Anacharsis

Abonné·e de Mediapart

46 Billets

0 Édition

Billet de blog 15 décembre 2019

Anacharsis

Abonné·e de Mediapart

ET VOGUE LA GALÈRE !

« Notre vieux système de retraite a 80 ans », il est à bout de souffle, nous dit-on, il faut donc le réformer de fond en comble pour le rendre plus juste et plus compréhensible… Sauf pour l’armée et la police, cependant, dont le statut, très favorable, se voit comme par hasard exempté de réforme.

Anacharsis

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Reçu hier ce tract signé "Quelques barbares" destiné à être distribué au cours de la manifestation à venir du mardi 17 décembre. Si l'on peut ne pas partager sa conclusion sur l'exigence d'un revenu universel (certes ici assez nébuleux), il aborde cependant la question de l'actuelle réforme des retraites sous un angle assez rarement traité pour mériter d'être diffusé.

ET VOGUE LA GALÈRE !

 Si Madame Sibeth Ndiaye ment sciemment comme une arracheuse de dents, elle sait également pécher par omission pour nous mener en bateau :

Côté bâbord de son rafiot qui prend l’eau, elle nous sert des bobards du genre : « notre vieux système de retraite a 80 ans », il est à bout de souffle, il faut donc le réformer de fond en comble pour le rendre plus juste et plus compréhensible… (sauf pour l’armée et la police, cependant, dont le statut, très favorable, se voit comme par hasard exempté de réforme). Dans le nouveau système, ne vous inquiétez pas, le ‘‘malus’’ ne durera pas, il disparaitra au bout de 2 ans de pension, etc. – on sait depuis longtemps qu’elle assume de mentir pour protéger le président.

Côté tribord, elle nous cache la vérité, elle oublie, toujours comme par hasard, de nous dire ce que dissimulent (mal) ses histoiresde retraite et d’âge pivot. Hier matin, sur France-Inter, elle nous confiait : c’est normal d’être angoissé par rapport à la retraite, « c’est une période de la vie qui n’est pas évidente parce qu’on bascule dans autre chose ». « C’est pas étonnant d’être angoissé… ». Mais Sibeth Ndiaye s’est bien gardée de dire ce qu’est cette « chose » angoissante dans laquelle les futurs retraités basculeront à 64 ans. La porte-parole du gouvernement aurait pourtant pu révéler ce secret de polichinelle… Les Françaises ne sont pas si bêtes, elles savent bien que l’âge pivot de 64 ans correspond à leur espérance de vie en bonne santé [64,1 exactement], c’est-à-dire l’âge auquel les femmes ont toutes les chances de basculer dans la vie en mauvaise santé…« La chose » indicible, c’est donc la mauvaise santé… Les hommes, quant à eux, auront eu de bonnes chances d’avoir déjà goûté à « la chose » en atteignant le fameux âge pivot de 64 ans puisque leur espérance de vie en bonne santé n’est que de 62,7 ans… 

En Allemagne, on raconte que, en 1889, au moment où il mettait en place le premier système de retraites au monde, le chancelier Bismarck aurait demandé à son conseiller : « A quel âge faut-il fixer l’âge de la retraite pour qu’on n’ait jamais à la verser ? ». « A 65 ans, car cela correspond à l’espérance de vie des Allemands » aurait-il répondu. « Va pour 65 ans ! » décida Bismarck.

En France, on raconte que, en 2019, le président Macron demanda à son conseiller : « A quel âge faut-il fixer l’âge de la retraite sans rien perdre en force de travail ? ». « A 64 ans parce que, après, la santé des Françaises et des Français risque fort d’être incompatible avec le boulot… Et il y a peu de chances pour que cela s’améliore car c’est comme ça depuis 10 ans ; et l’état de l’environnement, des conditions de travail, de la médecine, des hôpitaux, etc, en France ne permet pas d’espérer autre chose que davantage de places en EHPAD… ». « Va pour 64 ans ! et davantage de places en EHPAD » décida donc Macron. « L’âge d’équilibre » est ainsi le fil du rasoir qui nous sépare de l’EHPAD.

Pourquoi personne (journalistes, ministres, syndicats, spécialistes de tous genres) ne parle de cette espérance de vie en bonne santé qui ne progresse pas depuis de nombreuses années ? Sans compter que selon les statistiques de l'Insee pourtant facilement accessibles, à 64 ans, les plus pauvres déjà globalement en plus mauvaise santé que les plus riches et les plus diplômés, vivront de toutes façons 7 ans de moins que ces derniers. S'agirait-il d'un tabou soigneusement tu ? (On comprend pourquoi). Est-ce cela que nous souhaitons léguer à nos enfants ? Comme on disait lors de l'instauration de la retraite à 60 ans, "la retraite c'est le capital de ceux qui n'en ont pas". L’objectif de ce gouvernement est au contraire de faire en sorte que le capital devienne la seule retraite viable, c’est à dire qui bénéficiera à ceux qui en ont déjà. Les autres, s'ils ne sont pas déjà morts, seront de toute façon clients de ces EHPAD dont les fonds de pension sont les premiers actionnaires: les revenus des retraités les plus modestes iront ainsi financer encore un peu mieux les longues retraites dont bénéficient les plus aisés.

La mise en place d'une allocation universelle rendrait caduc le débat récurrent entre réforme systémique et paramétrique en mettant fin à ces discussions stériles.

Quelques Barbares

(Vendredi 13 décembre 2019)

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.