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«Guinée-Bissau : élections présidentielles du 23 novembre 2025, dans un climat de tension. Quelle alternative pacifique et démocratique, pour un pays sous-peuplé et riche, mais dont les populations sont pauvres ?» par Amadou Bal BA
Le président Umaro Sissoco EMBALO, de Guinée-Bissau, en fonction depuis le 27 février 2020, a indiqué qu'il va briguer un nouveau mandat aux présidentielles, initialement, pour le 30 novembre 2025, à très haut risque. Vous remarquerez, pour un mandat de cinq ans, que les élections auraient dû avoir lieu en février 2025. Par ailleurs, en décembre 2023, le Parlement étant dominé par l’opposition, le président EMBALO, prétextant d’un «coup d’Etat», avait dissout l’assemblée nationale, de nouvelles élections législatives auraient dû se tenir au 24 novembre 2024, mais qui n’ont jamais eu lieu, à ce jour. Son élection de 2020 avait elle-même été fortement contestée par l’opposition, et en dépit des recommandations de la CEDEAO, il est toujours à la manœuvre. Le président EMBALO, du côté de sa mère, son grand-père maternel était un Malinké malien ; sa grand-mère était guinéen peule de Labé, du Fouta-Djalon. Son père est bissao-guinéen d'origine burkinabé et il est un musulman sunnite.
La Guinée-Bissau, avant la colonisation, faisait partie du royaume confédéré du Kaabu, du XVIe siècle et détruit en 1867, couvrant une partie du Sénégal, de la Gambie et la Guinée-Bissau.
Il existe trois pays répondant au nom de Guinée, qu’il ne faudrait pas confondre. La Guinée-Bissau du président EMBALO, avec pour capitale Bissau, la Guinée Conakry, de Sékou TOURé, maintenant sous un régime militaire, et indépendante depuis 1958, et la Guinée équatoriale, une ancienne colonie espagnole, avec pour capitale Malabo ; dirigée d’abord Francisco Macias NGUEMA (1924-1979) de 1968 à 1979 (10 ans et 3 mois) par Théodore NGUEMA, depuis 1979, soit 47 ans. Les trois Guinée ont un point commun, c’est qu’ils sont éloignés des standards de la démocratie.
Que signifie l’indépendance, sans la paix, le bien-être et la démocratie ?
La Guinée-Bissau est à la triste et déplorable image d’une bonne partie des régimes politiques africains, d’une grande cupidité et férocité, dans des pays riches, mais dont les populations sont pauvres, à la merci de dirigeants assoiffés de pouvoir. En effet, indépendante depuis le 24 septembre 1973, la Guinée-Bissau, vaste de 36 125 km2, un Etat sous-peuplé de 2 153 339 d’habitants, un pays d’Afrique de l’Ouest entour du Sénégal, de la Guinée-Conakry, un Etat multiculturel, de sorcellerie, de multiples coups d’Etat (17 chefs d’Etat depuis 1974), en raison de ses importantes ressources minières et naturelles (bauxite, bois, pétrole, gaz, charbon, phosphates, ressources halieutiques, agriculture, tourisme), différents groupes ethniques s’y disputent, âprement, la conquête ou la conservation du pouvoir depuis l’indépendance et s’entretuant entre eux.
«Nous seuls, avant les autres, avons apporté à l’Afrique l’idée de droits de l’Homme et de l’égalité raciale. Nous avons pratiqué le multiculturalisme, expression la plus parfaite de la fraternité des peuples», disait, en 1967, Franco NOGUEIRA (1918-1993), ministre des Affaires étrangères du Portugal. L’histoire de la Guinée-Bissau est plombée par une longue série de tragédies. C’est tout d’abord la violence et la grande cruauté du colonialisme portugais, glorifiées par le poète Luis VAZ de CAMOES (1525-1580) et sanctifiées pendant longtemps par la dictature d’Antonio de OLIVEIRA de SALAZAR (1889-1970), Premier ministre de 1932 à 1968, et de l’avènement de la révolution des Œillets du 25 avril 1974 qui avait balayé l’extrême droite colonialiste portugaise. Aussi, les anciennes colonies portugaises (Guinée-Bissau, Angola, Mozambique), n’ont obtenu l’indépendance, que très tardivement, à la suite d’une guerre contre le colonisateur portugais. Amilcar CABRAL (1924-1973), le chef du PAIGC, le héros de l’indépendance, sera assassiné, le 20 janvier 1973, à Conakry, en Guinée de Sékou TOURE.
Ces élections présidentielles explosives du 23 novembre 2025, probablement suivies des législatives, sont donc à suivre, très attentivement. C’est pendant ces trois derniers mois de l’année que vont se tenir en RCI, au Cameroun et en RCA, des élections présidentielles.
Je rappelle que l’ancien président centrafricain, François BOZIZé, s’est réfugié en Guinée-Bissau. Il a fomenté un coup d’Etat le 15 mars 2003 contre Ange PATASSé, et a été renversé le 24 mars 2013, par des rebelles, une coalition des Séléka. Condamné par contumace, François BOZIZé, il s’est enfui d’abord à destination du Cameroun, puis maintenant en Guinée-Bissau. Depuis lors la RCA est entrée dans un cycle de violences, sans fin.
Références bibliographiques
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Paris, le 28 août 2025, par Amadou Bal BA