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Billet de blog 24 novembre 2025

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"Jimmy CLIFF (1944-2025) musicien de reggae jamaïcain" Amadou Bal BA

Jimmy CLIFF (1944-2025) auteur, compositeur et interprète de musique reggae de la Jamaïque. Une star planétaire engagée pour la Justice, l’Amour et le Bonheur de l’Espérance. In Memoriam.

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«Jimmy CLIFF (1944-2025) auteur, compositeur et interprète de musique reggae de la Jamaïque. Une star planétaire engagée pour la Justice, l’Amour et le Bonheur de l’Espérance. In Memoriam» par Amadou Bal BA –

Quand je pense à Bob MARLEY, à Peter TOSH, et maintenant, en particulier, à Jimmy CLIFF, je dis haut et très fort que les Africains et leurs diasporas, en dépit des calomnies et des vomissures de notre temps, ne sont pas venus au monde les mains vides. Notre contribution à la musique aux arts et au sport pour un monde meilleur, d'harmonie et de respect mutuel est inestimable. La musique étant une confidence rassemble tous quelles que soient nos origines ou notre condition sociale.

La Jamaïque ce n’est seulement que ces images d’Epinal : le rhum, la noix de coco, le soleil et la marijuana, c’est un pays de grands artistes de haute voltige et d’une grande profondeur. En effet, Jimmy CLIFF enregistré la chanson «Hakuna Matata» du Roi Lion, parce qu’il est attaché à ses valeurs ancestrales africaines «Si j’ai accepté de participer à l’enregistrement de cette bande originale, c’est parce que le lion représente un symbole profondément lié à ma culture, tant jamaïcaine qu’africaine. Le roi des animaux incarne la force et l’autorité. En Jamaïque où le système est particulièrement injuste, il faut posséder le courage du lion pour survivre. L’Afrique est la terre de mes ancêtres et le berceau de l’humanité. Par conséquent, je suis viscéralement lié à ce continent», dit-il à Africa International.

Jimmy CLIFF, de son vrai nom James CHAMBERS, est né le 30 juillet 1944, dans le Somerton District de la paroisse de Saint James  en Jamaïque, dans une famille modeste de sept enfants. Mort le 24 novembre 2025, il était marié à Latifa CHAMBERS. Il avait trois enfants. «Selon ma mère, je suis né à Summer Town, un village situé au nord-ouest de la Jamaïque. Ma mère était une femme au foyer, mon père a été tailleur, puis fermier. J’ai deux frères et une sœur ainée» dit-il. Enfant, il allait pieds nus, à la rivière, déterrer des ignames, cueillir des fruits ; ce contact charnel à la nature, dans une famille défavorisée, l’a conduit à un rapport charnel avec la nature. Le boxeur, Mohamed ALI est pour lui une intarissable source d’inspiration. Mais c’est son père qui est l’un de ses grands maîtres à penser. «Ma première inspiration, je la dois à mon père qui chantait en permanence. À la fin des repas, toute la famille battait des mesures, avec des instruments de fortune. Le reggae exprime les peines et les joies de l’humanité. Les pleurs de ceux qui manquent de justice, d’égalité, d’amour, et le bonheur donné par l’espérance», dit-il à Africa International.

Pionnier du reggae mais ne portant pas de dreadlocks, artiste charismatique et lumineux à la voix douce, Jimmy CLIFF a démarré la musique, en 1961, avant Bob MARLEY (1945-1981). À leur rencontre et grâce à son concours, Bob MARLEY a sorti trois albums en coopération avec son producteur.  En effet, sa carrière débute lorsqu'il quitte la campagne en autobus pour la capitale Kingston, où il rencontre le percussionniste, chanteur et compositeur, un Rastafarian, Oswald WILLIAMS dit Count OSSIE (1926-1976), avec qui il enregistre les ska «Daisy Got Me Crazy» et «I'm Sorry» pour le sound system de Sir CAVALIER. Fin 1961, il propose quelques chansons à Leslie KONG, dont le titre «Dearest Beverley». Jimmy CLIFF en raison de sa longue expérience et sa grande créativité est un artiste comblé «J’ai atteint la plupart des objectifs que je m’étais fixés. Je suis fier du chemin déjà accompli. Au début, j’étais ému de voir mon nom apparaitre sur la pochette d’un disque et d’être au sommet des hitparades en Jamaïque. Je rêvais d’une tournée mondiale. J’ai atteint tous ces buts. Mais ma plus grande joie, c’est d’aider les gens à positiver leur vie», disait-il en 1995, à Africa International. Son plus grand défaut c’est la générosité et son meilleur souvenir, un concert, en 1980, à Soweto, en Afrique du Sud. Auparavant, il avait une tournée au Nigeria. C’est un rêveur pour une société harmonieuse «Je trouve que la terre est un paradis si on est en paix avec soi-même. Je souhaite à tous la lumière qui permette de s’accepter et de mieux comprendre le sens de sa vie, de l’amour des autres et de soi-même», dit-il à Africa International. «L'essence de ma musique est la lutte. Ce qui lui donne la touche finale, c'est l'espoir de l'amour», avait-il dit. 

Ouvert à différentes influences musicales, Jimmy CLIFF s’est frotté au ska, reggae, à la pop, mais également à la soul et au rock and roll. «Le reggae est la vie. Le sexe est la vie, l'amour est la vie, et le combat aussi. Cette musique est née du ghetto, où chaque jour plus qu'ailleurs encore il faut manger, travailler» dit Jimmy CLIFF.

Le film, «The Harder They Come» datant de 1972, lui a permis de devenir l'un des chanteurs jamaïcains les plus appréciés et d’avoir une meilleure visibilité. «Plus c’est dur, mieux c’est» est un film mettant en vedette Jimmy CLIFF et popularisé le reggae, qui incarne Ivanhoe Martin, un personnage inspiré d'un véritable criminel jamaïcain du même nom, plus connu sous le nom de Vincent, Invanhoe dit Rhuyng Martin ou Rude Boy (1924-1948), un caïd très populaire de Trenchtown, abattu par la Police. Dans ce film juste, poétique et désespéré, le héros, Ivan, un jeune campagnard, débarque à Kingston, la capitale de la Jamaïque, rêvant de devenir chanteur. Après bien des déconvenues, il obtient une audition chez un gros producteur et enregistre pour 20 dollars, le fameux «The harder they come». Révolté par son salaire de misère, il refuse que son disque sorte. Mais le chômage fait rage et les choses se corsent pour Ivan qui, poussé par la faim, devient revendeur de marijuana. Le film, avec une dimension sociologique et politique, dépeint, la vie sordide et colorée des bas quartiers, l'inégalité sociale et le chômage, le rôle répressif de la religion, l'exploitation du show business local et la corruption de la police ; tout y passe, sur fond de reggae, bien sûr.

L'essence du reggae, la fusion d'influences de l'héritage africain, de religiosité visionnaire et de cette rage de survivre qui fermente dans le ghetto. Musicien et acteur, Jimmy CLIFF incarne une approche universelle de la musique comme vecteur d’unité, d’amour, de liberté et d’inspiration, où chaque morceau porte un message fort et intemporel. En effet, au-delà de l’aspect festif, des dreads locks et de l’aspect cool, le reggae, issu de milieux défavorisés d’Afrodescendants en Jamaïque, revêt, à certains égards, une dimension hautement politique, de revendication pour un nouvel ordre fondé sur la fraternité et la justice «La musique travaille à favoriser des soutiens ou des refus, des engagements des rébellions qui sont susceptibles de prendre une allure immédiatement politique» écrit Denis MARTIN. La Jamaïque a vu naitre des hommes d’une grande valeur, comme Marcus GARVEY, qui ont laissé un puissant héritage politique, culturel et musical à ce pays.

Jimmy CLIFF a été parfois victime du racisme «Quand j’allais nager à la rivière, avec mes copains métis, certains se déclaraient supérieurs à moi, du fait de leur couleur de peau. À cette époque, cela me rendait malade. Depuis, j’ai rencontré ce problème surtout en Angleterre, lorsque j’y vais j’ai vu des portes se refermer en raison de mes origines. Encore une fois, l’ignorance et la religion sont des causes certaines du racisme» dit-il à Africa International. En effet, en 1964, à Londres, Jimmy CLIFF a rencontré le racisme, le brutal, «comme lorsque ma propriétaire a découvert que j’étais Noir. Chris Blackwell (fameux producteur britannique) avait loué l’appartement pour moi. Quand la proprio m’a vu, elle m’a donné vingt-quatre heures pour dégager. «Nous ne louons pas aux Noirs!», dit-il en 2011, à François BARRAS, du magazine Culture. Cependant, la rencontre avec Cat STEVENS ou Bruce SPRINGSTEEN lui a permis d’atteindre un niveau supérieur ainsi qu’une audience plus large. Dans ce sens, la rencontre avec le londonien, Chris BLACKWELL, fondateur d’Island Records, a été décisive pour sa carrière musicale. «Chris m'a montré comment ouvrir mon premier compte bancaire en Angleterre, et il m'a aussi appris à gérer une entreprise. Quand Island a déménagé à Notting Hill, ils n'avaient qu'une grande pièce avec une table ronde autour de laquelle étaient posés tous les téléphones. J'ai trouvé ça génial : tout le monde pouvait se regarder, discuter et échanger. Ça m'a fait comprendre l'importance de la proximité et du contact humain dans le monde des affaires. J'ai aussi gagné en confiance. Il voyait en moi ce que je vois en moi-même, et le fait qu'il me dise «Je crois en toi, viens en Angleterre» a été très important pour mon estime de moi»,  dit-il.

Jimmy CLIFF, l'un des artistes jamaïcains les plus prolifiques et novateurs, la plus longue carrière musicale, a été salué comme la première véritable superstar du reggae. Légende de la scène reggae internationale, reconnu pour sa voix lumineuse, son message humaniste et son influence profonde sur plusieurs générations d’auditeurs et de musiciens, Jimmy CLIFF a sorti d’emblématiques chansons dont les plus célèbres sont : en 1969, «Many Rivers to Cross», en 1972, «The Harder They Come», en 1984, «Reggae Night» et sa reprise, et 1992, de «I Can See Clearly Now». Il a obtenu deux fois le Grammy Award du meilleur album de reggae : en 1986 pour «Cliff Hanger», ainsi qu'en 2013 pour «Rebirth». En effet, Jimmy CLIFF a su captiver le public grâce à son charisme, sa sincérité et son talent exceptionnel de conteur musical. Son style allie reggae authentique, soul émotive et engagement spirituel, offrant des chansons où espoir, émotion et conscience sociale se conjuguent de manière inoubliable.

Au cœur de sa musique, Jimmy CLIFF a toujours rappelé son engagement humaniste «Cela m'a aidé à comprendre que mon rôle dans la vie est celui d'un humanitaire, et qu'à travers ma musique, j'essaie de rendre le monde meilleur» dit-il à Lois WILSON de Mojo. En 2010, Jimmy CLIFF était entré au Rock and Roll Hall of Fame. «J'ai grandi en écoutant du rock and roll, en dehors de notre musique indigène en Jamaïque. La musique, c'est être inspiré.», dit-il. A sa mort, le Premier ministre de Jamaïque a rendu un vibrant hommage «au véritable géant culturel dont la musique a porté le cœur de notre nation au monde. Sa musique a élevé les gens pendant les périodes difficiles, inspiré des générations et contribué à façonner le respect mondial dont jouit aujourd'hui la culture jamaïcaine. Marche bien, Jimmy Cliff. Ton héritage perdure dans chaque recoin de notre île et dans le cœur du peuple jamaïcain» dit Andrew HOLNESS. Jimmy «a finalement traversé la dernière rivière. Repose en paix Jimmy, ta musique vivra éternellement» dit le groupe britannique, U2.

Références bibliographiques

CLIFF (Jimmy), «Interview. Roi Lion, mystique et magique», Africa International, juin, juillet, août 1995, pages 41-42 ;

KATZ (David), Jimmy CLIFF, Londres, Macmillan, 2011, 262 pages ;

MARTIN (Denis), Aux sources du reggae, musique, société et politique en Jamaïque, Roquevaire, éditions Parenthèses, 1982, 186 pages ;

RICK (Robert, M.), Reggae Giants : The Stories of Four Legends (Bob Marley, Peter Tosh, Toots Hibert and Jimmy Cliffs), 2025, 98 pages.

Paris, le 24 novembre 2025, par Amadou Bal BA

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