
Agrandissement : Illustration 1

« Voici mon témoignage, écrit en septembre 2024 pour que cela serve à d'autres couples binationaux.
Mon mari est entré en France légalement suite à notre mariage au Nigeria en décembre 2020, transcrit en février 2021 et il est arrivé en avril 2021. Il a suivi les cours de l’OFII pendant 6 mois car il est anglophone. Puis il a travaillé en CDD 1 an et demi et a continué en CDI en hôtellerie, un métier en tension.
Pour l'instant, il a obtenu la conversion de son visa en titre de séjour d’1 an, puis un titre de séjour temporaire d’1 an, puis encore d’1 an. Jusqu'à présent, les rendez-vous se faisaient en préfecture. Au dépôt du dossier, on nous donnait un récépissé et nous n’avions ainsi pas de problème concernant son travail ou ses droits.
En mars 2024, nous avons déposé sur le site de l’Anef tous les documents pour renouveler son titre de séjour qui se terminait en juin 2024. Le renouvellement ne se fait plus en préfecture mais sur ce site. Nous nous y sommes pris 3 mois et demi à l’avance. Début juin, l’employeur de mon mari lui réclame son nouveau titre de séjour, mais le dossier est toujours en dépôt. J'appelle l’Anef qui me dit que tant que le dossier est en dépôt et non en instruction, il n'est pas possible d’obtenir une attestation de prolongation de son titre de séjour. Nous recevons une deuxième lettre de l’employeur, et 2 semaines avant la péremption du titre de séjour, nous sommes très inquiets car il risque de perdre son travail en CDI.
J’appelle les délégués de la Défenseure des droits autour de chez moi. Les délais étant trop longs pour avoir un rendez-vous à temps, une secrétaire a accepté de me donner exceptionnellement le numéro de téléphone d’un avocat qui travaille avec eux. Je le contacte et il s’occupe de notre affaire. Nous l’avons payé 800 euros et nous avons obtenu une attestation de prolongation de 3 mois, avec une prise en charge par l'État des frais d’avocat de 300 euros.
Sans avocat, il aurait perdu son travail et serait depuis juin en illégalité sur le territoire. Il n’aurait pas la possibilité de s’inscrire à France travail et aurait perdu tous ses droits. C'est inadmissible. J'ai écrit un mail à Mr Gabriel Attal, Premier ministre à l’époque. Je n'ai pas eu de réponse. Entretemps, Monsieur Macron avait mis en place les élections, etc. À BFM télé, ils parlaient de Gabriel Attal qui voulait régulariser les sans-papiers qui travaillent. J’ai envoyé un mail, resté sans retour. L’avocat nous a dit que beaucoup de familles perdent tout : le travail, leurs droits, et se retrouvent dans des situations difficiles. Quelquefois le mari travaille et non l’épouse, et ils ne peuvent plus payer loyer et factures.
Nous avons reçu l’attestation 1 mois après la décision de justice : le titre de séjour était périmé. J’ai appelé l’employeur qui a accepté d’abord de suspendre le contrat de mon mari pour un mois, mais pas plus. Entretemps, la direction de l’hôtel où travaille mon mari a fait une réunion de crise, car ils étaient en manque de personnel. Imaginez, en plein Jeux Olympiques ! Mon mari et certains de ses collègues se retrouvaient sans titre de séjour ni attestation de prolongation. Ils ont décidé de faire travailler mon mari sans papiers et ont pris la responsabilité de cela. Pendant 1 mois, mon mari s’est retrouvé hors la loi sur le territoire français. Il était terrorisé à l’idée de se faire contrôler. J'ai demandé à mon mari d’aller travailler avec, sur lui, la copie de la requête en justice, en cas de contrôle. Son travail, c'est entre la Tour Eillel et l’Arc de Triomphe et cela s’est passé cet été pendant les jeux olympiques : imaginez, la Police partout ! L’avocat nous a dit que si l’employeur le laisse travailler sans titre de séjour ni récépissé en attendant la réponse de la justice, alors il peut y aller. Puis la Justice a ordonné à la Préfecture de lui délivrer en urgence un récépissé. Il a eu droit à 3 mois.
Le 22 octobre 2024 prochain, cette attestation chèrement acquise sera périmée et nous devrons nous battre pour en obtenir une autre car à l’heure actuelle, le dossier de mon mari n’est toujours pas en instruction. On recommencera car bientôt, son employeur va lui envoyer une lettre. Les Jeux Olympiques sont terminés, il ne prendra peut-être plus de risque. Voilà ce qui se passe pour mon mari, ses collègues et beaucoup de personnes en France qui se retrouvent en attente d’un récépissé ou d’une attestation de prolongation qu’on ne leur délivre pas, en attendant que leur dossier soit “en instruction”.
Merci de nous avoir lus. »
Un témoignage recueilli par le collectif des Amoureux au ban public Strasbourg, octobre 2024
Ce couple avait déjà témoigné pendant la crise sanitaire, et apparaît dans la vidéo Loving Day 2020, éditée par les Amoureux au ban public et le réseau européen ENB : regarder en cliquant ici