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Billet de blog 28 février 2012

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Loi du 12 juin 1893 sur l'hygiène et la sécurité des travailleurs de l'industrie

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Loi du 12 juin 1893 sur l’hygiène et la sécurité des travailleurs

Chronique Un saut dans la loi, diffusée le 25/11/2011 :

http://www.franceculture.fr/emission-la-fabrique-de-l-histoire-histoireactualites-du-vendredi-251111-2011-11-25

Fin octobre, la cour d'appel de Douai a décidé de revoir à la baisse l'indemnisation de certaines victimes de l'amiante, s’appuyant sur un arrêt de la Cour de cassation de 2009 baissant de moitié le barème des indemnisations. En conséquence, 300 personnes du Nord-Pas-de-Calais devront, très probablement, rembourser des sommes allant de 5.000 à 15.000 euros. C’est l’occasion de revenir sur la loi du 12 juin 1893 sur l’hygiène et la sécurité des travailleurs dans les industries.

Ce n’est pas une loi spécifique à l’amiante mais c’est un des premiers textes à mentionner les méfaits des poussières dans les établissements industriels et à préconiser leur évacuation. A ce moment là, la IIIe République est en pleine effervescence législative en matière sociale. La loi du 8 juillet 1890 instaure par exemple dans les mines des délégués à la sécurité. Celle du 2 novembre 1892, après 6 ans d’intenses discussions, améliore la protection du travail des femmes et des enfants, en interdisant le travail de ces derniers avant 13 ans. Cette même loi va instaurer au niveau national un corps d’inspecteurs du travail. On discute aussi des accidents du travail depuis que le républicain Martin Nadaud a déposé un projet de loi en 1880. La loi ne sera votée que 18 ans plus tard. Bref, on se soucie du sort des ouvriers, d’autant que certaines catastrophes comme l’explosion d’une cartoucherie au Mont Valérien ont fait grand bruit, si j’ose dire.

C’est à cette époque comme le rappelle l’historienne Caroline Moriceau que « l’hygiène industrielle », soucieuse d’améliorer l’environnement de travail des ouvriers, devient un problème politique. Portée par les milieux ouvriers, elle est aussi défendue par quelques industriels éclairés, tels Frédéric Engel-Dollfus qui crée « la Société industrielle de Mulhouse » en 1850. Pour ce dernier, « le patron doit plus à l'ouvrier que son salaire. Il est de son devoir de s'occuper de la condition morale et physique de ses ouvriers ». L’accent doit être mis sur la prévention. Des associations de ce type voient le jour comme celle de Rouen en 1879 ou de Paris en 1883, qui compte 4000 adhérents employant 400 000 ouvriers. Ces associations instituent des visites d’ingénieurs-inspecteurs dans les usines et préconisent des mesures pour limiter les risques d’accidents. Comme le note Jaques Le Goff, si les entreprises auto-organisent la prévention, c’est aussi pour devancer toute intervention de l’Etat en la matière. Quoiqu’il en soit, une loi va tout de même être votée le 12 juin 1893 qui étant des mesures préventives, déjà existantes pour les femmes et les enfants, à tous les travailleurs et à tous les établissements industriels. Cette loi marque un tournant dans la mesure où elle esquisse pour la première fois un droit de la sécurité au travail. Complétée par un décret du 10 mars 1894, elle définit des règles d'aération, de propreté, de chauffage, d'éclairage et d'équipements sanitaires, qui doivent garantir la sécurité des travailleurs. Elle précise encore les sanctions encourues en cas d’inobservation de ces règles : après plusieurs mises en demeure, l’établissement peut être fermé. Enfin, dans les faits, les inspecteurs du travail ont bien du mal à faire appliquer la loi, il faut dire qu’ils ne sont qu’une centaine en 1893. Mais enfin, ils s’investissent dans leur lourde tâche.

C’est l’un d’entre-eux, Denis Auribault qui, en 1906, va mettre en avant les risques mortels de l’amiante dans une usine de filature du Calvados, ouverte en 1890. Il dénonce alors la non application de la loi de 1893 ; Je le cite : «Au cours des cinq premières années de marche, aucune ventilation artificielle n’assurait l’évacuation directe des poussières siliceuses produites par les divers métiers ; cette inobservation totale des règles de l’hygiène occasionna de nombreux décès dans le personnel : une cinquantaine d’ouvriers et d’ouvrières moururent dans l’intervalle précité ».

Il faudra tout de même attendre 1997, soit près d’un siècle après son étude pour que l’amiante soit enfin interdit.

On peut lire « Les douleurs de l’industrie. L’hygiénisme industriel en France 1860-1914 », de Caroline Moriceau, paru en 2009 aux éditions de l’EHESS. Et « La santé au travail 1880-2006 » de Stéphane Buzzi, Jean-Claude Devinck et Paul-André Rosental, paru en 2006 à La Découverte.

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