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Billet de blog 19 octobre 2012

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Loi du 1er août 1905 sur les fraudes et les falsifications

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Chronique "Un saut dans la loi", diffusée dans "La Fabrique de l'histoire" sur France Culture, le 12 octobre 2012

Loi du 1er août 1905 sur les fraudes et les falsifications

L'étude choc sur les effets des OGM sur les rats, conduite par le professeur  Séralini, a déclenché, le 19 septembre, une tempête médiatique et des réactions en chaîne dans la communauté scientifique. Le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, a déclaré vouloir revoir les procédures d'homologation des OGM au sein de l'Union européenne. C’est l’occasion d’évoquer la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes et des falsifications.

 En effet, parce que cette loi va jeter les bases générales d’un contrôle des denrées alimentaires. Dès 1851, un texte tente déjà de réprimer les fraudes mais sur l’aspect quantitatif plutôt que qualitatif. Plusieurs lois suivent pour encadrer les échanges de certains produits, en se souciant davantage de leur qualité, c’est le cas notamment du vin. A la suite des ravages du phylloxéra, ce puceron qui va détruire une grande partie du vignoble français à partir des années 1870, des vins que l’on nomme alors « artificiels » ou « infâmes » inondent le marché. Coupés à l’eau, fabriqués à partir de raisins secs, agrémentés de sucre, de colorants ou de sulfate de potasse, ils sont bon marché. Et les viticulteurs mènent bataille contre ces piquettes. Plusieurs lois viticoles, quatre entre 1889 et 1997, mettent  un peu d’ordre en interdisant certaines pratiques ou du moins en les définissant plus clairement.

Et puis, à la fin du XIXe siècle, l’urbanisation s’accélère et engendre un allongement des circuits d’approvisionnement. Le recours à des agents de conservation se généralise et une méfiance sur la qualité des produits grandit. Ainsi, d’autres lois apparaissent comme celles sur le beurre, en 1887 ou sur les engrais en 1888. Et c’est dans ce contexte que le ministre de l’Agriculture, Jules Méline, dépose un projet de loi en 1898 pour mettre en place un arsenal juridique général pour lutter contre les fraudes et les falsifications, qui reprend les principes déjà édictés dans les lois spécifiques votées jusqu’ici.

Comme le résume Gustave Trannoy, premier rapporteur du projet à la Chambre en 1904 : « Quand un homme a pris le matin à son premier déjeuner du lait conservé par de l’aldéhyde formique, quand il a mangé à son déjeuner une tranche de jambon conservé par du borax, des épinards verdis par des sulfures, quand il a arrosé cela d’une demi-bouteille de vin plâtré à l’excès, et cela pendant vingt ans, comment voulez-vous que cet homme ait encore un estomac? » Vu sous cet angle, c’est sûr qu’il y a urgence à réglementer un peu les produits… D’autant que les études de certains laboratoires municipaux et notamment celui de Paris, font scandale. Ainsi, le député radical socialiste Albert Sarraut évoque lors des discussions un rapport qui constate que 40 000 enfants succombent chaque année en raison de la falsification du lait.

Mais ne nous y trompons pas, comme me le rappelait l’historien Pierre-Antoine Dessaux, cette loi vise avant tout à garantir aux producteurs les conditions d’une concurrence loyale avant de se soucier de la santé des consommateurs. Il n’est pas question d’entraver la liberté du commerce, ni de définir des normes minimales comme aux Etats-Unis mais de réprimer les pratiques frauduleuses les plus néfastes. Encore faut-il les prouver. Or, à cette époque, se développent les expertises chimiques et agronomiques et cette loi de 1905 entend les standardiser. Les adversaires de la loi vont pointer du doigt les incertitudes qui règnent encore en la matière. Ainsi, le député de la Seine Georges Berry s’en prend aux chimistes : « dont les théories, je cite, sont tous les jours, combattues par leurs confrères eux-mêmes ». A l’opposé, les socialistes, très minoritaires, réclament à l’instar d’Edouard Vaillant, une véritable « police alimentaire » qui fixerait une fois pour toutes des normes pour tous les produits. Ce ne sera évidemment pas le cas.

La loi votée le 1er août 1905 s’en tient à des principes généraux à respecter mais prévoit des sanctions parfois lourdes. Ainsi, l'article premier de la loi de 1905 punit d'une peine d'emprisonnement de trois mois à deux ans et (ou) d'une amende de 100 à 5 000 francs « quiconque aura trompé ou tenté de tromper le contractant », sur la nature ou sur l’origine des marchandises. Les jugements sont placardés sur la devanture des magasins. Autant dire que la loi est suffisamment répressive pour être dissuasive. C’est le but recherché.

Mais la grande innovation de cette loi me signalait Pierre-Antoine Dessaux réside dans son article 11 qui stipule que « des règlements d’administration publique statueront sur les mesures à prendre pour assurer l'exécution de la présente loi ». En d’autres termes, on prévoit que des décrets affineront la loi et qu’un service de répression des fraudes sera mis en place. Et c’est le cas, une série de textes sont votés dans la foulée qui définissent les techniques d’analyse et de prélèvements et des commissions composés de professionnels, de scientifiques et de fonctionnaires s’attachent au cas de différents produits (boissons, chocolaterie, charcuterie ou conserves par exemple).

Quant au service de répression des fraudes, il voit le jour deux ans plus tard. Par la suite, des congrès internationaux, pilotés par les Français, se tiennent sous l’égide de l’association La Croix Blanche qui rassemblent scientifiques et commerçants  pour promouvoir la nouvelle réglementation française en quête de « l’aliment loyal » et de la définition de « l’aliment pur ». Vaste programme !

On peut lire notamment « Histoire de la consommation » de Marie-Emmanuelle Chessel paru en début d’année à La Découverte, dans la collection Repères et  l’article de Pierre-Antoine Dessaux dans « Au nom du consommateur », sous la direction d’Alain Chatriot, Marie-Emmanuelle Chessel et de Matthew Hilton, paru en 2005 à La Découverte.

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