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«Sénégal : un an après l'alternance dite de «rupture», quel bilan du PASTEF, où va le Sénégal, ce «Grand petit pays» ? Des risques d'implosion de la nation sénégalaise, de glissement vers une dictature, vers un Sénégal devenu une prison à ciel ouvert. Évaluation du PASTEF : Très insuffisant. Doit se ressaisir !» Amadou Bal BA
«C'est à la fin de la foire que l'on compte les bouses de vaches», dit bien un dicton de nos ancêtres les Gaulois. Le PASTEF avait remporté le 24 mars 2024 la présidentielle, mais aussi haut la main, les législatives anticipées du 17 novembre 2024, et dispose donc désormais d’une majorité confortable, à lui seul, pour appliquer sa politique. Un an après, on peut poser objectivement un bilan d'étape. Comme mon arrière-grand-mère Dourma LY, «je suis un aveugle, je ne vois que ce que je touche».
Farouche militant de la cause d’un Sénégal indépendant, libre, souverain, uni dans la paix et la diversité, je reconnais, sur le plan strictement théorique que le PASTEF avait posé, sur le plan théorique, un projet de souveraineté, de panafricanisme, d'emploi des jeunes, de combat de la vie chère et une justice irréprochable. Personne ne peut, raisonnablement, être en désaccord avec ces propositions. «On ne peut pas se plaindre que la mariée soit belle», dit un dicton. Cependant, dire n’est pas faire.
Par conséquent, après un an d’alternance, il est fort légitime, sans aucune polémique, de s’interroger sur les actes concrets posés par le PASTEF, améliorant la vie quotidienne des Sénégalais, surtout quand on ambitionne de conserver le pouvoir encore pour 50 ans, avec de très belles promesses, non encore tenues. Ce n’est pas un gros mot que de demander à un gouvernement d’honorer ses engagements, et donc d’appliquer la politique pour laquelle, il a été élu. Si le PASTEF applique son projet, il aura le soutien de la majorité ; en démocratie, s’il en écarte, il faut également le dénoncer. «Chaque génération doit, dans une relative opacité, affronter sa mission : la remplir ou la trahir», dit Frantz FANON (Voir mon article, Médiapart, 6 décembre 2021).
Dans le passé, Blaise DIAGNE a vaincu, le 10 mai 1914, François CARPOT, pour être élu premier député à l’Assemblée nationale française, les Blancs et les métis avaient confisqué le pouvoir depuis 1848. Me Lamine GUEYE a fait abroger le Code de l’indigénat, en permettant, par une loi du 7 mai 1946, l’accès à la citoyenneté française. Un boulevard à Dakar porte le nom de Mamadou DIA, président du Conseil, pour sa solidarité avec le monde paysan ; nous attendons sa réhabilitation et celle de tous les héros de ce «Grand petit pays». Léopold Sédar SENGHOR est le fondateur de la nationalité sénégalaise, et a instauré un multipartisme illimité. Le président Abdou DIOUF, promoteur d’une liberté de presse et un multipartisme illimité, en instaurant un Conseil constitutionnel et en reconnaissant spontanément sa défaite face à maître Abdoulaye WADE, a consolidé, lors de la première alternance, la démocratie sénégalaise. Une démocratie, sans alternance, c’est une escroquerie. Me Abdoulaye WADE a initié les grands chantiers, notamment le Monument de la Renaissance. Macky SALL, un exceptionnel Pharaon des temps modernes, à travers ses infrastructures, a fait voter, par référendum du 20 mars 2016, la limitation du mandat présidentiel, interdisant ainsi trois mandats successifs, une base légale ayant remis au Conseil constitutionnel, dans sa décision du 15 février 2024, de combattre son coup d’Etat constitutionnel.
Plusieurs remarques préalables s'imposent, et ce sont des faits irréfutables.
Des interdictions purement administratives, de sortie du territoire sénégalais sans aucune décision de justice de justice préalable, ont été infligés aux dignitaires de l’ancien régime. Ce qui constitue une voie de fait, une atteinte grave à la liberté de circulation. 250 personnes ont été arrêtées dans le cadre de la reddition. D’autres se sont acquittées de fortes cautions, pour obtenir un contrôle judiciaire.
Par ailleurs, ce que je constate c'est une violence du débat politique sur des sujets parfois périphériques, une perte de temps. J’ai parfois l’impression que le PASTEF, toujours drapé dans son habit d’opposant, ne s’est même encore rendu qu’il a gagné les élections. On n’a pas besoin de discours à la Sékou TOURE ou la Thomas SANKARA, mais des actes concrets, améliorant les conditions de vie des Sénégalais. J’attendais de nos gouvernants qu’ils appliquent seulement leur projet politique, avec discernement, au vu des réalités du pouvoir. J’ai comme l’impression que le Sénégal a perdu une année ; un mandat de cinq ça passe très vite, d’où la nécessité de bien gérer le temps imparti, en se consacrant à l’essentiel.
En particulier, en termes de liberté d'expression, le bilan du PASTEF est consternant. Le Sénégal au bord du gouffre est en train de basculer vers la dictature. En effet, chaque, la liste des prisonniers politiques ne cesse de s'allonger. Le Sénégal était connu jusqu'ici, commence une démocratie exemplaire en Afrique avec une grande d'opinion. L'alternance de rupture est arrivée, mais pas celle qu'on attendait.
Il fut un temps, dans l'opposition, au nom du droit de résistance à l'oppression, et en particulier en ce qui concerne un litige privé, le scandale des salons de massage, le PASTEF qui avait recruté des insulteurs, menaçait de «brûler le Sénégal». Je ne souhaite pas que mon «Grand petit pays», une démocratie exemplaire tolérante, se transforme en prison à ciel ouvert, en une dictature. Dans cette chasse aux sorcières, la liste commence à devenir très longue des prisonniers politiques. En particulier, dans cette reddition des comptes concernant notamment les fonds Covid, les mises en examen, très sélectives, pleuvent. Entendons-nous bien, l’argent public doit être bien géré. Les valises d’argent continuent toujours pour le clergé musulman et les fonds secrets n’ont pas encore été abolis. «Quand je vois ce que je vois et que j'entends ce que j'entends, je suis bien content de penser ce que je pense», disait Fernand RAYNAUD (1926-1973).
Après le démarrage de la procédure de «haute trahison», à l’encontre de l’ancien président Macky SALL et l’interdiction faite à une centaine de personnes de sortir du territoire, d’autres sont déjà embastillés, comme le député-maire de Agnam, Farba NGOM. Les convocations à la DIC ou les mandats de dépôt s’enchaînent, comme Abdou NGUER. Il est grand temps de revenir à la raison et surtout d'appliquer le projet du PASTEF validé par les Sénégalais.
Ensuite, il y a un décalage entre les bonnes intentions du projet du PASTEF et certains actes posés depuis un an. J’ai salué certaines initiatives qui vont dans le bon sens, notamment le souci de la mémoire et de l’identité, à travers le Camp de Thiaroye, l’hommage au président du Conseil Mamadou DIA, ou la fin des bases militaires françaises. Le PASTEF est arrivé au pouvoir à un bon moment. Cependant, la mauvaise gestion des contrats léonins est empreinte de maladresses et d’amateurisme, comme ce contrat avec l’Arabie Saoudite.
Le PASTEF, dans la relation avec l’ancien colonisateur, a eu totalement raison de refuser la soumission et l’irrespect. Pour autant, le Sénégal n’est pas l’ennemi de la France. Compte tenu de l’histoire, les deux pays doivent négocier de nouvelles relations gagnant-gagnant. Je souhaite que la France continue de rester au Sénégal, sur cette base fondée sur l’équité, la justice, la considération et les avantages mutuels.
Le Premier ministre avait écrit un livre sur le «Pétrole et Gaz» qui avait soulevé des passions et de fortes attentes. Or, force est de constater que la pauvreté, un coût de la vie qui ne cesse d’augmenter et plomber le pouvoir d’achat, une insécurité particulièrement préoccupante, une école plus que jamais en crise et chercher à sanctionner les jeunes, fers de lancer du PASTEF, candidats à l’immigration, et donc désespérés, c’est le comble de l’absurdité. En termes d’emploi des jeunes, les amis de Macky SALL ont été virés, pour mettre à la place des militants du PASTEF. Les contrats saisonniers avec l’Espagne n’ont pas été concluants.
Enfin, l'inaptitude de nos gouvernants à quitter leurs habits d'opposants, dans une politique du ressentiment visant à sanctionner les opposants ou les journalistes. Où va-t-on donc, dans ce «Grand petit pays», une démocratie exemplaire, un Sénégal en prison à ciel ouvert, avec des interdictions de sortie du territoire, sans condamnation ?
Dans la politique dite de reddition des comptes, je comprends parfaitement le souci de bonne gestion financière, et donc la nécessité, pour toute nouvelle équipe, de situer les responsabilités, devant l’héritage du passif. Une chose qui peut mettre tout le monde d’accord, c’est que l’argent a tout pourri dans la société, y compris au sein du clergé musulman, comme dans la sphère familiale. Il est donc nécessaire de bien gérer nos ressources afin de les affecter aux secteurs prioritaires comme l’agriculture, l’énergie, la santé ou l’éducation. Cependant, ces poursuites, souvent sélectives, peu pédagogiques, et visant à écraser les opposants peuvent être contreproductives, l’administration, parfois gangrénée par la corruption, est paralysée. Chacun redoutant d’aller en prison. Je l’avais dit dans mes précédents écrits ; ceux qui ont manifestement abusés des deniers publics devraient privés des droits civiques, et leurs biens mal acquis confisqués. La prison ne devrait être que l’ultime recours, en cas de défaut de coopération.
C’est un engagement de campagne électorale du PASTEF, désormais l’Assemblée nationale du Sénégal a voté une résolution en vue de la mise en accusation de Macky SALL, l’ancien président, devant la haute cour de justice, pour trahison. Si le coup d’État constitutionnel du 3 février 2024, comme la gestion des fonds du COVID, est une tache dans le bilan du président Macky SALL, en revanche, les violences urbaines de 2021, et les morts, sont-elles la faute exclusive du président Macky SALL ?
Refusant de débattre, de façon contradictoire, le Premier ministre, dans ses menaces et ses imprécations se comporte encore non pas comme un gouvernant, mais comme un opposant. On se souvient encore du traitement «à la Samuel DOE » qu’il voulait infliger au président Macky SALL, en marchant sur le palais présidentiel, pour aller le déloger. «Gatsa, Gatsa», un prétendu devoir de résistance à l’oppression, comme aussi l’appel à brûler le pays ou à un coup d’État militaire, sont autant de déclarations insurrectionnelles. De nos jours, sous le PASTEF, au moindre écart de langage, on peut être convoqué par la sinistre Division des Investigations Criminelles (DIC). Je sais que c’est la justice des vainqueurs, mais quelle part de responsabilité de chacun, dans ce drame innommable, où des personnes ont perdu la vie, d’autant plus que les indemnisations sont également sélectives ?
Quelle évaluation du PASTEF ? «Très insuffisant. Peut mieux faire. Doit se ressaisir !».
«Responsable, mais pas coupable», disait bien, en 1991, Georgina DUFOIX, une responsable politique française, dans le scandale du sang contaminé. Bien avant cela, Ponce Pilate, un préfet romain, à propos de la crucifixion du Christ, avait dit : «Je m’en lave les mains». De nos jours, tout ce qui ne va pas au Sénégal semble être de la faute à l’ancien président, Macky SALL, un héritage de son régime. Le PASTEF, au pouvoir, avec une majorité présidentielle, doit accepter un examen de conscience, faire un bilan critique, de ce qui a marché ou échoué, pour rebondir, dans le bon sens. «Si veut, le Roi, si veut la Loi», dit l’Abbé SUGER. Par conséquent, face aux contraintes, la volonté politique retrouve tout son sens. Il incombe donc aux gouvernants de faire bouger les lignes.
Par conséquent, il reste encore au PASTEF quatre années, pour convaincre. Un échec du PASTEF, c’est celui de tout le Sénégal, de l’Afrique et de ses diasporas ; je ne le souhaite pas du tout. Il n’est jamais trop tard de bien faire, d’aller vers le Bien souverain ; c’est toujours le bon moment pour revenir sur le droit chemin, comme le disait, en substance, un de mes maîtres à penser, Martin Luther KING.
Paris, le 15 avril 2025, par Amadou Bal BA