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Billet de blog 6 mai 2015

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Etats-Unis. Portrait d'un jeune en lutte contre les violences policières

 Pendant plus de cent vingt jours, Larry Fellows III, 29 ans, Noir, s’est mobilisé pour rendre justice à un autre jeune Noir, Michael Brown, abattu par un policier blanc à Ferguson. En quelques mois, Larry est devenu une icône de la société civile et des groupes jeunes d’Amnesty International USA.

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 Pendant plus de cent vingt jours, Larry Fellows III, 29 ans, Noir, s’est mobilisé pour rendre justice à un autre jeune Noir, Michael Brown, abattu par un policier blanc à Ferguson. En quelques mois, Larry est devenu une icône de la société civile et des groupes jeunes d’Amnesty International USA.

Larry Fellows III d’une marche à l’autre

«Je suis un homme noir. Je suis jeune, pas aussi jeune que Mike Brown, mais jeune. Et je marche beaucoup dans les rues du comté de Saint-Louis, seul ou avec des amis. En grandissant, mes parents ont eu avec moi cette fameuse discussion sur ce que je devais faire si j’étais arrêté par la police. Pourquoi des parents noirs doivent-ils toujours avoir cette conversation avec leurs enfants ? » Nous sommes le 9 août 2014, Larry Fellows III marche dans la rue, les yeux rivés sur son portable. Twitter vient d’annoncer la mort de Michael Brown, ce jeune Noir de 18 ans, abattu de six balles par un policier blanc en pleine rue, à Ferguson, alors qu’il n’était pas armé

Larry a grandi à Saint-Louis. Issu de la classe moyenne, il est diplômé de Hazelwood East, porte fièrement une casquette à l’effigie du club de baseball des Cardinals et entreprend des études de design à l’université, avant d’intégrer une compagnie d’assurance-santé. « Je n’avais pas l’intention de devenir un activiste. Le soir du drame, j’ai simplement souhaité me rendre à une veillée tenue par la famille de Mike Brown pour leur témoigner mon soutien ». Choqué, abasourdi par la violence de la répression policière qui s’abat dans les rues dès cette première nuit, Larry prend un congé et s’engage pour, dit-il, « défendre notre droit à élever nos voix pacifiquement ».Chaque jour, il alimente les réseaux sociaux, distribue de la nourriture, de l’eau, du matériel de protection contre les gaz lacrymogènes : « Du haut de leurs blindés, ils nous disaient : “S’il vous plaît, retournez chez vous’’. Mais c’était chez moi ».

Face aux grenades explosives et aux M-16 pointés sur lui, Larry s’interroge : « Pourquoi ne voulaient-ils pas que nos voix soient entendues ? Ça m’a ouvert les yeux sur la façon dont nous étions considérés par le système et l’importance d’exercer nos droits, de pouvoir manifester pacifiquement dans les rues ». Sollicité par les bénévoles d’Amnesty venus surveiller les manifestations et leur encadrement par les autorités, il les aide à entrer en contact avec la communauté noire et assiste aux stages d’action non-violentes : « La police venait chaque jour avec des tactiques différentes. Nous avions besoin d’une stratégie. Je voulais que les officiers censés nous servir et nous protéger respectent nos droits. La voix de la communauté doit prévaloir sur la manière dont elle est contrôlée. Et la couleur de ma peau ne devrait pas être considérée comme une menace ou justifier l’usage des armes ».

Le 23 octobre, le rapport d’Amnesty USA dénonce très largement les méthodes utilisées contre les manifestants et la militarisation de la police. Le 5 mars 2015, alors que le département de justice américain disculpe le policier Darren Wilson, une enquête accablante1 révèle le racisme omniprésent et routinier de la police de Ferguson, entraînant dans son sillage une succession de démissions au sein des services de la municipalité. Dans une ville où 67 % de la population est noire, 85 % des voitures arrêtées par la police ces deux dernières années étaient conduites par les Noirs, de même que 93 % des personnes arrêtées et 90 % des personnes condamnées à des amendes. « La seule explication en sont les préjugés racistes », indique le ministre. Quatre reporters ont quant à eux assigné en justice la police de Ferguson pour voies de fait, arrestations injustifiées et fouilles sans motif.

« Ce mouvement a été créé sur la base du droit fondamental à être traités et respectés en tant qu’êtres humains et citoyens de première classe des États-Unis. Nous voulons marcher dans la rue et être capables de conduire sans être harcelés », conclut Larry qui, depuis décembre dernier, jeune leader d’Amnesty USA, a emménagé à New York.

Le 7 mars, il défilait fièrement à Selma pour commémorer les cinquante ans du Bloody Sunday2 : « J’étais assis près de la scène où le président Obama donnait son discours et j’ai réalisé que Ferguson était devenu un symbole. Au-delà la douleur, je tire du positif de tout ceci. Je veux que le monde sache que la vie des Noirs compte (#BlackLivesMatter). La violence policière contre les jeunes des quartiers noirs est devenue un débat national aux États-Unis et au-delà. Voir mon peuple uni se battre pour les mêmes valeurs a été une source d’inspiration ».

Cyrielle Baldelli

 1/ Ce rapport, de 105 pages, du ministère de la Justice, basé sur des centaines d’entretiens, a passé en revue quelque 35 000 pages de rapports policiers et autres documents.

2/ Le 7 mars 1965, lors d’une marche de Selma à Montgomery pour les droits civiques, 600 manifestants ont été attaqués par la police locale avec des matraques et du gaz lacrymogène. Voir également le portrait de Joan Baez en dernière page.

Cet article est extrait de La Chronique de mai 2015.

Retrouvez le dossier complet consacré à la peine de mort ici

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