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«Sénégal : quelle gouvernance viable en direction des diasporas ?» par Amadou Bal BA –
Quand on parle de la «diaspora» sénégalaise il faudrait s'entendre sur les mots et sur les méthodes de connaissance de ce groupe si particulier.
Le Sénégal, d'une grande originalité, s'est doté de 15 députés de la diaspora censés représenter une quinzième région du Sénégal. Cette initiative partait de bons sentiments à savoir que le Sénégal ce n'est pas seulement que les Sénégalais de l'intérieur, mais aussi les Sénégalais de l'extérieur.
Par conséquent, la diaspora est le prolongement géographique du Sénégal à travers ses nationaux établis à l'étranger. On raconte que le premier homme que Armstrong a rencontré sur la lune c'est un Peul, un peu nomade, né avec une valise sur la tête.
Initialement, la destination des émigrants sénégalais c'était la RCI, le Congo ou le Gabon. Maintenant, je ne parle pas de la destination emblématique de la France. J'ai de la famille à travers tous les continents, avec des destinations nouvelles, comme les États-Unis le Canada, le Japon ou la Chine.
Historiquement, ces Soninkés les précurseurs de l'immigration en France, notamment dans les ports de Marseille Bordeaux ou du Havre. En effet, les Soninkés sont les premiers à faire venir leurs familles et à choisir la nationalité française. «C'est la tombe ou Bordeaux» disaient-ils. Blaise DIAGNE et Ngalandou DIOUF les avaient ciblés comme clientèle politique. Les Peuls, en retard, mais finalement, ont fait venir les épouses, mais tout en disposant de puissantes associations villageoises avec des projets sociaux au Sénégal. La communauté Ouolof, au début, constituée de marchands ambulants, est en profonde mutation, à travers l'immigration familiale ; des jeunes sont nés en France et sont donc des citoyens français.
Quel bilan critique de cette représentation à l’Assemblée nationale des quinze députés de la diaspora ?
Les Sénégalais de l'extérieur ne connaissent même pas le nom de leur député ou ne l'ont jamais vu. Ils gèrent leurs indemnités et ne vont pas à la rencontre de la diaspora ou ne relayent pas leurs difficultés afin de trouver des solutions.
Plusieurs indicateurs montrent que les États africains se sont gravement désintéressés du sort de leurs nationaux à l'étranger.
L'État, comme les familles restées au pays, ne s'intéressent à la diaspora qu'en termes de manne financière, de mandats, d'ailleurs produits de consommation et non d'investissement. Ainsi à l'occasion du COVID en 2020, les missions diplomatiques sénégalaises ne sachant pas, sans recensement où se trouvaient leurs nationaux en Chine étaient en grande difficulté. Il est donc utile d'inciter tous les Sénégalais à l'extérieur avec les moyens modernes actuels à se faire enregistrer auprès des consulats.
Le gouvernement actuel, en difficulté financière, recherche à taxer les mandats venant de l'extérieur. Les expériences de la Chine de l'Inde, de la Tunisie et d'Israël de faciliter les mouvements financiers ont donné à ces pays une source de financement hors norme. Le Sénégal, parlant de souveraineté, reste encore sous contrôle de banques étrangères.
Par ailleurs et en dépit de certaines réglementations ou pratiques européennes manifestement contraires aux droits de l'homme, l'État du Sénégal s'est aplati sans aucune réaction vigoureuse.
Je l'avais signalé lors du voyage du premier ministre Ousmane SONKO à Istanbul, plus de 30 000 Africains sans-papiers dont des Sénégalais essentiellement des. Ouolofs sont détenus dans des prisons turques depuis plus de quatre ans. Le président Macky SALL avait négocié des régularisations, la Turquie a soit refusé de renouveler leurs papiers ou annulé leurs titres de séjour.
En France, les Africains et donc les Sénégalais sont soumis à différentes vexations. Il s'agit le plus choquant de personnes en situation régulière ayant des difficultés pour obtenir un RDV pour le renouvellement de leurs titres de séjour ou avec des délais d'instruction anormalement longs engorgeant les tribunaux qui finissent par perdre leur logement et leur travail. Je ne parle pas des refus de regroupement familial de transcription de la nationalité de leurs enfants ou des tests de français en 2026, un Francais de souche serait recalé.
Le plus choquant c'est l'attitude persistante de la maltraitance du gouvernement sénégalais ou de son administration à l'égard de la diaspora.
Sans s'égarer dans les détails plusieurs Sénégalais nés à l'étranger et devenant des cadres de haut niveau ont du mal à trouver des stages d'alternance ou des emplois auprès d'entreprises européennes ayant gagné des marchés en Afrique.
J'ai été surpris de constater depuis la jurisprudence Abdoulaye WADE, les Sénégalais diplômés d'une école d'un barreau français ne peuvent toujours pas exercer leur métier au Sénégal. C'est inacceptable ! C'est un système ségrégationniste à l'envers !
Bon nombre de Sénégalais qui veulent il investir au pays ou acheter un terrain ont escroqués et les procédures judiciaires traînent en longueur.
La tenue très rigoureuse de l'État civil est gravement préjudiciable à la diaspora ou de leur famille en termes de pension de réversion de transcription de la nationalité des enfants ou de regroupement familial.
Je n'ai pas compris la valeur ajoutée de l'IPRES du Sénégal au moment du départ à la retraite d'un expatrié en France. Le dossier est bien ficelé depuis la France et l'IPRES redemande plusieurs fois des pièces qui ont été déjà donné. Je ne parle pas de la liaison entre l'assurance retraite de France et les délais de réponse ou de non-réponse de l'IPRES du Sénégal. Je sais de quoi je parle avec un dossier qui traine depuis plus de 2 ans.
Nos gouvernants s'intéressent à la diaspora non seulement comme force financière mais aussi c'est un réservoir électoral. La dimension culturelle est absente de la démarche des autorités sénégalaises. Ainsi, la France dispose d'une Alliance française la Chine, comme l'Inde ou Israël ont des réseaux culturels puissants. Il s'ajoute à cela que les Sénégalais ayant acquis la nationalité du pays de leur résidence ou leurs descendants sont considérés comme des «traitres» ou des «complexés». Erreur tragique que de mépriser ces Afro descendants !
En vue d’une gouvernance des problématiques plusieurs pistes de réflexion peuvent être esquissées :
- des permanences mensuelles ou trimestrielles des députés de la diaspora dans les consulats ou missions diplomatiques en vue de venir en appui aux démarches ou projets de la diaspora ;
- un recensement actif et permanent, sans démarchage politique, de la diaspora ;
- un recrutement des retraités installés au Sénégal, notamment les cadres ou ouvriers spécialisés, en vue de la formation et la professionnalisation des jeunes sénégalais non diplômés, une sorte d’école de la seconde chance ; les ouvriers sénégalais de France ont travaillé dans de grandes entreprises notamment du bâtiment, de l'automobile ou d'autres secteurs bien pointus ; ils ont un grand savoir-faire à valoriser ;
- un réseau de communication exclusivement culturel de maintien de la relation entre le Sénégal et ses diasporas ;
- un État civil rigoureux, de qualité loin de certaines influences ou de la corruption ;
- une réforme profonde de l'IPRES ;
- Favoriser les stages ou l'emploi les afrodescendants, et permettre aux diplômés du barreau français d'exercer au Sénégal ;
- une liberté de transfert des fonds, dans le respect de certains standards éthiques.
Paris, le 18 décembre 2025, par Amadou Bal BA