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Billet de blog 9 novembre 2012

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Loi du 19 juillet 1793 sur le droit d'auteur

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Chronique « Un saut dans la loi » diffusée en novembre 2008 dans La Fabrique de l’histoire sur France Culture.

Le Sénat a adopté, le 30 octobre 2008, en première lecture, le projet de loi « Création et Internet », visant à lutter contre le téléchargement illégal sur le Web et à défendre les droits des créateurs. Le texte, qui sera de nouveau présenté à l'Assemblée avant la fin de l'année, institue une riposte graduée et stipule que l'internaute fraudeur reçoit deux avertissements avant la suspension de son abonnement à Internet. C'est l'occasion de revenir sur les prémisses du droit d'auteur avec la loi du 19 juillet 1793.

Depuis longue date et jusqu'à la Révolution, la propriété littéraire était régie par des privilèges royaux. Alors que la liberté d'impression était la règle commune, le roi octroyait un privilège à certains auteurs pour un temps donné et plus fréquemment aux éditeurs-imprimeurs, afin qu'ils soient récompensés de leurs investissements. L'idée qu'un texte appartienne à son auteur et à ses ayants droits va peu à peu faire son chemin, au cours du 18e siècle. Il s'agit alors de concilier l'esprit des Lumières, en assurant la diffusion des connaissances et en défendant la propriété publique, tout en garantissant des droits aux auteurs.
Avec l'abolition des privilèges, le 4 août 1789, un premier projet de loi présenté par Sieyès en 1790, veut que « la propriété d'un ouvrage soit assurée à son auteur par la loi ». En fait, c'est pour lutter contre les publications séditieuses, qu'il entend rendre responsables, plus que propriétaires, les auteurs. En pleine effervescence juridique pour élaborer un nouveau système politique, la question des droits des auteurs n'est pas une priorité. Le projet sera pour un temps abandonné.
Parallèlement, éclate l'affaire des auteurs dramatiques. Mandaté par une association d'auteurs, Beaumarchais entre en guerre contre la Comédie française et ses comédiens  qui s'arrogent le droit de jouer des pièces, sans reverser une partie des recettes aux auteurs. Ces derniers se mettent alors en grève et n'alimentent plus la Comédie en pièces nouvelles. La bataille va durer plus de 4 ans.
Le père du « Barbier de Séville » écrit à ce propos : « On dit aux foyers des spectacles qu'il n'est pas noble aux auteurs de plaider pour le vil intérêt, eux, qui se piquent de prétendre à la gloire. On a raison, la gloire est attrayante ; mais on oublie que, pour en jouir seulement une année, la nature nous condamne à dîner 365 fois ».
Finalement, le 24 août 1790, une pétition signée de 21 auteurs dramatiques est adressée au Parlement. Préparé par Mirabeau, un projet de loi sera présenté à l'Assemblée par le député Le Chapelier. Ce dernier déclare, je cite, « La plus sacrée, la plus légitime, la plus inattaquable, la plus personnelle de toutes les propriétés, est l'ouvrage fruit de la pensée d'un écrivain ». Les choses sont claires. Mais il ne manque pas d'insister sur la notion de propriété publique. En effet, les auteurs sont les serviteurs du bien public, au nom de l'accroissement des connaissances. Toujours cette noble idée des Lumières. Une première loi est votée le 13 janvier 1791. Elle consacre le droit de représentation. Alors que dit-elle ? Que les auteurs sont propriétaires de leur oeuvre jusqu'à leur mort et leurs ayants droits cinq ans après (il faudra attendre près d'un siècle, 1886,  pour que ce délai soit étendu à 50 ans). Passé ce délai, les ouvrages deviennent propriété publique.
On pourrait se dire que les choses sont réglées mais les directeurs de théâtre interprètent cette nouvelle loi à leur manière. A leurs yeux, elle ne s'applique qu'aux oeuvres futures. Les auteurs dramatiques montent de nouveau au créneau, rejoints cette fois par les compositeurs et les éditeurs de musique, qui signent eux aussi une pétition. Le 20 février 1793, le Comité d'instruction publique demande à l'écrivain Marie-Joseph Chénier de rédiger une loi contre les éditions pirates en tout genre. Elle sera présentée par Joseph Lakanal et votée sans discussion le 19 juillet 1793. Cette nouvelle loi consacre cette fois le droit de reproduction et ne se limite pas aux dramaturges. Elle stipule ainsi dans son article 1er  que « les auteurs d'écrits en tout genre, les compositeurs de musique, les peintres et les dessinateurs qui feront graver des tableaux ou dessins, jouiront durant leur vie entière du droit exclusif de vendre, faire vendre, distribuer leurs ouvrages dans le territoire de la République et d'en céder la propriété en tout ou en partie. »
Ainsi, la loi du 19 juillet 1793 qui vient compléter celle 13 janvier 1791, constitue la base du droit d'auteur moderne, lequel est de nouveau menacé aujourd'hui par le développement d'Internet.

On peut lire à ce sujet « Le sacre de l'auteur » de Bernard Edelman, paru au Seuil en 2004 et un article en ligne fort instructif sur les différentes batailles du droit d'auteur d'Anne Latournerie sur http://multitudes.samizdat.net/article.php3?id_article=168.

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