoza la voulut garder tout entière. Il aimait sincèrement le christianisme; mais décidé à ne pas choisir entre les diverses Églises, il devait les avoir toutes contre lui», écrit, en 1860, Emile SAISSET.

C’est finalement, l’exclusion de sa communauté qui fit de Baruch SPINOZA, un homme nouveau, un philosophe d’une grande audace «Ce nom inaccoutumé dit beaucoup, parce qu’il est la marque d’une rupture et le signe d’une libération. C’est ainsi que lui-même se nomma du jour où il y fut rejeté par la Synagogue, et qu’il put être aux yeux de tous l’homme nouveau qu’il était devenu», écrit, en 1933, Joseph SEGOND. Devenu impie pour sa communauté, SPINOZA est resté envahi d’un rare bonheur de vivre dans une République «où chacun dispose d'une liberté parfaite dépenser et d'a dorer Dieu à son gré, et où rien n'est plus cher à tous et plus doux que la liberté», écrit-il. Quand on a pénétré dans la vie spirituelle et intime de SPINOZA, on a l’impression qu’on se trouve dans un monde où la sérénité prédomine indéfiniment. Sa métaphysique ne se borne pas seulement à satisfaire la curiosité humaine, à dévoiler les mystères de l’univers, à calmer l’inquiétude ; elle sert aussi à tonifier et à rendre plus heureuse l’âme des tourments du monde. «La béatitude n’est pas le prix de la vertu, mais la vertu même» dit SPINOZA. Aussi, dans sa vie faite d’héroïsme, de noblesse, d’abnégation, de modestie, d’amour, le sage se retira d'abord dans une petite maison de campagne située près d'Auverkerke chez un ami, et y passa près de quatre années à étudier et à travailler à ses verres. Il recommande à tous de vivre sobrement religieusement. «Le Seigneur est près de tous ceux qui l’invoquent, de tous ceux qui l'invoquent en vérité» dit-il.

Quel héritage de Baruch SPINOZA ?

Depuis qu’une maladie lente le mine, comme elle a fait de sa mère et de son frère Isaac et de sa sœur Myriam, SPINOZA pense à la mort, devenue plus pressante. Il pense en particulier à la survie de son œuvre après sa disparition. Aussi, il recommande après sa mort, que ses manuscrits et livres soient expédiés chez l’imprimeur, Jean RIEUWERTZ d’Amsterdam. La gloire, en reconnaissance de son génie, viendra un jour. SPINOZA est décédé à La Haye, le 21 février 1677, à l’âge de 44 ans. «Ce que contemporains gagneraient à, mieux connaître la morale de Spinoza, ce serait cette incomparable vues qui, dans l'Éthique, fait se succéder, en leur hiérarchique naturel, et se superposer des idées, parfois : contraires 1'une à l'autre dont aspire toute l'activité de l'homme amour de soi-même, le, lien, entre ces deux amours, pour amour de l'Être infini», écrit, en 1932, René WORMS, dans Mercure de France.

Pendant longtemps, catholiques et protestants, luthériens et calvinistes, gomaristes, arminiens, philosophes ont désigné SPINOZA comme l’ennemi commun à abattre. «Par un étrange contraste ce philosophe si aimé des simples et de ceux qui avaient le cœur pur devenir l'épouvantail de l'étroite orthodoxie qui prétendait avoir le privilège de la vérité. Un scélérat, une peste, un suppôt de l'enfer, le plus méchant athéiste qui fut jamais, un homme couvert de crimes» dit Ernest RENAN. En effet, au XVIIIe l’image de SPINOZA était gravement défigurée, tant l’éminent philosophe était encore victime de calomnies et de haines. Sa philosophie matérialiste, obscure et arbitraire dans ses définitions était encore considérée comme athée, impie, insensée d’un renégat et libertin hypocrite. «Celui qui a lu attentivement l'histoire des grands hommes peut dire qu'ils n'ont connu qu'une chose, la douleur. Leur âme, plus profonde, con tenait-elle à plus haute dose la vie ?», écrit Amand SAINTE, un de ses grands biographes. Dans cette aversion injuste et exagérée, il avait aussi des soutiens inconditionnels de la première heure.

De nos jours sorti du Purgatoire, plus personne de conteste le passage définitif  et durable à la postérité de Baruch SPINOZA, un philosophe de la totalité, de la nécessité et de l'éternité, un Saint athée et vertueux, à la postérité, à la vénération, à la fascination d’un grand nombre. Au début de sa vie, SPINOZA «rechercha longtemps la gloire et les richesses. Il finit par s'apercevoir qu'elles ne le pouvaient satisfaire. Il essaya donc d'atteindre par une autre voie «le bonheur suprême et éternel». Ce fut sa philosophie une méthode pour vivre heureux», écrit Emile CHARTIER, dit Alain. «La plupart de ceux qui ont vécu dans l’obscurité et sans gloire demeureront ensevelis dans les ténèbres et dans l’oubli ; Baruch de Spinoza vivra dans le souvenir des vrais savants et dans leurs écrits qui sont le temple de l’immortalité», écrit Lucas de LA HAYE, son ami et biographe. «Excommunié par la synagogue pour l’audace de ses conceptions, Spinoza n’en reste pas moins par sa vie et par sa pensée un pur enfant de la race d’Israël ; et la Revue Littéraire Juive se devait de ne pas laisser passer le deux cent cinquantième anniversaire de sa mort, sans fêter son souvenir. Il est bon, il est juste qu'avec la France et le monde entier, le judaïsme la célèbre, et que ceux auxquels son génie fut révélé répètent comme notre bon La Fontaine», écrit, en 1925, sous anonymat, un certain P. P. 

Philosophe hardi et sincère, grand précurseur et père de la pensée moderne, esprit éclairé du rationalisme, lavé du soupçon d’apostasie, la gloire littéraire à titre posthume est bien arrivée. «Honneur à Spinoza qui a osé dire : la raison avant tout ; la raison ne saurait être contraire aux intérêts de l’Humanité. Il y aura un fibre dans le cœur humain pour vibrer au son de tout ce qui est vrai, juste et honnête. Oui, la vie humaine est quelque chose de Divin. Le sublime esprit du monde le pénétra l'infini fut son commencement et sa fin l'universel son unique et éternel amour; vivant dans une sainte innocence et dans une humilité profonde, il se mira dans le monde éternel et il vit que lui aussi était pour le monde un miroir digne d'amour il fut plein de religion et plein de l'Esprit saint aussi nous apparaît-il solitaire et non égalé, maître en son art, mais élevé au-dessus du profane, sans disciples et sans droit de bourgeoisie nulle part.» dit Ernest RENAN.

En définitive, les thèmes que développent Baruch SPINOZA, dans des sociétés occidentales où la religion ne cesse de reculer, sont d’une grande actualité. Philosophe de la joie et de la liberté, son ambition littéraire est celle d’une philosophie pratique. «Philosopher, ce n’est pas apprendre à mourir, mais à vivre pour l’éternité» dit-il. En effet, il aborde la mort non pas comme une fin, mais comme un accident inévitable, et il insiste sur l'importance de vivre selon la raison plutôt que de craindre la mort. La joie, une compréhension de la société dans laquelle nous vivons, est une éthique qui visant à la connaissance de soi et l'augmentation de notre puissance d'agir. SPINOZA invite l'homme à dépasser l'état ordinaire de servitude vis-à-vis des affects pour s'émanciper et à connaître le bonheur au moyen d'une connaissance véritable de Dieu, identifié à la nature, et de la causalité. Il récuse la notion de libre-arbitre, conjuguant un déterminisme causal intégral et la possibilité de la liberté. «En vérité, le but de l’Etat, c’est la liberté. Si l’Etat est fort, il nous écrase», dit-il.

Références bibliographiques

A – Contributions de Baruch SPINOZA

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SPINOZA (Baruch), Traité politique, suivi de lettres, Charles Appuhn, éditeur scientifique, Paris, Garnier, 1929, 393 pages.

B- Autres références

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Paris, le 14 septembre 2025, par Amadou Bal BA

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