Il aura fallu plus de cinquante ans pour que le poète surréaliste Benjamin Péret soit enfin l'objet d'un hommage cinématographique avec la sortie en DVD d'un film documentaire qui lui est consacré. Parent pauvre du surréalisme ostracisé en raison de l'extrémisme de ses engagements autant poétiques que politique, il est toujours le grand oublié de toutes les commémorations. Cet oubli n'aurait cependant peut-être pas déplu à cette figure majeure du surréalisme si ses raisons avaient été volontaires eu égard à son extrême modestie et au peu de souci qu'il a manifesté de son vivant pour s'assurer une postérité « avantageuse ». Mais tout laisse à penser qu'il n'en est rien.
Ainsi dans une série télévisuelle diffusée récemment sur la chaîne Arte et intitulée « les aventures de l'art moderne » aucun des épisodes consacrés au dadaïsme et au surréalisme ne fait mention de Benjamin Péret, alors que très ironiquement les deux réalisatrices, plus soucieuses d'effets spéciaux que de sérieux historique, nous montrent des photos sur lesquelles ce dernier apparaît à plusieurs reprises. De même dans un autre documentaire diffusé sur la même chaîne mais consacré celui-ci plus explicitement au dadaïsme à l'occasion du centenaire de son apparition à Zurich, n'est-il fait aucune mention de Benjamin Péret lorsqu'est abordée la période parisienne de ce mouvement. Comme si nous nous trouvions en présence d'un fantôme dont il ne faut surtout pas évoquer les mânes.
Sans vouloir épiloguer sur les raisons de la persistance d'une telle condamnation au silence, réjouissons-nous au moins de la sortie de cet excellent film en DVD qui semble malheureusement ne pas être destiné à une diffusion télévisuelle. Il est vrai que l'impertinence de son propos ne s'y prête guère. Cependant, dans une époque qui prétend lever tous les tabous il n'est sans doute pas anodin de constater que ceux qui se rapportent aux combats pour l'exigence de la liberté la plus absolue sont toujours l'objet d'une surveillance sourcilleuse de la part des clercs médiatiques qui sur ce sujet ne relâchent pas leur vigilance. La liberté peut ainsi être soutenue sur un mode spectaculaire pour autant que ceux qui la défendent ne prétendent pas en faire usage. Tel n'a précisément pas été le cas de Benjamin Péret.
"Je ne mange pas de ce pain-là", Benjamin Peret, poète c'est-à-dire révolutionnaire
Un film de Rémy Ricordeau
94 mn, 2015
Bien que le poète Benjamin Péret ait été avec André Breton un des principaux animateurs du mouvement surréaliste, il reste méconnu du grand public. En retraçant ses divers engagements poétiques et politiques, qui ont été une constante de toute sa vie, ce premier film à lui être consacré se propose de le faire redécouvrir au sein d'une aventure intellectuelle collective qui aura durablement marqué le XXème siècle.
Éternel réfractaire à l'autorité quelle qu'elle soit, les combats qu'il amenés dans le monde des idées et celui de la politique l'ont été au service d'une conception de l'émancipation humaine qui supposait à ses yeux la liberté la plus absolue : celle de l'expression sensible comme celle, concomitante, de la pensée critique. Novateur, dans sa démarche poétique autant que dans sa réflexion politique, les fulgurances dont il a nourri son oeuvre demeurent aujourd'hui d'une brûlante actualité.
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