Indécence
Assis sur un petit banc blanc à l’entrée du magasin Emmaüs, il semble comme planté dans le décor. Normal qu’il soit là, sale, hagard ; après tout, c’est un magasin en partie pour les pauvres et au profit des pauvres.
Au mieux, on se contente de les imaginer en réglant nos emplettes. Et encore, pas toujours.
Enfin, ça gène de le voir là, à attendre on ne sait quoi, alors que nous, on cherche la perle rare presque gratis.
Elle, elle porte un manteau de fourrure. Ses ongles sont faits, sa coiffure, soignée. Elle farfouille nerveusement dans les vêtements pour hommes. Elle semble pressée. Peut-être un peu disjonctée, à parler toute seule…
« Vous allez avoir des vêtements bien chauds », lui lance doucement la vendeuse. Il reste impassible, comme trop englué dans sa mouise pour répondre. Elle sourit à la dame bien mise comme pour l’encourager à lui acheter ce manteau fourré.
Deux pulls pour 40 francs. Un pour mon homme, un pour moi. Sacrée affaire !
Quand je sors de la boutique, je me dépêche de refermer ma veste. Ça caille sec aujourd’hui.
A deux mètres de là, je le vois adossé au mur. Devant lui, la dame en fourrure tente d’extraire la dernière chaussette. Enfin, ce qu’il en reste.
Elle s’impatiente : « Dépêche-toi, je n’ai pas que ça à faire, moi ! »
Il lève un peu plus la jambe, blanche, pleine de cicatrices. Et là, un bout de son sexe brun apparaît.
Comme pour nous rappeler qu’il s’agit bien d’un homme.