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Billet de blog 24 décembre 2020

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Couples binationaux : parcours d’obstacles

Abdoul rencontre Anaïs alors que, se croyant en règle, il risque l’expulsion. Mais la ténacité du couple est plus forte que les embûches !

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Illustration 1
Abdoul et sa fille © Photo Anaïs

Ils se rencontrent en dansant la zumba. En mai 2014, Abdoul, originaire du Burkina-Faso, est en France depuis quelque temps. Il enseigne les danses africaines traditionnelles dans une association culturelle fondée par un de ses compatriotes. Cette association propose des cours dans différents quartiers de Strasbourg et jusque dans des petits villages du vignoble alsacien. Anaïs est professeure des écoles. Ils font connaissance, petit à petit… et puis, ils tombent amoureux.

Abdoul est arrivé en France avec un visa de trois mois. Depuis, il pense être en règle avec l’administration française, par l’intermédiaire de l’association pour laquelle il travaille depuis son arrivée en France, avec pour seul salaire le gîte et le couvert. Comme il a égaré son titre d’entrée en France, il se rend à la Préfecture sur les conseils d’Anaïs et en sa compagnie, pour se renseigner… Mais une mauvaise surprise l’y attend : il n’existe aucune trace informatique de son dossier. En fait, Abdoul réalise, face au guichet, qu’il n’a pas d’existence administrative en France. Rien n’est en règle et il faut bien se rendre à l’évidence : Abdoul est tombé sur des employeurs sans scrupules qui, non contents de le faire travailler à toute heure et aux quatre coins du département, n’ont pas non plus tenu leurs promesses et n’ont pas effectué les démarches nécessaires à son séjour régulier en France.

Un comble : lorsqu’Abdoul fait la demande de son acte de naissance au Burkina-Faso, le document expédié parvient… à son ex-employeur ! Et il a bien du mal à récupérer le papier ! Un coup de fil au consulat du Burkina-Faso le plus proche, à Belfort, plonge le jeune couple dans l’anxiété : les services consulaires conseillent à Abdoul de retourner dans son pays pour y demander un visa de long séjour en France... tout en précisant qu’il aurait très peu de chances d’y revenir un jour !

Des preuves de vie commune

C’est alors qu’Anaïs, paniquée, entend parler de La Cimade et des Amoureux au ban public. Elle prend rendez-vous et se rend à une permanence pour se faire aider dans les démarches. « Nous voulions nous pacser. Déjà, cela nous a fait un bien fou de nous rendre compte qu’il y avait quelque part des personnes qui pourraient peut-être nous aider. On nous a expliqué alors que, pour qu’Abdoul puisse faire une demande de carte de séjour, nous devions avoir au minimum un an de vie commune… mais qu’il fallait également prouver cette vie commune par des preuves tangibles ! ». Le pacs est signé en décembre 2014. Le couple se focalise alors sur la collecte de ces fameuses « preuves ». Factures d’électricité et d’eau aux deux noms, achats quotidiens, le réflexe est vite adopté : toutes les preuves, signes matériels d’une vie à deux, sont soigneusement conservées dans une boîte, prêtes à témoigner. « Nous avons passé plus d’une année dans la peur d’être interpellés dans les transports ou dans la rue. Nous sortions au minimum. Mais finalement, nous avons eu de la chance, il n’y a jamais eu de contrôle… »

Le temps passe, la peur au ventre.

En décembre 2015, un dossier de demande de régularisation est enfin déposé à la Préfecture. Abdoul est désormais « protégé », il n’a plus besoin de se cacher et peut entreprendre quelques activités. Il suit des cours de français, s’inscrit dans un club de foot… « Mais il n’avait toujours pas le droit de travailler, le temps lui semblait long, il avait besoin de bouger », se souvient Anaïs.

L’année 2016 s’annonce plus positive. En juin, Abdoul est convoqué à la Préfecture où il apprend qu’il va être régularisé. Le 16 décembre 2016, arrive Lili, leur premier enfant. S’ensuivent encore divers tests médicaux, d’examens de langue française… Ce n’est qu’en février 2017, cependant, que lui sera enfin accordé le droit de travailler en France, avec une carte de séjour d’un an.

Abdoul et Anaïs ont maintenant deux enfants. Abdoul a obtenu entretemps une carte de résident de 10 ans. Il envisage de demander la nationalité française. Et pourquoi pas un projet de mariage ?

Les Amoureux au ban public, collectif Strasbourg, novembre 2020
Un témoignage recueilli par Myriam Niss

PACS : pacte civil de solidarité

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