Agrandissement : Illustration 3
«Ma mairie du 12e arrondissement de Paris a brûlé, dans la nuit du 26 au 27 janvier 2025» par Amadou Bal BA
Cet incendie à la Mairie du 12e, dont on ne connait pas encore l’étendue des dégâts, un immense désastre, est un pincement au cœur, pour avoir été Directeur des Ressources humaines à la Caisse des écoles du 12e, pendant six ans, jusqu'à la date de mon départ à la retraite. C’est mon dernier poste dans l’administration communale. Dans la nuit du 26 au 27 janvier 2025, vers 3 heures, le feu s’est déclaré dans le beffroi, surmonté d’une flèche. «La situation de la flèche n’est absolument pas stabilisée et la décision qui a été prise est celle de la retirer, parce qu’elle menace de s’effondrer, soit côté rue, soit côté mairie, ce qui provoquerait des dégâts importants» indique M. Laurent NUNEZ, Préfet de police. Il y avait des travaux entrepris à la mairie à la Mairie du 12e, à ce stade des constatations, de cet incendie n’ayant pas fait de victime, et dans l’attente des résultats de l’enquête, «aucun élément ne laisse à penser que ce soit autre chose qu’une cause accidentelle», dit le Préfet de Police. Les repas du personnel étaient essentiellement organisés dans les somptueux salons de la mairie du 12e, richement décorés, avec des peintures murales très anciennes. En effet la tour calcinée se situe juste au-dessus du salon Napoléon avec ses magnifiques peintures. Une véritable tragédie, après Notre-Dame de Paris.
Les anciennes archives du personnel étaient au sous-sol de la mairie. J'avais fait dématérialiser, avec mon équipe de choc, les dossiers actifs des agents. Après le Covid-19, et en raison du développement du télétravail, la dématérialisation s'est accentuée et est devenue systématique pour tous les dossiers des nouveaux arrivants.
Si les premières installations humaines dans le 12e arrondissement remontent à plus de 6500 ans, C’est la chambre des députés, le 26 mai 1859, la Chambre des députés vote le report des frontières de la capitale enfermée par des enceintes et des fortifications, en intégrant, en 1860, notamment le 12e arrondissement à la capitale. Pendant la Commune de Paris, du 4 septembre 1870 au 28 janvier 1871, la première mairie du XIIe, créé une dizaine d'années plus tôt par la réunion des villages de Bercy et de Saint-Mandé, est détruite par un incendie perpétré, les 24, 25 et 26 mai 1871, par les Communards ; cet incendie a emporté aussi l'église de Notre-Dame-de-la Nativité de Bercy, ainsi que le quartier de la Bastille. En effet, dans ce Paris révolutionnaire, les Fédérés, devant la progression des versaillais d’Adolphe THIERS (1797-1877) et face à la grande famine, avaient incendié, en mai 1871, de nombreux édifices parisiens (L’Hôtel de Ville, la Préfecture de Police, le Palais de justice, les Tuileries, le ministère de la Justice, le ministère des finances, l’Arsenal, le Conseil d’Etat, le théâtre lyrique, le théâtre de la porte Saint-Martin, les Manufactures de Gobelins, les Doc de la Villette, etc.). «La mairie de Bercy, sur la place et tout près de l'église, a été aussi la proie des flammes ; il ne reste rien du bâtiment ; les murs ne pourront même pas servir à sa reconstruction. Ils ne tiennent plus et sont calcinés. Les livres de l'état civil et toutes les archives qui s'y trouvaient sont détruits. Les incendiaires sont des gardes nationaux du quartier : tous ont été pris et fusillés samedi matin. La mairie du XIIe arrondissement était de construction récente : elle fut terminée vers 1864 ou 1865» écrit, en 1871, Edmond MOREAU. Les services de la mairie furent alors répartis dans les deux pavillons épargnés par l’incendie et dans une maison située près de la place de la Nativité.
Précédée d’un jardin, bâtie sur un plan trapézoïdal, l’architecture de la Mairie du 12e résulte d’une série de commandes effectuées sous la IIIe République, conduisant à la réalisation des trois mairies des XIIe, XVe et XIXe arrondissements. La mairie du 12 édifiée, en 1876 par l’architecte Antoine-Julien HENARD (1812-1887) et inaugurée en 1877, résulte d’une architecture éclectique, proche de la Renaissance. En plan, le bâtiment a la forme d’un trapèze. La façade principale est centrée sur un pavillon coiffé d’une horloge au niveau du comble et surmonté du fameux campanile de haut de 36 mètres, et qui est fortement endommagé lors de cet incendie de janvier 2025. Au rez-de-chaussée, l’arcade centrale est surmontée d’une tête de femme représentant la Ville de Paris par le sculpteur Eugène-André OUDINE (1810-1885), un sculpteur et médailleur.
Au 1er étage du pavillon, deux niches abritent chacune une statue évoquant des activités économiques de cet arrondissement : «l’ébéniste», par le sculpteur Henri Honoré PLE (1853-1929), et «Le vigneron», par le sculpteur Alexandre-André LEQUIEN (1822-1905). Ces œuvres évoquent les activités commerciales et artisanales de l’arrondissement.
A l’intérieur, le plafond de l’escalier d’honneur a été peint en 1879 par Eugène THIRION (1839-1930). Dans le salon d’honneur, quatre panneaux, des œuvres de Louis Jean BEAUPUY (1896-1974) et Auguste DURIEUX (1892-1952) ont été commandés. Ils représentent des vues du port d’Alger, du Sahara, et des paysages d’Afrique et d’Océanie. C’est donc Louis-Jean BEAUPUY, un peintre africaniste ayant été à Madagascar, qui est à la base du «Salon Colonial», célébrant l’Exposition coloniale du 6 mai au 15 novembre 1931, à la Porte d’Orée, au Bois de Vincennes, et donc sur le territoire du 12e arrondissement. La politique coloniale, notamment pour ses apports économiques, et l’exposition de Vincennes «doivent servir à donner aux Français conscience de leur “Empire”», dit lors du discours d’ouverture du 6 mai 1931, Paul RAYNAUD (1878-1966), Premier ministre. Ce salon, en raison des stigmates de la colonisation, a été renommé «Salon de la France d'outre-mer».
Pour l'histoire de cette mairie du 12e, à laquelle je suis particulièrement attaché et qui me tient à cœur, il y a beaucoup de choses, grandes ou petites, à raconter.
De nombreuses personnalités sont nées dans le 12e, arrondissement ou y résident, comme la réalisatrice et actrice franco-sénégalaise, Mme Mati DIOP, Ours d’or à Berlin pour «Dahomey», une revendication de la restitution des œuvres d’art chapardées par l’Empire colonial ; et avait déjà obtenu, en 2019, le Grand prix du festival de Cannes, pour «Atlantique», au sujet de la migration économique. Sa mère, Christine BROSSART est un photographe et son père, Wasis DIOP, né à Dakar, est chanteur et compositeur, installé à Paris. En 2022, Mati DIOP avait réalisé l'un des clips de campagne de Jean-Luc MELENCHON, pour l'élection présidentielle.
D’autres éminentes personnalités sont nées à Paris 12e, Eddy BARCLAY (1921-2005), éditeur, Philippe de BROCCA (1933-2004), réalisateur de films devenus cultes, tels que Cartouche , L'Homme de Rio ou encore Le Magnifique ; Richard BERRY, acteur, réalisateur et scénariste ;Jean-Luc BENNAHMIAS, un homme politique écologiste ; Pierre BACHELET (1944-2005), auteur-compositeur-interprète, avec sa chanson «Les Corons», ses parents étant du Nord ; Isabelle AUTISSIER, navigatrice et première femme à avoir remporté le tour du monde en solitaire, et Henri ANDRIEUX (1931-2008), coureur cycliste, un spécialiste des disciplines sur piste, avec une cinquantaine de victoires, dont trois fois champion de France.
À la veille de la Révolution de 1848, divers banquets avaient été institués pour provoquer un soulèvement populaire contre les forces conservatrices de la Monarchie. Du 5 décembre 1847 au 24 février 1848, c’est CAILLOUX qui a fondé le banquet de Paris 12e. Il avait estimé que le banquet de Château-Rouge, à Paris 18e, une simple opposition dynastique, ne visait pas la Révolution, mais uniquement un changement de personnes. Celui de Paris 12e se disait «réformiste», et donc ne visait à ériger la République, mais des réformes larges pour l’intérêt général. Cependant, Louis Philippe redoutait tout banquet politique, quelle que soit son orientation.
Comptant 140 000 habitants, le 12e arrondissement a connu de 1860 à nos jours, seize maires, dont le premier, Philippe-Louis DUPERIE-PELOU est resté dix ans, au pouvoir, soit jusqu’à la Commune en 1870. Albert SABOT et Gustave RABIET étaient des négociants de vins. Toutes les couleurs politiques ont été représentées tout au long de l’histoire, un Républicain modéré, un Radical, un UDF, des Socialistes (Mmes Michèle BLUMENTHAL et Catherine BARATTI-ELBAZ, comme une écologiste, Mme Emmanuelle PIERRE-MARIE, maire depuis 2020. L’alimentation bio, les plateaux en Inox, ainsi qu’un matériel de pointe ont été alloués à la restauration scolaire, une des meilleures de Paris.
A compter du 14 avril 1871, Paris, ville dangereuse et révolutionnaire, était géré par le Préfet du département de Paris. La première élection municipale a été organisée par la loi du 31 décembre 1975. La Droite parisienne avait toujours fait le grand chelem, à Paris, jusqu’en 1995, où trois arrondissements (XIXe, XVIIIe et XXe) avaient basculé à gauche, annonçant la victoire de Bertrand DELANOE en 2001. Dans le 12e Mme Catherine BARATTI-ELBAZ ne se représentait pas. C’est le Socialiste, M. Emmanuel GREGOIRE, premier adjoint d’Anne HIDALGO, qui avait remporté le 1er tour à la Mairie du 12e, avec 33,39%, mais c’est à la suite de négociations, cette mairie a été réservée aux écologistes, pour le deuxième tour, qui l’a gagnée à 54,97%. Emmanuel GREGOIRE du 12e arrondissement, ayant été élu député de Paris au 1er tour, se présentera aux municipales de 2026, à Paris. Auparavant, il y aura une primaire, en interne, entre lui et Rémi FERAUD, pour la mairie de Paris, le 13 mars 2025.
La population du 12e, un arrondissement équilibré de dynamique, a connu avec le temps d’importantes mutations démographiques et de grands travaux sous François MITTERRAND, y ont été réalisés dont l’Opéra Bastille inauguré devant 33 chefs d’État, à l’occasion du Bicentenaire de la Révolution française, le transfert du ministère des finances à Bercy. Le Palais omnisport de Bercy a été inauguré en 1984. Il jouxte un nouveau Parc, non loin de l’ancienne halle aux vins. L’école du Barreau, qui était à la rue de Charenton, où j’avais obtenu mon diplôme d’avocat, a été transférée à Issy-les-Moulineaux.
Un des grands souvenirs de ma vie, avec tout le personnel de la Caisse des écoles, sous Mme Catherine BARRATI-ELBAZ, c’est cette fête du personnel au Pachamama, un endroit magique.
Références bibliographiques
BA (Amadou, Bal), «Notre-Dame de Paris : Résurrection, pour une gigantesque cathédrale d’Amour et de Fraternité», Médiapart, 7 décembre 2024 ;
DANGIN (Edouard), Paris incendie. Album historique. Notice sur les monuments et rues incendiés, Paris, M. Jarry, Imprimerie nationale, 1871, 60 pages ;
FIERRO (Alfred), Histoire et dictionnaire de Paris, Paris, Robert Lafont, 1996, 1 590 pages ;
HILLAIRET (Jacques), Le douzième arrondissement de Paris, Paris, éditions de Minuit, 1972, 318 pages ;
MARECHAL (Sébastien), Le 12e arrondissement : itinéraire, histoire et architecture, Paris, Action artistique de la ville de Paris, 2000, 143 pages ;
MOREAU (Edmond), Guide-recueil Paris brûlé. Evènement de mai 1871, Paris, E. Dentu, 1871, 138 pages, spéc pages 128- 129 ;
ROINVILLE-LEPELLETIER, Histoire du banquet réformiste du 12e arrondissement de Paris, Paris, 1848, 39 pages ;
VESINIER (Pierre), Histoire de la Commune de Paris, Londres, Chapman et Hall, 1871, 394 pages.
Paris, le 28 janvier 2025, par Amadou Bal BA