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L’impact de la loi immigration sur les couples binationaux et familles binationales
par le groupe plaidoyer des Amoureux au ban public, 06/2024
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Nous, couples binationaux et familles binationales, refusons toute #discrimination fondée sur la #nationalité
Au fil des années, nous mesurons l’écart qui grandit, au plus intime du couple, entre la personne de nationalité étrangère – précarisée, désignée comme dangereuse – et la personne de nationalité française – vue comme légitime. La promulgation de la loi le 26 janvier 2024, validée partiellement par le Conseil constitutionnel, acte un recul des droits inédit. En attendant les décrets d’application et en l’état actuel de nos connaissances, nous alertons sur le fait que certains articles de la loi risquent d'impacter fortement la vie des couples binationaux et des familles binationales. Voici ce que nous avons relevé :
1. Droit au séjour fragilisé
→ Nouveaux motifs de refus ou retrait des cartes de séjour temporaires (1 an) et cartes pluriannuelles (2 à 4 ans)
La préfecture peut refuser la délivrance, le renouvellement d'un titre de séjour ou le retirer, entre autres si la personne n'a pas exécuté une OQTF dans le passé, ou si elle a commis des faits qui l’exposent à une condamnation pénale (usage de faux documents par exemple).
→ Nouvelles conditions d'accès aux cartes pluriannuelles (2 à 4 ans)
Il faut justifier d'un niveau A2 en langue française et s'engager à respecter les valeurs de la République (nous ne savons pas encore concrètement comment cela va s'appliquer).
• Comme on ne peut renouveler sa carte temporaire de 1 an que trois fois, on dispose au maximum de 3 ans pour obtenir le niveau A2 oral et écrit.
→ Nouveaux motifs de retrait ou refus des cartes de résident·e (10 ans)
La préfecture peut retirer ce titre de résidence à toute personne qui constituerait une menace grave pour l’ordre public.
La préfecture peut refuser de renouveler ce titre de résidence si la personne de nationalité étrangère ne justifie pas d’un niveau B1 en langue française (décret d'application à venir) et d’une résidence habituelle en France.
• Si un couple réside temporairement à l’étranger, ou s'il effectue des déplacements hors de France, il est conseillé de rassembler et conserver toutes les preuves de leur résidence en France.
2. Éloignement facilité et double peine renforcée
« Le risque d’arbitraire et d’atteintes au droit au respect de la vie privée et familiale, ou à l’intérêt supérieur de l’enfant, apparaît ainsi majeur. » Avis n° 23-07 du 24/11/2023 de la Défenseure des droits, p. 10
→ Allongement de la durée des OQTF
Les OQTF sont désormais exécutoires pendant 3 ans (contre 1 an auparavant).
• Une OQTF prononcée en 2022 n'était plus exécutoire en 2023... mais le redevient jusqu'en 2025 depuis la loi immigration.
• La durée d'1 an avait été inscrite dans la loi n° 2003-1119 (suite décision CE 256808 : « durée [d'exécution] anormalement longue »).
→ Suppression des protections contre l’éloignement
OQTF, arrêté d’expulsion, IRTF et ITF peuvent être prononcés à l’encontre de conjoint·es de Français·es marié·es (depuis plus de 3 ans), de parents d'enfants français, et de personnes arrivées en France avant l'âge de 13 ans.
Exemples de situations
• Conjoint·e qui souhaite une régularisation de sa situation sur place et n'a pas encore 6 mois (mariage) ou 1 an de vie commune (PACS) : La préfecture peut délivrer une OQTF lors d'un contrôle ou d'une démarche de régularisation.
• Parent d’enfant français avec carte de 10 ans, qui a commis des violences intrafamiliales : La préfecture peut retirer la carte de résident·e et prononcer un arrêté d'expulsion.
• Conjoint·e devant un tribunal pour une peine encourue de plus de 5 ans (3 ans si réitération) : Le ou la juge peut prononcer une ITF, même si la plainte est retirée (violences conjugales...).
3. Retour en France empêché
La politique migratoire a déjà rendu extrêmement difficile l'entrée ou le retour en France. Des couples et familles doivent supporter des séparations géographiques qui se comptent en années.
→ Nouveau motif de refus de visa pour une personne ayant fait l’objet d’une OQTF non exécutée
Les consulats de France peuvent motiver un refus de visa pour une personne ayant fait l’objet d’une précédente OQTF non exécutée depuis moins de 5 ans. Tous les types de visa sont concernés, y compris celui de conjoint·e de Français·e qui ouvre de plein droit le séjour en France.
→ Moins de visas pour certains États
Le visa de long séjour peut être refusé aux personnes dont l'État de nationalité coopére insuffisamment en matière de réadmission de ses ressortissant·es.
Quid des personnes non expulsables et non régularisables ?
• Certaines personnes ne peuvent pas exécuter leur OQTF, faute de laissez-passer consulaire. Vont-ils venir grossir la catégorie des « ni ni » ? L’OQTF non exécutée planera-t-elle sur eux telle une épée de Damoclès ?
Liens utiles
- Loi n° 2024-42 du 26/01/2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000049040245
- Décision du Conseil constitutionnel (à consulter également les contributions extérieures 6, 7, 8, 12, 18, 19 que nous avons co-signées) : https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2024/2023863DC.htm
- Avis de la Défenseure des droits : https://juridique.defenseurdesdroits.fr/index.php?lvl=notice_display&id=48923&opac_view=-1
- Avis du Conseil d’État : https://www.conseil-etat.fr/avis-consultatifs/derniers-avis-rendus/au-gouvernement/avis-sur-un-projet-de-loi-pour-controler-l-immigration-ameliorer-l-integration
- Tableau comparatif du Gisti : https://www.gisti.org/IMG/pdf/pjl2023_ce_que_change_la_loi_immigration_2024-gisti.pdf
Glossaire
- Ceseda Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
- IRTF Interdiction de retour sur le territoire français (préfecture ou ministère de l'intérieur)
- ITF Interdiction de territoire français temporaire ou définitive (juge correctionnel)
- OQTF Obligation de quitter le territoire français (préfecture ou ministère de l'intérieur)