Le Maroc accueille à Marrakech, jusqu’au 30 novembre, le deuxième Forum mondial des droits de l'homme. Paradoxe, alors que des centaines de représentants et d’experts provenant d’une centaine de pays, sont attendus pour faire le point sur les enjeux des droits humains dans le monde, au Maroc même, des limites sont imposées aux associations qui osent critiquer un régime dont le bilan en matière de droits humains s’alourdit chaque jour.

Jeunes militants d'Amnesty International Maroc (c) AI Maroc
Amnesty International est confrontée à des restrictions depuis le lancement de sa campagne mondiale pour l'abolition de la torture, il y a quelques mois.
Pour la première fois depuis 1993, les autorités marocaines ont essayé de limiter les activités d'Amnesty International en faveur des droits humains dans leur pays. En septembre 2014, le camp de jeunesse organisé annuellement à Bouznika, près de Rabat, a été interdit par les autorités bien toutes les démarches requises pour les informer aient été effectuées. Un mois plus tard, les autorités refusaient de laisser entrer sur le territoire marocain une délégation d'Amnesty International qui souhaitait recueillir des informations sur la situation des migrants et réfugiés. Puis, en novembre, une autre visite a été annulée après que les autorités ont sollicité la tenue de réunions préalables à Rabat afin de définir cette mission. AI n'avait pas connu de telles contraintes dans le cadre de son travail de recherche sur les violations des droits humains dans ce pays depuis son expulsion en 1990. Il avait fallu attendre trois ans pour être de nouveau autorisé à se rendre sur le territoire marocain.
Les associations de défenses des droits humains marocaines et sahraouis dans le collimateur
De nombreuses associations marocaines ont décidé de boycotter le Forum. Parmi elles, l'Association marocaine des droits de l'homme (AMDH), dont un événement public organisé sur le thème « médias et démocratie », qui devait se tenir à la Bibliothèque nationale du Maroc, à Rabat, a été interdit et également interdite, la réunion de la ligue privée de la LMDDH qui devait se tenir toujours à Rabat, a été interdite également. En juin et juillet dernier, Oussama Housne et WafaeCharaf, deux membres de l'AMDH ont été déclarés coupables d'affirmations mensongères pour avoir déclaré que des inconnus les avaient enlevés et torturés pour avoir participé à des manifestations pacifiques. Condamnés respectivement à trois et deux ans de prison, ils se trouvent toujours derrière les barreaux.
Victimes de restrictions aux libertés d’association et d’expression au Sahara occidental, huit groupes sahraouis, dont l'Association sahraouie des victimes des violations graves des droits de l'homme commises par l'État marocain (ASVDH) et le Collectif de défenseurs sahraouis des droits de l'homme (CODESA), ne participeront pas non plus au Forum.
Les autorités marocaines s’abritent derrière des motifs administratifs qui ont vite fait d’être démontés. Par contre, ces restrictions surviennent après que le ministre de l'Intérieur a déclaré au Parlement, le 15 juillet dernier, que «certaines associations et entités marocaines agissent sous couvert de défense des droits humains », mais accusent en réalité délibérément les forces marocaines de sécurité de violations des droits humains sans fondement dans le but d'« amener certaines des organisations internationales à adopter une position hostile à l'égard des intérêts du Maroc ». Il a précisé que ces intérêts incluaient « sa souveraineté territoriale », faisant ainsi semble-t-il référence aux revendications territoriales contestées du Maroc sur le Sahara occidental.
En imposant des restrictions aux associations critiques sur la situation des droits humains dans le pays et au Sahara occidental, en entachant la réputation et le travail de ces associations, le gouvernement marocain compromet les débats et les conclusions du Forum. Surtout Il renvoie surtout un message qui ne peut qu'éveiller la suspicion sur ce qu’il cherche à nous cacher et des inquiétudes sur l’état et l’évolution des libertés civiles dans ce pays.