« Contre l'extinction, la rébellion! » Une cinquantaine de personnes ont occupé ce dimanche 27 février le stand de la FNSEA, au deuxième jour du Salon de l'agriculture qui se tient Porte de Versailles à Paris. La Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles, acteur majeur du Salon et de la politique agricole française, était prise pour cible par le collectif Extinction Rébellion. Celui-ci dénonce « les ravages de l'agriculture intensive que le syndicat défend avec acharnement ».

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Devant les membres de la direction de la FNSEA présents sur place, interloqués et pris d'une grande nervosité, plusieurs activistes se sont accrochés en grappes avec des cadenas de vélos. Une action non violente, rythmée par des chants et des slogans hostiles à l'agriculture productiviste. Agentes et agents de sécurité du Salon n'ont pas tardé à arriver, suivis de près par les forces de police. Aussi nombreux que les personnes mobilisées, ils ont petit à petit quadrillé l'espace pour éloigner le plus possible le regard des curieux et brusqué au passage des journalistes présents sur place. A la fin de l'action, 38 personnes ont été interpellées, puis relâchées.
« On est venu chercher la FNSEA dans son royaume pour dénoncer la violence qu'elle exerce sur le vivant, explique Sébastien, l'un des militants, à l'issue de l'action. Avec l'élevage intensif qu'elle défend coûte que coûte, avec son attachement aux pesticides qui provoquent des cancers et l'effondrement de la population des insectes, avec son opposition à toute réforme de l'agriculture et de la PAC [Politique Agricole Commune], la FNSEA bloque toute possibilité de transition. Pendant une journée, nous avons bloqué son lobbying. »
Le poids de la FNSEA dans l'agriculture française, ses pratiques contestables, Mediapart s'y intéresse depuis longtemps. Il y a deux ans, au moment où se tenait la dernière édition du Salon de l'Agriculture, nous publiions une enquête qui allait faire beaucoup de bruit. En trois volets, nous y racontions le train de vie des membres de la direction de ce syndicat qui assure défendre les intérêts des agricultrices et agriculteurs - le directeur général touche un salaire supérieur à celui du ministre de l'agriculture -, nous y décriviions un mécanisme de transfert de cotisations obligatoires des employeurs agricoles vers les caisses du syndicat, et nous nous plongions dans les comptes d'un autre fonds au bénéfice de la FNSEA, celui des œuvres sociales des salariés agricoles.
Ces informations, inédites, avaient fait le tour des médias, jusqu'à des titres plutôt favorables au syndicat, comme La France Agricole. Et Christiane Lambert, la présidente de la FNSEA, avait été interpelée à plusieurs reprises sur le sujet, notamment dans La Matinale de France Inter, L’invité de l’économie de Radio Classique et La Matinale de BFM/RMC. « Nous assumons la politique salariale de nos dirigeants, nous avons besoin d‘experts de haut niveau », avait-elle notamment assuré au micro de France Inter.
Dans leur ouvrage, L'expropriation de l'agriculture française, publié l'an dernier aux Editions du Croquant, les chercheurs Matthieu Ansaloni et Andy Smith, décrivant les classes dominantes du champ agricole, écrivent à propos de la FNSEA : « Loin d'assurer la défense des agriculteurs, les édiles syndicaux favorisent le déclassement de la majorité d'entre eux au profit d'une fraction ascendante. »
Le ministère de l'agriculture finira-t-il par en prendre conscience ? Ou va-t-il continuer de travailler de concert avec une organisation qui ne représente qu'une toute petite partie du monde agricole ? Avec les voix du syndicat frère des Jeunes Agriculteurs, le duo JA-FNSEA ne totalisait en effet en 2019 que 55 % des suffrages aux élections des chambres d'agriculture, pour une participation s'élevant à moins de 47 %. A ces élections sont appelées à voter près de 390 000 exploitantes et exploitants. Mais les quelque 660 000 personnes salariées du secteur agricole - selon les chiffres du dernier recensement - n'y sont pas représentées.