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Billet de blog 19 février 2017

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L'édit de 1667 et le lieutenant de police

Alors que l'agression par des policiers de Théo à Aulnay-sous-Bois, le 2 février, ne cesse de faire des remous, rappelons l'édit du 16 mars 1667 qui fonde la police au XVIIe siècle.

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Chronique "Un saut dans la loi", diffusée dans "La Fabrique de l'histoire" sur France Culture, le 17 février 2017.
https://www.franceculture.fr/emissions/la-fabrique-de-lhistoire/memoires-en-jeu-et-transbordeur-photographie

Alors que l'agression par des policiers de Théo à Aulnay-sous-Bois, le 2 février, ne cesse de faire des remous, rappelons l'édit du 16 mars 1667 qui fonde la police au XVIIe siècle.

Et oui, il y a 350 ans, presque jour pour jour, l'édit que présente Colbert à Louis XIV créée la charge de lieutenant de police mais surtout constitue l'acte fondateur de la police sous l'ancien régime. Le texte précise son champ, ses fins et ses moyens. Il affirme ainsi qu'elle « consiste à assurer le repos public et des particuliers, à purger la ville de ce qui peut causer des désordres, à procurer l’abondance et à faire vivre chacun selon sa condition et son devoir ». Pas mal ! L'historien Vincent Denis rappelle toutes les charges qui incombent au lieutenant de police de Paris et il a de quoi faire. Il est responsable de l’approvisionnement, de la santé, de la voirie, des assemblées illicites, du port d’armes, des métiers et des mœurs. Soit dit en passant ce puissant magistrat, nommé par le roi, est révocable « ad nutum », sur le champs donc. Nicolas de La Reynie, le premier lieutenant de police, va tout de même occuper le poste pendant 30 ans.
Bon, l'idée est de séparer la fonction de justice et celle de police, qui sera au service du roi. Le lieutenant de police fait fonction de ministre ou du moins de conseiller d’État et peut être consulté par le monarque à tout moment. En fait, on assiste à ce moment-là à un tournant sécuritaire. En même temps que le bon roi Soleil crée l'Observatoire de Paris, il entend surveiller ses sujets au plus près. N’oublions pas que La Fronde n’est pas loin et donc, Louis XIV multiplie les textes pour sécuriser son pouvoir. Ainsi, celui de 1682 entend envoyer les Bohémiens aux galères afin, je cite, de « purger le royaume de cette engeance malfaisante ». Un autre de 1713 s'attaque aux femmes débauchées pour combattre je cite encore « la débauche publique et la vie scandaleuse ».
Bref, il faut filer droit et donc le roi invente une police adéquate avec le lieutenant général de police. Une vigie précieuse qui va s'entourer de collaborateurs, tout d'abord dans la capitale du royaume. Les commissaires examinateurs au Châtelet deviennent des commissaires de police, répartis entre les 17 quartiers de Paris ; ils rendent compte quotidiennement de leur activité au lieutenant général. Nicolas de la Reynie compte aussi sur un réseau d'indicateurs rémunérés : les mouches, en liberté et les moutons, en prison.
Il peut aussi faire appel aux forces de l'armée, soit la maréchaussée, soit la garde de Paris (environ un millier de gardes aux portes et murailles de la capitale). Le chevalier du guet de Paris, aux ordres du lieutenant général de police, fournit ainsi le concours de 150 hommes.
Enfin, le lieutenant de police a autorité sur les prisons d’État (la Bastille par exemple) et les maisons de force. Grâce à lui, une direction des prisons parisiennes va se mettre en place au XVIII° siècle. Cette direction est en fait l'ancêtre direct de la Préfecture de police. Magistrat, le lieutenant préside au tribunal de police du Châtelet et y distribue une justice expéditive. Dans les prisons d’État, on est enfermé par lettre du roi, sans jugement. Il vaut mieux être en règle et bien pourvu... Une dizaine d'années avant l'édit de 1667, un texte avait créé l'hôpital général à Paris pour enfermer les mendiants et les vagabonds, mais aussi les aliénés, les filles dépravées ou les enfants fugueurs que les parents font enfermer pour "correction" moyennant le paiement d'une pension.
Tout ça pour vous dire que Louis XIV va instaurer une police efficace via la mise en place du lieutenant de police, lequel va bientôt être présent dans toutes les grandes villes du royaume. Ce système existera jusqu'à la révolution.

 On peut retrouver l'article de Vincent Denis sur l'édit de 1667 sur le site Criminocorpus (http://criminocorpus.revues.org/80) et lire son ouvrage, co-écrit avec Catherine Denys, « Polices d’Empires, XVIIIe- XIXe siècles », paru aux Presses Universitaires de Rennes, en 2012.

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