Anacharsis

Abonné·e de Mediapart

46 Billets

0 Édition

Billet de blog 8 février 2014

Anacharsis

Abonné·e de Mediapart

Les habits neufs du conformisme

Anacharsis

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les idées et leur diffusion passent d’abord par les mots. Dans l’ère dite de la communication, la sémantique est devenue l’arme privilégiée du combat idéologique. Orwell avait dénoncé le caractère totalitaire de la dévitalisation du sens des mots à laquelle s’adonnait l’intelligentsia anglaise moderniste de son temps. En jouissant très consciemment de ce glissement progressif sémantique, l’intention était alors de faire prendre au petit peuple les baudruches staliniennes pour les lanternes de l’émancipation sociale. Un demi siècle plus tard, ce qui était alors circonscrit au domaine de la communication politique dans ce qu’elle a de plus trivial, s’est développé et diffusé à tout ce qui relève de la communication culturelle ou sociétale. Le langage publicitaire en est un des exemples les plus parfaits, qui véhicule une vision du monde conformiste (c'est-à-dire entre autre consumériste) en usant du vocabulaire de la subversion (beau comme un rebelle habillé en Prada). Les notions les plus émancipatrices en viennent ainsi à désigner les conditions mêmes de notre aliénation à la raison marchande et de notre soumission à ses nécessités supposées. La notion d’équité par exemple servira à niveler par le bas les conditions d’existence imposées à tous au nom de ces fameuses économies prescrites par la doxa néolibérale (On oubliera cependant opportunément de nous informer que certains en seront exempts). L’égalité, elle, servira sur le terrain sociétal à justifier par exemple le droit des femmes à être aussi cons que les hommes (Quelle belle avancée que ce féminisme d’Etat qui permet enfin aux femmes de devenir généraux, flics ou politiciens à égalité avec les hommes !). D’autres s’en revendiqueront pour exiger un égal accès à la marchandisation des corps. L’accès à la maternité ou à la paternité étant quasiment devenu un droit de l’homme, une partie des activistes homosexuels ont en effet abandonné la salutaire critique de la norme sexuée pour revendiquer leur droit à accéder enfin au conformisme du mariage bourgeois avec tout ce que cela implique en terme de droit à la procréation.

La confusion est à son comble, ainsi va le monde de la postmodernité communicationnelle dont on nous avait chanté l’avenir radieux. Les hommes et les femmes, en acceptant ces communautarismes sexués, sexuels ou culturels ne font qu’accentuer encore un peu plus l’opacité qui les rend invisibles les uns aux autres. Ils contribuent ainsi à approfondir la séparation et l’atomisation sociale. Si tant est que cette perspective advienne un jour, l’humanité s’émancipera collectivement dans sa diversité, non dans l’uniformité de stéréotypes comportementaux promus par les marchands de sommeil de la conscience aliénée. A l’instar, faut-il le préciser, de ces autres marchands de sommeil qui défilent aujourd’hui le bras tendu pour défendre une conception mortifère de la famille et des rapports sociaux.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.