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Billet de blog 18 octobre 2018

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«Justice et vérité pour Adama TRAORE», par Amadou Bal BA

"Justice vérité" dans l'affaire Adama TRAORE. Nos enfants peuvent perdre la vie au cours d'un banal d'identité en toute impunité. L'argument commode consiste à dire qu'ils ont un casier, comme si ce motif était, à lui seul, un permis de tuer. En revanche, les familles qui protestent contre ce déni de justice, sont immédiatement criminalisées pour "rébellion et outrages".

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’enquête concernant Adama TRAORE mort dans un banal contrôle d’identité, piétine et recule. Une expertise du 18 septembre 2018 semble même disculper les gendarmes. Les frères d’Adama qui protestaient contre ce déni ont inculpés pour outrages et rébellions puis emprisonnés. Du statut de victime, on peut basculer vers celui de délinquant, parce que l’on réclame «Justice et vérité», pour Adama, Théo et tous ces jeunes tués au cours d’un banal contrôle d’identité. Face aux injustices, il peut se battre pour être rétabli dans ses droits. C’est un appel à la révolte, à la résistance contre l’oppression, contre ces violences illégitimes ; il y a des vies à protéger. Le droit à la résistance à l’oppression est expressément consacré à l’article 2 de la Déclaration du 26 août 1789. Or, l’Etat a tendance à criminaliser l’autodéfense. Les familles des victimes de ces violences sont devenues, malgré eux des soldats ; elles n’ont pas pourtant demandé à mener cette lutte pour la justice et la vérité. C’est une bataille médiatique et judiciaire. L’Etat n’a pas le droit de tuer les jeunes de banlieue marginalisés et stigmatisés, sous prétexte qu’ils auraient un casier judiciaire. «Quand une catastrophe vient de se produire, il y a l’instant qui suit. (…) Je ne lutte plus, je connais plus la peur. Je suis au-delà. Cet étrange silence me procure même un étrange sentiment d’apesanteur, qui me place entre deux mondes. Celui des vivants et celui des morts» écrit Assa TRAORE, dans «Lettre à Adama».

Déjà le samedi 30 juillet 2016, à Paris, à la Gare du Nord, dans le 10ème arrondissement, il y avait une foule nombreuse et particulièrement déterminée qui réclamait vérité et justice, pour Adama TRAORE (24 ans), ce jeune d'origine malienne, mort lors d’une interpellation de gendarmerie, le 19 juillet 2016. Dès que la manifestation a commencé s’ébranler les gendarmes ont bouclé toutes les rues. Une pancarte indiquait : «Pas de justice, pas de paix». Cela rappelle le titre d'un célèbre ouvrage d'un auteur noir américain, James BALDWIN "La Prochaine fois, le feu". Cet auteur, confronté au problème du racisme aux Etats-Unis, a exposé que sans l'égalité la justice et la compassion, un Etat ne peut escompter une paix sociale durable. L’affirmation des droits politiques, c’est aussi et surtout un droit légitime du citoyen de résister contre les violences de l’Etat ayant mis en place un système d’oppression, notamment contre les jeunes issus de l’immigration (affaires Adama TRAORE et Théo). Les violences policières persistent, et quand on n’a pas la bonne couleur de peau, on ne peut pas se promener, sereinement. On a l’impression que contre les racisés, les forces de l’ordre auraient un permis de tuer, en toute impunité.

Cette affaire sombre ressemble de plus en plus à un mensonge d'Etat. En effet, les rapports des services d'urgence (SAMU et pompiers) ont disparu du dossier ; ce qui constitue une dissimulation de preuves. Par ailleurs le procureur de la République a ouvert une enquête contre Adama TRAORE pour rébellion alors qu'il est déjà mort. Cet acharnement n'est pas à l'honneur d'une République que l'on veut exemplaire.

Que s'est-il passé dans cette affaire Adama TRAORE ?

 Alors qu'Adama marchait avec son frère Baguy dans les rues de Beaumont-sur-Oise, des gendarmes surviennent pour interpeller ce dernier. Sorti sans ses papiers, Adama prend la fuite. Rattrapé et frappé à la tête, il est placé dans un fourgon de gendarmerie. On ne sait pas ce qu'il se passe dans le fourgon, mais quand son frère arrive menotté à la gendarmerie, il aperçoit le corps de son frère sans vie, posé à même le sol. Le procureur Yves JANNIER s'empressera évidemment de déclarer qu'Adama est mort d'un arrêt cardiaque, suite à une «grave infection touchant plusieurs de ses organes». Il ajoutera également qu'il est mort suite à un «malaise durant le trajet», mais qu'il n'y a «pas de traces de coups». Comme toujours, un jeune en pleine forme meurt d'un arrêt cardiaque juste au moment où il est entre les mains des forces de l'ordre.

Une première autopsie mentionnait un arrêt cardiaque, mais une deuxième autopsie contredit cette thèse et fait état «d’asphyxie». Devant ces graves flottements, la famille a réclamé, sans succès, une contre-expertise.

Alors que le cortège du 30 juin 2016 commençait à bouger en direction de République, la Police a bloqué les manifestants devant la Gare du Nord. Les manifestants sont restés calmes en scandant : "justice pour Adama !"

La mort résulte-t-elle d’une compression thoracique, à la suite d’une arrestation musclée ? En effet, lors de contrôles d’identité, ou d’interpellations, les forces de l'ordre appliquent une méthode d’immobilisation qui, dans sa pratique, peut provoquer la mort : cette méthode “au corps à corps” consiste à ce qu’un fonctionnaire de police étrangle la personne qui se trouve au sol, pendant qu’un autre lui comprime la cage thoracique en appuyant fortement son genou dans le dos. Cette pratique appelée aussi “clé d’étranglement” entraine l’immobilité, la suffocation, de graves lésions qui peuvent provoquer alors des conséquences irréversibles, quand ce n’est pas la mort.

Nous avons maintenant la confirmation que non seulement cette méthode de placage a été utilisée par les gendarmes mais qu'en plus ils ne lui ont pas prodigué les premiers gestes de secours avant l'arrivée des secours et Adama a été laissé face contre terre ce qui est formellement interdit. Les gendarmes qui n'ont pas prévenu sa famille de la mort ont estimé qu'il simulait. En raison de ces graves défaillances et de son rapport mensonger, le Procureur de la République, Yves JANNIER, a été muté. Ce Procureur aurait être révoqué. A quand la justice pour Adama TRAORE ?

En raison de ces méthodes on constate que des jeunes, souvent issus de l'immigration sont, de plus de plus, morts, dans des conditions particulièrement suspectes, lors de leur interpellation par les forces de l'ordre. Ces jeunes sont traités comme des citoyens de seconde zone. La liste des décès à la suie d'une interpellation est maintenant longue (103 décès suspects). On peut citer, à titre illustratif :

- Lamine DIENG (mort le 17 juin 2007, à Paris 20ème),

- Hakim AJIMI, interpellé à Grasse, en 2008, traîné par les pieds jusqu’à la voiture de secours. Les policiers, reconnus coupables d’homicide involontaire, ont été condamnés avec du sursis ; leur avocat a déclaré qu’il est "convaincu que les policiers n'ont fait qu’appliquer ce qui leur avait été enseigné à l'école de police, (...) même si on a compté à l'occasion de cette affaire un certain nombre de carences dans l'enseignement et dans les instructions qui sont dispensées» ;

- Wissam EL-YAMNI, interpellé le 1er janvier 2012, à Clermon-Ferrand, dans des conditions musclées allait décéder 9 jours plutard.

- Ali ZIRI (69 ans), décédé le 11 juin 2009, deux jours après son interpellation à Argenteuil,

- Amadou KOUMé (33 ans père de 2 enfants et originaire de l’Aisne), 5 avril 2015, au commissariat du Xème arrondissement, etc.

En 2005, j’ai été traumatisé par la mort fort injuste de ces jeunes, Ziad et Bouna, qui ont provoqué les plus graves violences urbaines que M. SARKOZY préfère oublier.

Je n’oublierai jamais ces familles africaines qui résidaient dans des squats à Paris, et un bidon d’essence, des vies sont parties en fumée, sans que les commanditaires, apparemment des promoteurs immobiliers, ne soient, à aucun moment, inquiétés. Aucune enquête sérieuse et pourtant plus de 55 morts, dont des enfants. Le plus grave c'est qu'aucune autorité de l'Etat n'a daigné rendre visite aux survivants.

Aux Etats-Unis, un mouvement est né, appelé «Black Lives Matter» (La vie des Noirs cela compte) faisant suite à ces Noirs, même parfois menottés, qui ont été tués par la Police. Ta-Néhési COATES qui séjourne depuis le mois de juillet 2015 en France, en a fait un best-seller, intitulé : «la colère noire».

Communiqué du Conseil représentatifs des associations noires (CRAN) du 27 juillet 2016, dont Louis-Georges TIN est président : «Pour Adama TRAORE, l’appel contre la violence policière en Europe».

Pendant que tout le monde s'indigne à juste titre des violences policières aux Etats-Unis, des faits semblables se déroulent en Europe, mais sans couverture médiatique - là est la principale différence.

En France, récemment, le 19 juillet 2016, un jeune homme d'origine malienne, Adama Traoré, a été arrêté par les gendarmes à Persan, en banlieue parisienne. Quelques heures plus tard, il décédait -une crise cardiaque selon les autorités.

Mais selon le frère d'Adama, "ils l'ont embarqué ensuite à la gendarmerie de Persan. Là-bas, je l'ai retrouvé entouré de cinq ou six gendarmes. Il était au sol, les mains menottées dans le dos. Il ne respirait plus, il était sans vie. Il avait du sang sur le visage. J'ai vu un gendarme qui faisait partie de ceux qui nous ont interpellés. Il avait un t-shirt blanc et je l'ai vu revenir après avec un t-shirt plein de sang, celui de mon frère. Ma compagne était là, elle l'a vu aussi. Adama n'a pas eu de crise cardiaque, ils l'ont tabassé."

Adama est mort le jour de son 24e anniversaire.

Mais ce fait n'est pas isolé. Le rapport de l’ACAT (Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture) montre qu’entre 2005 et 2015, plus de 80 % des personnes victimes de violences policières mortelles en France étaient issues des minorités ethniques. En d'autres termes, les Noirs et les Arabes ont 7 à 8 fois plus de risques d'être tués du fait des violences policières. De même qu'ils sont 7 à 8 fois plus exposés au contrôle de police, en raison de leur faciès, comme l'ont montré les travaux scientifiques dans ce domaine. Par ailleurs, selon une autre association, Urgence notre police assassine, entre 2005 et 2015, au moins 103 jeunes gens noirs ou arabes ont trouvé la mort du fait de la violence policière. Il semble que les jeunes noirs et arabes en France ont une fâcheuse tendance à mourir de crise cardiaque dès qu'ils sont arrêtés par la police.

Dans un contexte marqué par les attentats terroristes, la confiance est d'autant plus nécessaire entre les forces de l'ordre et la société civile. C'est pourquoi nous demandons :

1° -aux autorités françaises de mener une enquête juste et indépendante sur cette affaire,

 2° - aux gouvernements d'Europe de prendre les mesures nécessaires contre le profilage ethnique et la violence policière en général (en mettant en place les attestations de contrôle contre le délit de faciès, en utilisant les caméras dans les commissariats et sur les vêtements des policiers, en intégrant les associations issues de la société civile dans les instances de contrôle, en interdisant les armes léthales et les techniques d'arrestations pouvant causer la suffocation, en dispensant plus de formation sur les discriminations, en produisant des données ethniques sur l'activité policière, etc.),

3° - à l'Union européenne, au Conseil de l'Europe, à l'OCDE et au Conseil des Droits de l'Homme des Nations Unies d'enquêter davantage sur le profilage ethnique et les violences policières en Europe, et d'obliger les Etats européens à prendre les mesures nécessaires pour évaluer l'importance du problème et mettre en place les solutions nécessaires dès que possible.

Justice et vérité pour ces jeunes violentés ou morts !

Paris, le 18 octobre 2018, par M. Amadou Bal BA

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