Pour une agriculture locale et durable : n’envoyez pas les migrants, aidez-nous à embaucher !
Tous ces nouveaux acteurs de l’agriculture dans nos campagnes, je parle de ceux qui n’ont hérité d’aucune ferme, qui ont dû partir de zéro pour construire un nouveau modèle, ne sont pas aidés par l’État ni par la PAC et ce, depuis longtemps.
Je vis dans une ferme, mon compagnon est né en région parisienne, n’avait aucun lien avec l’agriculture et est parti, soutenu par des prêts énormes aux banques, dans cette aventure nouvelle de l’agricole. Il a commencé seul, ne pouvant embaucher. Il s’est usé au jour le jour à nourrir, produire et vendre avec cette idée, qui plaît à tous et notamment avec le Covid-19, que l’on peut se passer du grand monde de l’agroalimentaire.
À force d’épuisement et n’ayant jamais eu l’idée de fonctionner seul à vie, un apprenti est arrivé et a permis de nourrir les bêtes les jours de marché. Un laboratoire fait main (les clés en main étant un investissement exorbitant) a poussé dans la grange et il a fallu dans une ferme d’élevage faire le pari (insensé) d’embaucher un boucher, un ouvrier aux mains d’or qui méritait un vrai salaire. En attendant, mon compagnon ne gagnait rien et passait son temps à rembourser les banques. Quelle idée ! et souvent quand tous les week-ends il est absent car en train de vendre au marché, nos enfants ont rapidement demandé : Pourquoi papa n’est pas là ? Aucun week-end, des vacances prises suivant les années et jamais une semaine entière, une organisation familiale entièrement tournée vers la « réussite » d’une cause tellement belle et d’utilité publique !
Former une petite équipe a été la marche supplémentaire, s’entourer de gens pour arrêter de tout faire. Un vrai bonheur ! mais un coût réel du travail sans aide, sans ristourne, sans planification étatique et européenne. Je parle de cette ferme que je connais, mais tous les agriculteurs en vente directe qui m’entourent, qu’ils soient bios, durables ou raisonnés (raisonnables ?), sont épuisés, passent leur vie à tenir une chaîne formidable mais laborieuse du soin à la commercialisation. Ces gens sont formidables et réellement héroïques mais nous les tuons à petit feu. Je n’ai aucune envie de perdre le père de mes enfants parce qu’il aura continué de nourrir la société avant, pendant et après le Covid-19.
Nous le savons, les grandes entreprises sont réellement aidées et les PME qui emploient le plus de salariés finalement, toutes ces petites entreprises à taille humaine où chacun est respecté parce que connu, suivi, cette nouvelle famille au travail ne tiendra pas ! Nous ne souhaitons plus enrichir nos banques, les faire vivre d’une absence de trésorerie dont ils se gavent.
Juste avant la pandémie du Covid-19, cette ferme formidable qui fait tant rêver d’un système différent a été mise en redressement par la MSA pour avoir trop embauché et trop vendu. Voilà ! nous y sommes ! Et vous me direz : ce n’est pas grave maintenant vous allez vendre, les gens vont acheter local, ils ont compris ! –Oui ! mais ce système formidable et héroïque ne nécessite aucunement une arrivée de migrants qui voudraient bien s’infecter à notre place en ramassant nos fraises (industrielles pour beaucoup !), mais d’une véritable équipe avec des salaires à hauteur de l’utilité sociale. Alors j’ai rêvé que l’état prenait entièrement en charge l’effort de solidarité salariale et patronale, et qu’il permettait à toutes ces petites fermes (non industrielles et vivant pour la plupart avec des aides dérisoires de la PAC) de prospérer et d’embaucher décemment les gens. J’ai rêvé d’un mode où le travail n’était plus héroïque mais une façon de gagner sa vie normalement.