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Billet de blog 21 avril 2025

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"Pape François (1936-2025), souverain pontife de la Révolte" Amadou Bal BA

Le Pape François (1936-2025), jésuite d’Argentine, souverain pontife des pauvres et des vaincus, ayant introduit Dieu dans la ville, bousculé le conservatisme du Vatican. Pape de la Révolte, il voulait réformer une église conservatrice dans un monde livré aux forces du Chaos. Pour un Pape Africain au Vatican.

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"Le Pape François (1936-2025), un jésuite sud-américain d’Argentine. Souverain pontife des pauvres et des vaincus, ayant introduit Dieu dans la ville et bousculé le conservatisme du Vatican. Pour un Pape africain au Vatican.» Amadou Bal BA

Jorge Mario BERGOGLIO nous a quittés le 21 avril 2025, au Vatican, un lundi de Pâques, à 7h35. «Ce matin, l’évêque de Rome, François est retourné à la maison du Père. Toute sa vie a été consacrée au service du Seigneur et de son Église. Il nous a appris à vivre les valeurs de l’Évangile avec fidélité, courage et amour universel, en particulier en faveur des plus pauvres et des plus marginalisés», dit un communiqué du Vatican. Élu 266e souverain pontife de l’Église catholique, le 13 mars 2013, il avait pris le nom de François, en référence à Saint François d’Assises (1181-1226), un pape issu d’une famille riche, le mieux apprécié, de la paix, de la fraternité et de la pauvreté. «Saint-Pierre n'avait pas de compte en banque. Je voudrais une église pauvre pour les pauvres», disait-il. Partisan de la paix, le Pape François se battait pour un monde d’harmonie. «La guerre est folie, c'est le suicide de l'humanité», dit-il. Aussi, défendant les Palestiniens menacés d’un nettoyage ethnique, il avait placé la recherche de la paix au centre des préoccupations de la vie. «Vivre, parler et agir sans violence, ce n'est pas baisser les bras, ni perdre, ni renoncer à quoi que ce soit. C'est aspirer à tout.», dit-il.  Le Pape fustigeait la cupidité meurtrière des Hommes, source de toutes les discordes. «L’homme est devenu avide et vorace. Avoir, amasser des choses semble pour beaucoup de personnes le sens de la vie. Une insatiable voracité traverse l’histoire humaine, jusqu’aux paradoxes d’aujourd’hui ; ainsi quelques-uns se livrent à des banquets tandis que beaucoup d’autres n’ont pas de pain pour vivre», dit-il. Au fond, pour conquérir et conserver l’Harmonie, seul l’Amour peut sauver le monde des ténèbres. «L'Amour est, au fond, l'unique lumière qui illumine sans cesse à nouveau un monde dans l'obscurité», dit-il.

Par conséquent, et en raison de sa dimension spirituelle et politique, les hommages à ce Pape humaniste ont afflué. Le président sénégalais, M. Bassirou Diomaye FAYE, a salué «un homme de paix engagé pour les plus faibles». Mme Ursula Von der LEYEN, présidente de la Commission européenne a rendu hommage à la bonté, à l’humanisme du Pape François qui «savait donner de l’espoir, protéger le dialogue et dont l’héritage ne sera pas perdu», dit-elle. Pour la France, évoquant les 400 ans de la naissance de Blaise PASCAL (1623-1662), le Pape François avait dit que ce philosophe avait «parlé de la condition humaine de façon admirable». Bien que le Pape François ait été absent, le 8 décembre 2024, à la réouverture de Notre-Dame, le président Emmanuel MACRON, contrairement à la déclaration laconique de Donald TRUMP, a publié un éloge très appuyé. «Il a été durant tout son pontificat aux côtés des plus vulnérables, avec beaucoup d’humilité, et un sens tout particulier, dans ces temps de guerre et brutalité, de l’autre et du plus fragile. En cela, il a été fidèle à une tradition qui lui était chère», dit le président français. Depuis presque treize siècles, l’évêque de Rome avait toujours été un Européen. Après le Pape François, c’est peut-être l’heure de l’Afrique (Le cardinal Fridolin Ambongo BESUNGU de Kinshasa, le cardinal Robert SARAH de Conakry, le cardinal Philippe OUEDRAOGO de Ouagadougou et le cardinal Jean-Pierre KUTWA, d’Abidjan). Aucun religieux africain n’a jamais, à ce jour, accédé à cette haute fonction, alors qu’en France, de plus en plus, des personnes d’origine africaine prennent la direction des églises, notamment en province ou les petits villages.

En France, il y a eu le 21 avril 2002, sonnant comme un tremblement de terre avec l’élimination, dès le premier tour de la présidentielle, de Lionel JOSPIN, en faveur de Jean-Marie LE PEN du Front national. «Tirons les leçons de l’histoire, surtout ses pages les plus noires afin de ne pas commettre à nouveau les erreurs du passé», écrit-il, en 2024, dans ses mémoires, «Vivre». La disparition du Pape François, un religieux humaniste et progressiste, face à la montée décomplexée des forces du Chaos, sonne comme un coup de tonnerre, dans cette société internationale de la violence et de la prédation. En effet, pendant ses douze années, le Pape François, un jésuite progressiste s'est inscrit en rupture radicale contre ses prédécesseurs très conservateurs. En effet, le pape Jean-Paul II (1920-2005), un Polonais, a été le liquidateur du système communiste international. Dans sa prétention d’incarner l’Amour, entre abandon et trahison, le Pape François avait eu pour ambition de réformer l’Église «Adoré, questionné, conspué, le pape François suscite des réactions diverses. Ses ambitions libérales ont désarçonné nombre d'institutions et de groupes qui avaient prospéré sous ses prédécesseurs», écrit, en 2021, Frédéric MOUNIER.

Contre la folie de la guerre et de la destruction qui frappent notre siècle, le Pape François, qui a osé parler de la Palestine, a aussi dénoncé «l'économie qui tue» et «la dictature de la Finance». Les Jésuites sont des hommes d’une vaste et savante culture. Pour le Pape François, féru de littérature, ce n’est pas simplement un passe-temps, un divertissement, ou une expression mineure de la culture. La littérature forme l’esprit critique et intellectuel d’où la nécessité de fréquenter les grands auteurs, qu'ils soient classiques ou modernes. La littérature permet de former son intelligence et de découvrir d'autres cultures ; elle oblige à un décentrement. Parce qu'elle contribue à former un jugement, elle est le meilleur rempart contre les extrémismes. Parce qu'elle est une fenêtre ouverte sur l'autre et le monde, parce qu'elle trahit toujours, au fond, une nostalgie du divin, la littérature demeure l'indispensable porte ouverte sur l'universel. «Je souhaite proposer un changement radical de démarche concernant la grande attention qui doit être portée à la littérature dans le cadre de la formation des candidats au sacerdoce», écrit-il, en 2021, dans sa «Lettre sur le rôle de la littérature».

Le Pape François, premier jésuite et premier religieux sud-américain à occuper cette fonction, a tenté de réformer l’Église, complètement décalée, confrontée à différents scandales sexuels, à une perte de vocation des curés, mais aussi une société transformée par des familles recomposées et les mariages homosexuels. «Que ce soit à Buenos Aires ou dans toutes ces mégalopoles qui caractérisent l’habitat de notre monde, on peut, véritablement, se demander «Où est Dieu ?». À vrai dire, on peut se demander «Où est l’homme ?». Retranché derrière les murs dans les beaux quartiers, perdus dans la foule anonyme des centres-villes, enfoncés dans l’infrahumanité de quartiers pauvres, il n’apparaît pas avec beaucoup d’évidence à l’observateur extérieur», écrit Mgr STENGER, dans la présentation de «Dieu dans la ville». En effet, Le Pape François, déjà dans son pays d’origine, l’Argentine, avait tenu à «introduire Dieu dans la ville», en référence au titre d’un de ses ouvrages. «Dans la ville, vit une multitude de «non-citoyens», «demi-citoyens», et «citoyens en trop », qu’ils ne bénéficient pas de leur plein droit : les exclus, les étrangers, les sans-papiers, les enfants non scolarisés, les personnes âgées et les malades. Dans ce sens, le regard transcendant de la foi, qui porte au respect et à l’amour du prochain aide à choisir, d’être citoyen d’une ville concrète», écrit-il. «Réaliste, vraie, dynamisante, compatissante, ainsi pourrait-on qualifier en quelques mots l’exhortation apostolique du Pape François. Dans son style, le Pape sait combiner la proximité et la posture magistérielle. L’amour, c’est aussi la fragilité, les difficultés, mais aussi la violence qui peut habiter la vie familiale» écrivent Hélène BRICOURT et Alain THOMASSET, dans la présentation de «la joie de l’amour».

Né le 17 décembre 1936 à Buenos Aires, de son vrai nom, Jorge Mario BERGOGLIO est issu de parents d’origine italienne, aux racines piémontaises. Son père, Mario BERGOGLIO (1908-1959) était un comptable, et sa  Regina SIVORI COGNA (1911-19981) a élevé ses cinq enfants. Il s’engage, en 1958, une congrégation des jésuites, en tant que novice. Il rencontre une jeune fille, Amalia, songe à l’épouser, mais finalement prononce ses vœux définitifs. Il est ordonné prêtre et commence à gravir les échelons au sein de sa congrégation. Il sera confronté, de 1976 à 1981, à la dictature militaire, le commandant en chef de l'armée de terre argentine, Jorge Rafael VIDELA (1925-2013), ayant renversé la présidente Isabel MARTINEZ de PERON, née le 4 février 1931. C’est une sombre période de l’Argentine, avec plus de 300 000 disparitions, des enlèvements, tortures ou assassinats, y compris des religieux. Accusé à tort d’avoir pactisé avec le diable, d’abord ostracisé par sa hiérarchie, puis blanchi et promu archevêque en 1998, il devient cardinal en 2001. Le futur Pape François devient le Pape des pauvres, et laboure l’Argentine en allant visiter les quartiers défavorisés.

Libéral, ouvert, tolérant et aux côtés des pauvres, le pape François voulait réformer l’Église. «Quelque chose a changé dans l’Église catholique. François, ce pape jésuite venu du bout du monde, fait souffler sur Rome et au-delà un vent de réforme qui suscite chez les catholiques étonnement et espoir. Il est vrai que l’Église, victime de son hypercentralisation, ne semblait plus à même de répondre aux besoins de plus de 1,2 milliard de fidèles, désormais répartis sur toute la planète. Confrontée à la sécularisation en Europe et à la concurrence des autres religions dans le reste du monde, elle était tentée de se crisper sur le seul souvenir de son passé glorieux», écrivait, en 2014, Isabelle de GAULMYN.

Quel bilan  des 12 ans au Vatican du Pape François ?

Les églises, complètement décalées par rapport à leur époque, se vident de leurs fidèles. Si l’Europe est fière de ses racines chrétiennes, le centre de gravité du monde catholique s’est déplacé vers l’Asie et l’Afrique. Le Pape François, devant son souci de faire place aux femmes et aux homosexuels, a rencontré de fortes résistances de la part de la curie, des églises américaines, africaines et allemandes encore ultraconservatrices. Jean-Paul II avait tout verrouillé, sous peine d’excommunication, en prononçant l'interdiction de l'ordination des femmes, notamment par lettre apostolique Ordinatio sacerdotalis en 1994 et sa déclaration Responsum ad dubium de la Congrégation pour la doctrine de la foi en 1995.

Pourtant le dogme est en train de bouger, les messes ne sont plus dites en latin, et les femmes ont désormais un droit de vote au synode. En effet, en réformateur, le pape François  a d’abord célébré la vie et demandé aux fidèles de ne prier comme des perroquets. «Relire l'histoire de notre vie est essentiel pour faire mémoire et transmettre quelque chose à celles et ceux qui nous écoutent. Pour apprendre à vivre, nous devons tous et toutes apprendre à aimer. Ne l'oublions pas ! C'est l'enseignement le plus important que nous pouvons recevoir : aimer, car l'amour gagne toujours», dit-il dans ses mémoires, «Vivre». Audacieux, dans ses prises de position publiques, par des gestes et des paroles qui en ont réjoui beaucoup et agacé, il a frappé les esprits en prenant fait et cause pour la communauté homosexuelle. «Si une personne est gay et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour la juger ?» dit-il. Il a aussi brisé le tabou, en accueillant les divorcés remariés qui «font toujours partie de l’Église», dit-il. Pour lui, «Le peuple de Dieu veut des pasteurs et pas des fonctionnaires ou des clercs d’État», l’Église devrait prendre en charge les pauvres, les exclus et les marginaux, comme les prisonniers ou les personnes handicapées. Le pape François a fait entrer l’écologie dans sa gouvernance. Il fat «honorer la dette écologique, surtout entre le Nord et le Sud et d’unir la lutte contre la dégradation de l’environnement à celle contre la pauvreté», dit-il.

Cependant, fin stratège, Jorge Mario BERGOGLIO a eu à affronter de nombreuses adversités ou intrigues. «Contre la Curie romaine qu’il bouscule, contre la corruption des États qu’il dénonce, contre les mafias qu’il excommunie, contre l’économie qui tue, le pape François semble un homme bien seul», écrit Arnaud BEDAT. Certaines hostilités sont formulées publiquement «François a rempli les places et les églises, il a joué son rôle. Maintenant, il peut s’en aller avant de détruire l’Église», dit, vertement, André RICCARDI, vieux cardinal au dirigeant de Sant’Egidio.

Dans le souci d’une communication efficace, le pape François a développé dans le gouvernement de l’Église les éléments de collégialité, de sortir l’Église des fermetures, des cléricalismes et de l’autoréférentialité. Les adversaires du Pape François ont critiqué «la prudence avec laquelle il effectue les réformes, ses choix contestables de certains collaborateurs et ses prises de décision personnelle en dépit des organismes de consultation qu’il a lui-même constitués. Il est accusé d’avoir laissé de côté des réformes urgentes et de ne pas s’être débarrassé des collaborateurs infidèles, brefs, d’avoir négligé l’institution, lui préférant le contact direct avec les masses, qui englobent aussi les non-croyants», écrivent, en 2017, Sylvina PEREZ et Lucetta SCARAFFIA, dans «François, le pape américain». Le pape François a eu une vision audacieuse de la réforme ; il aurait préféré une église accidentée, blessée, mais qui bouscule les conservatismes. «J’ai l’impression que Jésus est enfermé à l’intérieur de l’Église et frappe pour sortir», a-t-il dit, en 2015.

 Références bibliographiques

A – Contributions du Pape François

Pape François, Espère, traduction de Françoise Bouillot et Camille Sfez, Paris, Albin Michel,  2025, 400 pages ;

Pape François, La joie de l’amour, préface de Jean-Luc Brunin, évêque du Havre, présentation générale de Hélène Bricourt et Alain Thomasset, Libreria éditrice du Vatican, 2016, 382 pages ;

Pape François, Lettre sur le rôle de la littérature, préface de William Marx, Paris, Cerf, 2024, 70 pages ;

Pape François, ou BERGOGLIO (Jorge, Mario), Dieu dans la ville, présentation de Mgr Marc Stenger, évêque de Troyes, traduction d’Elisabeth de Lavigne, Paris, Pierre Téqui, 2012, 45 pages ;

Pape François, RAGONA (Fabio, Marchese), Vivre. Mon histoire, à travers la grande histoire, présentation de Fabio Marchese Ragona, traduction de Samuel Sfez, Harper Collins, 2024, 304 pages.

B – Les critiques ou biographies

AURENCHE (Guy) et autres, François, le pape vert, Paris, Temps présent, 2015, 152 pages ;

BEDAT (Arnaud), François, seul contre tous. Enquête sur un pape en danger, Paris, Flammarion, 2017, 320 pages ;

COPENT (Glariand), Le Pape François, La Pierre philosophale, 2015, 52 pages ;

GAULMYN de (Isabelle), François, un pape pour tous, Paris, Seuil, 2014, 168 pages ;

IVEREIGH (Austen), François, le réformateur, de Buenos Aires à Rome, Paris, éditions de l’Emmanuel, 2017, 540 pages ;

MOUNIER (Frédéric), Le Pape qui voulait changer l’Église, Paris, Presses du Châtelet, 2021, 400 pages ;

NUZZI (Gianluigi), Chemin de croix : François, un Pape en danger au cœur du Vatican, traduction de Renaud Temperini, Paris, Flammarion, 2015, 342 pages ;

PEDOTTI (Christine) FAVIER (Anthony), Jean-Paul II, l’ombre du saint. Droit d’inventaire, Paris, Albin Michel, 2020, 336 pages ;

PEREZ (Sylvina) SCARAFFIA (Lucetta), François, le pape américain, introduction de Giovanni Maria Vian, traduction de Dominique Sicouri, Paris, Presses de la Renaissance, 2017, 162 pages ;

POLITI (Marco), François, parmi les loups, traduction de Samuel Fez, Paris, Points, 2016, 384 pages ;

SIRE (Henri), Le pape dictateur. L’histoire cachée du pontificat, Paris, Presses de la Délivrance, 2018, 253 pages ;

TORNIELLI (Andrea) GALEAZZI (Giacomo), Pape cette économie qui tue : dictature de la finance, inégalité, inégalités, pauvreté. Le pape dénonce, Paris, Bayard, 2015, 271 pages.

Paris, le 21 avril 2025 par Amadou Bal BA

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