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«Paul Etienne VIGNé d’OCTON (1859-1943), député radical-socialiste, puis SFIO, de l’Hérault, et écrivain engagé, un farouche anticolonialiste», par Amadou Bal BA
«J'ai fait ce rêve. Il y avait enfin sur la terre une justice pour les races soumises et les peuples vaincus. Fatigués d'être spoliés, pillés, massacrés, les Arabes et les Berbères chassaient leurs dominateurs du nord de l'Afrique, les Noirs faisaient de même pour le reste de ce continent, et les Jaunes pour le sol asiatique», écrivait, en 1911, Paul VIGNé d’OCTON, dans «La sueur du Burnous», bien avant Martin Luther KING. La sueur du burnous est le fruit d'une enquête en 1900, dénonçant les atrocités commises par les troupes et les colons en Afrique, à Madagascar, au Tonkin. Pour les gros colons et les industriels qui s'installèrent dans les colonies, faire «suer le burnous» signifiait tirer le maximum de profit de l'exploitation des indigènes, par tous les moyens possibles, la spoliation, l’accaparement des terres, le pillage, les amendes, la prison ou le meurtre. Georges CLEMENCEAU (1841-1929), ardent partisan de la colonisation, a été le complice de cette période sombre de la prédation. «Dans ce livre, j'expose les crimes et les abus de toute sorte perpétrés journellement par notre administration, tant civile que militaire, à l'égard des indigènes de nos possessions nord-africaines et plus particulièrement de l'extrême-sud où, à cause de l'éloignement et de l'absence de tout contrôle par l'opinion publique, le plus cruel arbitraire s'épanouit librement» écrit-il, dans «la sueur du burnous».
Grand républicain, ayant maintenant sombré dans le plus grand oubli, Paul VIGNé d’OCTON, au moment où le crâne du roi malgache, Toéra, va être restitué à son pays, c’est lui, député de l’Hérault, qui avait dénoncé à l’Assemblée nationale française, le massacre d’Ambiky, en 1897. Aimé CESAIRE fait référence à ce crime contre l’humanité, dans son «Discours sur le colonialisme». En effet, le 30 août 1897. Le commandant Augustin, Gérard GERARD (1857-1926), un des adjoints du gouverneur de Madagascar Joseph GALLIENI (1849-1916), qu’il a suivi depuis le Tonkin, commet ce jour-là un massacre d’une ampleur comparable aux exactions de la colonne Voulet-Chanoine, en Haute-Volta. Après ces massacres, le commandant GERARD est promu, en 1912, général de division et en 1917, il est décoré du Grand-Croix de la légion d’honneur.
Né sous le Second Empire et mort pendant la Seconde Guerre mondiale, des périodes agitées et troubles de nationalisme exacerbé, glorifiant la colonisation, Paul VIGNé d’OCTON, durant toute sa vie, n'a jamais de cesse de récolter d'autres témoignages de cas de tueries, d'incendies, de toutes sortes d'horreurs infligés par les forces coloniales sur des indigènes, pour les dénoncer. «Épris de justice et de compassion pour la détresse humaine, il a mené avec fougue divers combats notamment contre l'exploitation des peuples colonisés» écrit Christian ROCHE, un de ses biographes. En effet, les massacres à Madagascar, en 1897, seraient enfouis sous un tapis de poussière, si le député radical-socialiste, Paul VIGNé d’OCTON ne les avait pas dénoncés à l’Assemblée nationale et dans ses livres majeurs, «La Gloire du Sabre» et «La Sueur du Burnous» témoignant ainsi de son humanisme et de son profond engagement anticolonialiste. En effet, le 18 août 1897, 1000 Sakalaves et 400 de leurs femmes s’assemblèrent à l’île Rouge. En face d’eux étaient rangés des détachements de nos troupes, tirailleurs sénégalais et algériens; au centre à l’ombre d’un tamarinier, l’état-major. Le commandant s’assit sur un pliant, entre 2 porte-drapeaux, faisant flotter les couleurs françaises. Après avoir rendu 500 sagaies et 150 fusils à pierres, les chefs Sakalaves durent venir baiser les pieds du chef français. Madagascar étant déclaré territoire français par les colons qui refusèrent de recevoir le Roi. A Ambiky, le 29 août 1897, la canonnière fonctionna à plein régime. Le carnage commença. Le Roi, Toéra, est décapité et sa tête transférée en France, au Musée de l’Homme. Le nombre des victimes, officiellement, est de 5000 victimes. Mais Paul VIGNé d’OCTON évoque 3000 personnes massacrées.
Médecin naturiste dont il fut un précurseur, le député Paul VIGNé d’OCTON, dans sa contribution littéraire, comme dans ses fonctions de député, a été un farouche anticolonialiste qui mériterait d’être honoré. Paul Etienne VIGNé d’OCTON est né à Montpellier le 7 septembre 1859. Son père, Antoine POLIN VIGNé, un boulanger, originaire du bourg d’Octon, un libre penseur et athée, un anticlérical était un opposant au régime impérial de Napoléon III. Son père meurt en juillet 1871. Sa mère, Marie Pauline AZAIS, une dévote, souhaitait faire de lui un prêtre, et le fit entrer au petit séminaire. Mais l’influence du père, un républicain sous l’Empire, fut la plus forte et la plus déterminante. Après son baccalauréat, en 1876, s’engage pour des études de médecine. Promu aide médecin de la marine, Paul VIGNé s’embarqua en avril 1881 pour la Guadeloupe et va y rencontrer, un abolitionniste, Victor SCHOELCHER (1804-1893). Dans ses influences d’homme humanistes, ses parents avaient pour ami, Jules GUESDE (1845-1922), qui est condamné pour délit d’opinion, ayant perdu son domicile, se retrouve hébergé chez les VIGNé d’OCTON. Aussi, élu député de l’Hérault, en 1896, les deux amis ses retrouvent à l’Assemblée nationale. Après sa soutenance de thèse de doctorat, en médecine, de 1884 à 1886, il part pour Saint-Louis du Sénégal et la Guinée, en raison d’une épidémie de la fièvre jaune. En 1888, il se marie à Madeleine VIGNé. Installé par la suite à Paris, il commence à écrire sous un pseudonyme. Il sera élu député, pour la première fois, en 1893. Veuf, à partir de 1936, il se remarie, en 1939, à Marie Rose Victoire CLEMENT-BERIDON, dite Hélia.
«J’ai fait du soir de ma vie, une aurore», disait-il. Paul ViGNé d’OCTON meurt le 20 novembre 1943, par un jour de neige. Il sera conduit avec simplicité au petit cimetière d’Octon et enseveli auprès de Madeleine, sa première épouse. Une simple plaque de marbre indique dans le caveau familial. «Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent, ce sont ceux dont un dessein ferme emplit l’âme et le front», disait bien Victor HUGO. Député à l’Assemblée nationale de 1893 à 1906, Paul VIGNé d’OCTON fut «le porte-parole le plus courageux le plus déterminé de anticolonialisme la Chambre française. Toute sa carrière en porte témoignage et la conspiration du silence dont il fut victime fut la sanction et la vengeance du parti colonial contre un adversaire irréductible et incorruptible», écrit Jean SURET-CANALE.
N.B Article en cours de rédaction.
Références bibliographiques
A – Contributions de Paul VIGNé d’OCTON
VIGNé d’OCTON (Paul), La Gloire du Sabre, préface de Jean-Suret-Canale, illustrations de Cabu, Paris, Flammarion, 1900, réédition Paris Quintette, Bordeaux, Diffusion Ulysse, 1984, 152 pages ;
VIGNé d’OCTON (Paul), Les crimes coloniaux de la IIIe République : la sueur des burnous, Paris, éditions la Guerre sociale, 1911, 391 pages ;
VIGNé d’OCTON (Paul), GRAVE (Jean), La colonisation, suivie par le massacre d’Ambiky, 1897, préface d’Isabelle Pivert, Paris, éditions du Sextant, 2019, 59 pages ;
VIGNé d’OCTON (Paul), Chair noire, préface de Léon Cladel, Paris, A. Lemerre, 1889, 272 pages ;
VIGNé d’OCTON (Paul), Comment on étouffe un livre, Paris, éditions du Progress, 1905, 213 pages ;
VIGNé d’OCTON (Paul), Martyrs lointains, Paris, Flammarion, 1899, 267 pages ;
VIGNé d’OCTON (Paul), Terre de mort : Soudan et Dahomey, 1892, 285 pages ;
VIGNé d’OCTON (Paul), Visions sahariennes, Paris, F. Juven, 1909, 294 pages.
B – Autres références
APPOLIS (Emile), «Le centenaire d’un écrivain médecin : Paul Vigné d’Octon», Monspeliensis Hippocrates, 1960, n°9, pages 23-25 pages ;
BRUNSWIG (Henri), «Vigné d'Octon et l'anticolonialisme sous la Troisième République (1871-1914)», Cahiers d'études africaines, 1974, Vol 14, n°54, pages 265-298 ;
MEJRI (Lazhar), «Paul Vigné d'Octon, «La Sueur du burnous» : un regard extérieur sur la politique coloniale française en Tunisie (1881-1909)», in Sami Bargaoui, Hassan Remaoun, Savoirs historiques au Maghreb, Oran/Tunis, C.E.R.E.S, 2006, 310 pages spéc pages 249-263 ;
ROCHE (Christian), Paul Vigné d’Octon, (1859-1943), les combats d’un esprit libre, de l’anticolonialisme au naturisme, Paris, Harmattan, 2009, 176 pages ;
RUPP (Marie-Noëlle), Vigné d’Octon, un utopiste contre les crimes de la République, préface de Jean Lacouture, Paris, Ibis Press, 2009, 177 pages ;
SAGNES (Jean), «Paul Vigné d'Octon (1859-1943). Un anticolonialiste sous la IIIe République» in Jean Sagnes Ils voulaient changer le monde, Paris, éditions du Mont, 2016, 216 spéc pages 127-154 ;
SURET-CANALE (Jean), Afrique noire : géographie, civilisations, histoire, Paris, éditions sociales, tome I, spéc Paul Vigné d’Octon, pages 239-246 et t II, 1964, pages 167-168 ;
VIGNé d’OCTON (Hélia), La vie et l’œuvre de Paul Vigné d’Octon, préface de Bernard Patris, Montpellier, Causse, Graille et Castlenau, 1960, 76 pages.
Paris, le 16 août 2025, par Amadou Bal BA.