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Billet de blog 24 août 2025

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"Boris VIAN J'irai cracher sur vos tombes" Amadou Bal BA

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«Boris VIAN (1920-1959) chanteur, musicien, traducteur et écrivain : son roman «j’irai cracher sur vos tombes», un hymne antiraciste» Amadou Bal BA

D’un humour caustique, inventif et pessimiste, , musicien, chanteur et traducteur, Boris VIAN un auteur très prolifique, a essentiellement écrit entre 1943 et 1947, une œuvre variée et riche, de romans, poésies, théâtres, opéras et musiques. «Il a incarné une certaine jeunesse de l’après-guerre, le roi de Saint-Germain-des-Prés. Précurseur du nouveau théâtre, ses romans sont passés, à peu près inaperçus lors de leur apparition, si ce n’est le célèbre, «J’irai cracher sur vos tombes», écrit, en 1970, Germaine BREE. Cependant, en dépit de ses écrits parfois déroutants et méconnus, ses contemporains avaient déjà apprécié sa contribution littéraire «Boris Vian va devenir Boris Vian», écrit Raymond QUENEAU, dans la préface de «l’Arrache-cœur».

Boris VIAN, né le 20 mars 1920 à Ville-d’Avray (Hauts-de-Seine), est mort le 23 juin 1959, à Paris. Issu d’une famille bourgeoise, avec chauffeur, gouvernante et percepteur, qui sera ruinée en 1929, son père est Paul VIAN (1897-1944) et sa mère, Yvonne RAVENEZ (1889-1976). Il a donc vécu exclusivement au XXe siècle. «Comprendre son temps est impossible à qui ignore tout du passé ; être un contemporain, c’est aussi avoir conscience des héritages, consentis ou contestés. Étudier hier en fonction d’aujourd’hui – et même de demain», écrit René REMONT, dans le «Vingtième siècle». La famille Vian passe toutes les vacances d’été dans leur maison de Landemer, dans le Cotentin (Manche). La demeure est détruite pendant la Seconde Guerre mondiale.

Élève doué, il écrit et lit dès l’âge de cinq ans sous l’œil d’un précepteur. Il est plutôt sage, intuitif et rêveur. Boris VIAN effectue ses petites classes au lycée de Sèvres (Hauts-de-Seine).

En 1936, il fréquente au lycée Condorcet à Paris, Boris obtient son baccalauréat de philosophie, avec option mathématique. Boris n’est guère intéressé par ses études et montre un esprit très fantaisiste qui n’est pas toujours du goût de ses professeurs. Et les trois frères suivis de quelques amis fondent leur premier orchestre de jazz. Ils donnent des petits concerts dans le parc de leur maison à Ville-d’Avray. Boris s'intéresse activement au jazz et adhère au Hot-Club de France dont le Président d'honneur est Louis ARMSTRONG.

Admis en 1939 à l'Ecole Centrale de Paris, il devient ingénieur en 1942. Atteint d'une maladie de cœur dès l’âge de quinze ans, qu'il transpose sous la forme poétique d'un nénuphar dans son roman l'Écume des jours, il semble avoir souhaité vivre le plus intensément possible, multipliant les activités et les expériences. En 1939, Boris VIAN effectue sa rentrée à l'École Centrale des arts et manufactures, dont l’enseignement pluridisciplinaire ne pouvait que lui convenir. L’entrée en guerre va obliger l’école a se replier à Angoulême. En 1941, il se marie à Michelle LEGLISE (1920-2017), dans le 10e arrondissement. A Paris, il fait la connaissance de Simone de BEAUVOIR et Jean-Paul SARTRE, à Saint-Germain-des-Prés. Ayant de longue date connu des problèmes cardiaques, Boris VIAN meurt, le 23 juin 1959, à l’hôpital Laennec à Paris. Il est enterré à la Villa d’Avray.

 I – J’irai cracher sur vos tombes, un hymne antiraciste

«J’irai cracher sur vos tombes», un excellent pastiche de roman noir, publié en 1946 sous le pseudonyme de Vernon SULLIVAN, un prétendu auteur américain, est un récit d'une vengeance, une puissante dénonciation du racisme et de l'intolérance. Boris VIAN se présente comme étant un simple traducteur de c roman, jugé immoral et pornographique, et interdit en 1949. Boris VIAN est  condamné pour outrage aux bonnes mœurs. En effet, une certaine presse s’est acharnée contre lui «Il paraît que nul éditeur américain n'a osé publier cette élucubration maladive d'un métis. C'est à l'honneur de l'édition américaine, et il faut déplorer qu'il se soit trouvé en France un traducteur et une firme pour diffuser cette incivilité sénile et malhonnête. C'est sur le livre qu'on peut cracher», écrit le 21 novembre 1946, «La Dépêche de Paris».

Le roman traite donc de la condition des Noirs face au racisme des Blancs. Ils refusent d'être marginalisés et aspirent à la nécessité viscérale de se délivrer d'une douleur trop violente par la vengeance. C'est le drame des Afro-Américains aux Etats-Unis. Dans ce roman, Lee Anderson raconte comment naquit en lui l'idée de la vengeance. Son jeune frère, qui avait comme lui un huitième de «sang de couleur», a été assassiné par le père et le frère d'une fille blanche à qui il faisait la cour. Lee fera payer cet assassinat de deux assassinats atroces et longuement médités.

Boris VIAN fait une fois de recours à la technique littéraire du renversement en exposant  la sexualité, l’excès, la jouissance, la démesure et le ludique, dans son roman faisant appel pourtant, à un discours d’une grande importance. C'est un cri de rage et de désespoir pour défendre ses origines, sa couleur de peau. Le héros du roman, 26 ans, clair de peau, mais avec un sexe bien membré, comme celui d’un Noir. Il tient à Buckton une petite librairie, dans le Sud des Etats-Unis, en pleine ségrégation raciale. Ses hobbies, c’est le triple B : écouter ou jouer du Blues, Boire et Baiser. Il s'ennuie un peu et décide d'aller voir dans le bar d'en face. Là, il fait la connaissance de quelques adolescentes, les Bobby-soxers, et leurs amis. Finalement, ils passent le plus clair de leur temps ensemble, près de la rivière à se baigner, boire et faire l'amour. Mais derrière cette belle apparence se cache un homme, avide de vengeance, pour les punir de ce qu'ils ont fait au «gosse».

Dans ce roman dérangeant, troublant, parfois écœurant, intrigant, violent, l’écriture explicite, une véritable petite musique funèbre. En effet, la crudité des mots, la furie libidineuse des corps et des âmes, tout  incite à la débauche, la luxure et la dépravation. «Elle était lisse et mince comme une herbe, et odorante comme un magasin de parfumerie. Je m’assis et me penchai au-dessus de ses jambes, et je lui embrassai l’intérieur des cuisses, à l’endroit où la peau des femmes est aussi douce que les plumes d’un oiseau. Elle resserra ses jambes et puis les écarta presque aussitôt, et je recommençai un peu plus haut. Son duvet brillant et bouclé me caressait la joue, et, doucement, je me mis à la lécher à coups légers. Son sexe était brûlant et humide, ferme sous la langue, et j’avais envie de la mordre» écrit-il. En effet, les mots sont crus. «Je la renversai sur le divan et j'arrachai le devant de sa robe. Elle se débattait comme un beau diable. Ses seins jaillirent de la soie claire. Lâchez-moi. Vous êtes une brute ! Non, dis-je. Je suis un homme.», dit-il.

II - «L’Écume des jours» de Boris Vian : Une ode à l’amour et un tragédie

Publié en 1947, «l’écume des jours», empreinte de surréalisme et de mélancolie, continue d’émerveiller par sa beauté singulière et sa profondeur émotionnelle. Ce titre léger et lumineux annonçant une histoire d’amour drôle ou grinçante, tendre ou grave, fascinante et inoubliable est une œuvre d’une modernité insolente, un conte de l’époque du jazz et de la science-fiction, à la fois comique et poignant, heureux et tragique, féerique et déchirant.

L’histoire relate la rencontre et l’amour passionné entre Colin, un jeune homme riche et rêveur, et Chloé, une femme douce et délicate. Autour d’eux gravitent des personnages secondaires marquants, comme Chick, l’ami de Colin obsédé par les écrits de Jean-Sol Partre, et Nicolas, le cuisinier talentueux. Ce récit poétique et surréaliste explore les thèmes de l’amour, de la mort, de la jeunesse et de la désillusion, porté par le style inventif et la sensibilité unique de Boris VIAN.

Dans un univers mêlant quotidien et onirisme, ce premier roman conte les aventures de Colin, de Chick, d’Alise et de la belle Chloé. Deux histoires d’amour s’entremêlent : Colin est un jeune homme élégant, rentier, qui met fin à son célibat en épousant Chloé, rencontrée à une fête. Le personnage de Colin, jeune homme raffiné et rêveur, tombe éperdument amoureux de Chloé, incarnation de la délicatesse et de la grâce. Leur histoire d’amour, d’une pureté éclatante, est marquée par des scènes inoubliables, comme celle de leur mariage féerique ou de leurs danses sur des airs de Duke ELLINGTON. Leur bonheur est rapidement troublé lorsque Chloé tombe malade d’un mal étrange : un nénuphar qui pousse dans son poumon. À travers cette métaphore bouleversante, Boris VIAN évoque avec une rare sensibilité la fragilité de l’amour et la cruauté de la vie. Qui n’aimerait pas vivre la vie de Colin et Chloé, s'aimer, déjeuner dans un rayon de soleil, s'aimer, danser, s'amuser, planer sur un beau nuage, s'aimer ! Le monde de Colin se transforme alors, se rétrécit et s’assombrit, à l’image de son appartement qui rétrécit au fil des pages, signe tangible de son désespoir. Tandis que Colin se ruine pour soigner sa bien-aimée, leur monde se rétrécit et s’assombrit peu à peu, à l’image de leur appartement qui devient de plus en plus étroit.

Entre jeux de mots, néologisme, fantaisies cocasses, une caricature de la société de son temps, dans un vernis de rébellion, le lecteur est plongé dans un univers onirique où la poésie et la réalité se confondent. Chef-d’œuvre intemporel de la littérature française, «L’Écume des jours» de Boris VIAN est bien plus qu’un roman : c’est une ode à l’amour, à la jeunesse et à la fantaisie. Ce roman initiatique est touchant ; il relate un parcours initiatique conduisant à l'âge adulte, à ses responsabilités et à ses drames face à la cruauté de l'existence. Ce premier amour, pur, débordant et malheureux, ravagé par la maladie, marque la présence oppressante de la mort ; le nénuphar qui dévore les poumons de Chloé étouffe en même temps leur bonheur. Au début, tout se passe comme dans un rêve, un très beau rêve presque réaliste qui tourne en cauchemar surnaturel. La vie paisible de Colin, héros sans qualité spécial, avec son cuisinier habile, disciple de Gouffé, sera bouleversée le jour où il décide de tomber amoureux et de chercher une femme. Il quitte son paradis et retombe sur terre où il doit travailler. Or, travailler fatigue, asservit, humilie l'homme dans une société où l'argent, les doublezons, règne en maître.

Incarnant l’esprit libertaire et promenant ses lecteurs à des sarabandes oniriques, au-delà de la tragédie, «L’Écume des jours» est aussi un manifeste de liberté et de créativité. Le style de Boris VIAN, audacieux et inventif, regorge de trouvailles linguistiques et d’images saisissantes. Les objets prennent vie, les espaces se métamorphosent, et la musique de jazz rythme les émotions des personnages, créant une harmonie envoûtante entre le fond et la forme.

En célébrant l’imaginaire et l’émotion brute, Boris VIAN a su écrire un roman d’une modernité éclatante, à la fois ludique et déchirant. «L’Écume des jours» est une invitation à ressentir, à rêver et à pleurer. Le temps n’a pas prise sur roman qui laisse une empreinte indélébile dans le cœur de ceux qui le lisent. C’est «le plus poignant des romans d'amour contemporains», écrit Raymond QUENEAU.

Références bibliographiques

A – Contributions très sélective de Boris VIAN

VIAN (Boris) ou Vernon SULLIVAN, J’irai cracher sur vos tombes, sous la direction de Gilbert Pestureau, Paris, Le Livre de poche, 2014, 350 pages ;

VIAN (Boris), L’écume des jours, Paris, LGF, 1997, 320 pages ;

VIAN (Boris), L’arrache-cœur, préface de Raymond Queneau, éditeur scientifique Gilbert Pestureau, Paris, Le Livre de poche, 1992, 221 pages ;

VIAN (Boris), Chroniques de Jazz, texte présenté par Lucien Malson, Paris, Le Livre de poche, 1998, 414 pages ;

VIAN (Boris), Chroniques du menteur, texte de Noël Arnaud, Paris, Le Livre de poche, 1999, 120 pages ;

VIAN (Boris), Derrière la zizigue, Paris, Union générale des éditions, 1981, 180 pages ;

VIAN (Boris), Mademoiselle Bonsoir, suivie de la reine des garces, préface d’Ursula Vian Kübler, Nicole Bertolt, Paris, Librairie générale française, 2009, 401 pages ;

VIAN (Boris), Traité de civisme, Paris, Christian Bourgois, 1979, 344 pages.

B – Critiques de Boris VIAN

ARNAUD (Noël), Le dossier de l’affaire «J’irai cracher sur vos tombes», Paris, Christian Bourgois, 1974, 524 pages ;

ARNAUD (Noël), Les vies parallèles de Boris Vian, Paris, Union générale d’éditions, 1970, 605 pages ;

BERTOLT (Nicole) et autres, Boris Vian, le livre anniversaire, Paris, Christian Bourgois, 1979, 344 pages ;

BIRGANDER (Pia), Boris Vian, romancier : étude des techniques narratives, Lund, CWK Gleerup, 1981, 230 pages ;

BREE (Germaine), Le vingtième siècle : 1920-1970, tome II, Paris, Arthaud, 1978, 429 pages, spéc pages 244-245 ;

BUFFARD-O’SHEA (Nicole), Le monde de Boris Vian et le grotesque littéraire, New York, Peter Lang, 1993, 141 pages ;

CISMARU (Alfred), Boris Vian, New York, Twayne Publishers, 1974, 143 pages ;

CLOUZET (Jean), Boris Vian, Paris, Seghers, 1966, 206 pages ;

DUCHATEAU (Jacques), Boris Vian, Paris, La Table ronde, 1969, 234 pages ;

NOAKES (David), Boris Vian, Paris, Classiques du XXe siècles, éditions universitaires, 1964,  124 pages ;

RIMLINGER (Laure), Boris Vian : du double à l’identité, thèse sous la direction de Lucien Israël, Strasbourg, Université Louis Pasteur, 1981, 182 pages ;

RYBALKA (Michel), Boris Vian, essai d’interprétation et de documentation, Paris, Lettres Modernes, 1969, 257 pages.

Paris, le 24 août 2025 par Amadou Bal BA

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