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"Sénégal : le Conseil constitutionnel censure une partie problématique du projet du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, une commission d’enquête de chasse aux sorcières, à la McCarthy, avec un régime disciplinaire de l’opposition : nouvelle grave déconvenue du PASTEF, dans son amateurisme et sa tentation dictatoriale, peu instruit des grandes et urgentes attentes sociales du peuple sénégalais» par Amadou Bal BA
Après les batailles fratricides au sommet de l’État, les embastillements continus d’opposants, les menaces sur la société civile, la presse indépendante ou la liberté d’expression, les Sénégalais souffrant de la vie chère et la jeunesse en désespérance, le PASTEF n’a trouvé d’autre priorité majeure du moment que de réformer le règlement intérieur de l’Assemblée nationale, avec un régime disciplinaire envers l’opposition. Le Conseil constitutionnel, compétent pour examiner la constitutionnalité des lois organiques, a été saisi par le Chef de l’État le 7 juillet 2025, au sujet d’un projet du 27 juin 2025, en 136 articles, visant à réformer le règlement intérieur de l’Assemblée nationale en date du 15 mai 2002. Quatre articles emblématiques de ce projet de règlement intérieur ont été censurés.
Depuis le 17 novembre 2024, et à la suite de la grande alternance, le PASTEF dispose d’une écrasante majorité au Parlement sénégalais, 130 députés sur les 165 sièges, mais l’usage que ce parti fait de sa victoire est, de plus en plus problématique et contreproductif. En effet, la «rupture», pour le PASTEF devrait passer nécessairement et préalablement, par l’anéantissement l’Ancien régime. En effet, au lieu, dans le cadre de la continuité, d’améliorer l’existent et de le dépasser au besoin, pour un saut qualificatif, le PASTEF est convaincu, que son projet politique, «rupture» c’est, nécessairement, et préalablement, la liquidation totale de l’Ancien régime, son anéantissement.
Aussi, dans son dogmatisme, son ressentiment, son entêtement permanent à persister dans l’erreur, ses préjugés et surtout son grand amateurisme, le PASTEF avait imaginé un système de commissions d’enquête parlementaires, avec sa majorité écrasante et mécanique, pour neutraliser ou liquider l’opposition. «Le PASTEF est un parti de gens socialement immatures, politiquement impréparés et techniquement incompétents», dit Hamidou ANNE, le nouveau Responsable de l’APR, parti de l’ancien président Macky SALL, de la Cellule d’analyse et de Prospective (CAP). En effet, le PASTEF vient d’être censuré, une nouvelle fois, le 24 juillet 2025, par une décision retentissante du Conseil constitutionnel. «Ce désaveu marque un tournant. En invalidant des dispositions ouvertement autoritaires, comme celles le recours à la force armée pour contraindre un citoyen à comparaître, ou celle visant à convoquer les magistrats, sans leur consentement, le Conseil constitutionnel rappelle qu’il demeure le rempart face aux excès d’un pouvoir tenté pat la brutalité. Ces mesures traduisaient une volonté manifeste de museler, affaiblir, contrôler et affaiblir les contrepouvoirs, en particulier, la Justice» écrit Thierno Alassane SALL, un député de l’opposition. Le PASTEF minimise sa cuisante défaite en estimant qu’il «ne s’agit que d’enlever les éléments problématiques. Le reste du texte est conforme et peut entrer en vigueur», précise Ismaël DIALLO. Les quatre articles invalidés, suivant la majorité présidentielle ne remettent pas en cause l’ensemble des autres dispositions du règlement intérieur de l’Assemblée nationale.
Finalement, cette décision du 24 juillet 2025 du Conseil constitutionnel, censurant une partie, très liberticide, dictatoriale du projet de règlement intérieur de l’Assemblée, à ce stade, stoppe les dérives autoritaires et menaces graves que fait peser le PASTEF, parti au pouvoir, sur l’État de droit au Sénégal, une démocratie exemplaire, d’un «Grand petit pays». En effet, le projet de révision du règlement intérieur de l’Assemblée nationale ne visait pas moins que d’ériger les Commissions d’enquête avec des pouvoirs judiciaires, dignes du Maccarthysme, un système de convocations des juges devant cette commission, en violation grave de la séparation des pouvoirs, une constatation directe d’infractions pénales empiétant sur les pouvoirs du Procureur de la République.
I – La censure d’un système de commission d’enquête, de chasse aux sorcières, avec des pouvoirs judiciaires, à la McCarthy
Le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition du règlement de chasse aux sorcières, un instrument de destruction de la démocratie. La justice, indépendante, n’est pas au service du pouvoir politique, c’est un rempart contre les dérives possibles du totalitarisme de l’exécutif. On n’est ni en Côte-d’Ivoire ni au Cameroun, où des opposants sont brisés par une justice aux ordres.
En effet, le Conseil constitutionnel a réaffirmé que les personnes convoquées devant une commission d’enquête de l’Assemblée nationale, pour recueillir des faits d’intérêt général, leur comparution et audition, «ne font pas de cette personne une mise en cause». L’article 56 du projet est donc retoqué. Cette disposition empiète sur les prérogatives du pouvoir judiciaire, gardien des libertés individuelles. «En prévoyant que l’Assemblée nationale peut requérir la force armée et toute autorité dont il juge le concours nécessaire, pour faire comparaître, par la contrainte, toute personne, cet article viole la Constitution (Article 91, juge gardien des libertés). En conséquence, l’alinéa 2, de l’article 56 du projet de règlement intérieur, est contraire à la Constitution», dit le Conseil constitutionnel. Disposition retoquée par le Conseil constitutionnel.
La ficelle du PASTEF était trop grosse, disposant d’une majorité écrasante à l’Assemblée nationale, et suspectant certains juges d’être «véreux» ou de ne pas être ordres, son projet était donc d’organiser un lynchage de ses adversaires devant une commission d’enquête empiétant sur les pouvoirs du juge, avec, au besoin, des sanctions pénales contre les récalcitrants. Cela rappelle les odieuses commissions d’enquête de chasse aux sorcières, sur Maccarthysme, aux Etats-Unis, de lutte contre le communisme qui avaient brisé de nombreuses vies, en pleine Guerre froide. En effet, dès 1946, Harry TRUMANN (1884-1972), un des plus minables et criminels, président des États-Unis de 1945 à 1953, avait instauré une commission temporaire, chargée d’enquêter sur la loyauté des fonctionnaires américains suspectés d’être communistes. Il s’agissait donc d’écarter des agents publics jugés «subversifs» et donc ayant des idées progressistes. Joseph McCarthy (1908-1957), qui s’appuyait sur une presse à sensation, a fini dans sa vie, dans la honte et le déshonneur, mort dans la solitude, en sombrant dans l’alcoolisme.
II – La censure du pouvoir de la commission d’enquête parlementaire d’audition des magistrats : une violation grave du principe de la séparation des pouvoirs
Dans le projet de règlement intérieur, la disposition prévoyant une audition des magistrats devant les commissions d’enquête, témoignant d’un grand amateurisme, une légèreté du PASTEF, a été censurée par le Conseil constitutionnel.
L’alinéa 5 de l’article 56 du projet de règlement intérieur de l’Assemblée nationale disposait que les juges puissent être convoqués devant une commission d’enquête parlementaire «Lorsque la Commission d’enquête souhaite entendre des magistrats, elle sollicite l’autorisation du ministre de la Justice». Dans son projet politique, parti de l’éthique, le PASTEF se prétend être celui qui défend l’indépendance de la justice et adversaire résolu de son instrumentalisation. Or, le Garde des Sceaux étant nommé par l’exécutif, son autorisation pour les juges à comparaître devant une commission, est une atteinte grave au principe de la séparation des pouvoirs que même les étudiants en première année de droit connaissent parfaitement. «L’indépendance de la justice, principe fondamental l’État de droit, posé par l’article 88 de la Constitution, est le corollaire nécessaire de la séparation des pouvoirs ; elle interdit toute immixtion des pouvoirs exécutif et législatif dans l’exercice de la fonction juridictionnelle. Si le législateur peut organiser, dans le respect des exigences constitutionnelles, les modalités de fonctionnement des commissions d’enquête et les règles relatives aux auditions, dont celles d’un magistrat, ce dernier ne saurait comparaître dans des conditions pouvant porter à son indépendance et sa liberté fonctionnelle.», dit le Conseil constitutionnel. Cette disposition ne peut être conforme à la Constitution que sous réserve d’une comparution volontaire du magistrat et que «son audition porte sur des faits non couverts par le secret des délibérations et de l’instruction ou des faits relatifs à l’organisation du service public de la justice, à l’exclusion de tout élément lié à une affaire en cours ou passée», dit le Conseil constitutionnel.
III – Une commission d’enquête parlementaire avec des pouvoirs directs de constatations des infractions pénales, empiétant sur les prérogatives du Procureur de la République
«En cas de constatations d’infractions, la Commission d’enquête peut saisir le Procureur de la République» édicte l’article 57, alinéa 4 du projet de règlement intérieur. Or, les Commissions d’enquête parlementaires «ne sont formées que pour recueillir des éléments d’information déterminés présentant un caractère général et soumettre leurs conclusions à l’Assemblée nationale. Le pouvoir de qualification des faits en infraction ne relève pas de la compétence de la commission d’enquête», dit le Conseil constitutionnel.
IV – La restriction illégale aux conditions de la radiation d’un député
L’article 60, alinéa 6, prévoit la radiation d’un député, mais ce texte «n’est pas une reproduction exacte de l’article 61, alinéa 5 de la Constitution, en ce qu’il restreint le champ d’application en soumettant la radiation du député à une condamnation définitive «entraînant la déchéance des droits civiques» ; ce faisant, il ajoute au texte constitutionnel», dit le Conseil constitutionnel, qui a censuré cette disposition.
On pense à ce conflit, entre le Premier ministre, Ousmane SONKO, et son ex-allié, l’ancien maire de Dakar, Barthélémy DIAS, révoqué de ses fonctions de maire et de député. En effet, le jeudi 5 décembre 2024, l’ancien maire de Dakar, député, Barthélémy DIAS, à la suite d’une condamnation définitive, entérinée par la Cour suprême en décembre 2003, avait été radié, en qualité de député à l’Assemblée nationale.
En définitive, avec le temps qui passe et cette accumulation des bourdes du PASTEF, je m’interroge, légitimement, sur ce que le PASTEF a fait de sa double victoire aux présidentielles et aux législatives de 2024. On connaît le manichéisme et la grande allergie d’une partie de ce parti, voulant régenter tout au sein de l’État, comme le ferait un parti stalinien, et considérant que toute critique, même constructive, émanerait d’un ASP, «un Anti Sonko Primaire». Républicain et démocrate, le PASTEF a gagné haut la main ses élections, militant de la cause de mon pays, je ne souhaiterais jamais l’échec du Sénégal, un «Grand petit pays», une démocratie exemplaire, enviée de tous. La grande exigence que je formule, c’est qu’au lieu de vouloir détruire ses adversaires, le PASTEF devrait s’attacher à appliquer et dérouler, méthodiquement, son projet. La situation financière est difficile, mais cela n’empêche pas nos dirigeants de voyager souvent à l’étranger ; cela coûte très cher et personne n’a évalué combien ces voyages à répétitions rapportent au Sénégal.
En permanence habité par l’espoir et l’espérance, comme «c’est toujours le bon moment de faire ce qui est juste» ou «The Time is always Right to do what is Right», disait, un de mes maîtres à penser, Martin Luther KING. Je demande donc à nos autorités publiques à ne pas persister dans cette voie de dérive dictatoriale, et à seulement appliquer le programme politique, pour lequel, ils ont été élus, démocratiquement. C’est une question d’honneur et de dignité, pour un Responsable politique, de dire ce qu’il fait et faire ce qu’il dit, une paraphrase de Lionel JOSPIN.
Références
Conseil constitutionnel, décision n°2/C/2025 du 24 juillet 2025, en matière constitutionnelle (règlement intérieur AN), 10 pages ;
Conseil constitutionnel, décision n°1.C/2025, du 23 avril 2025, en matière constitutionnelle (Projet de loi d’amnistie), 5 pages ;
Loi n°24-09 du 13 mars 2024, portant amnistie, JORS, 14 mars 2024 ;
BA (Amadou, Bal) «Sénégal : Le Conseil constitutionnel inflige un camouflet au Pastef», Médiapart, 24 avril 2025 ;
BA (Amadou, Bal) «Le président Bassirou Diomaye FAYE recadre le Premier ministre Ousmane SONKO, tout en finesse», Médiapart, 15 juillet 2025 ;
BA (Amadou, Bal) «Le Premier ministre, Ousmane SONKO : un parricide contre le président Bassirou Diomaye FAYE», Médiapart, 4 juin 2025 ;
BA (Amadou, Bal), «Sénégal : bilan d’un an d’alternance dite de rupture.», Médiapart, 16 avril 2025.
Paris, le 26 juillet 2025, par Amadou Bal BA