Ci-dessous la traduction faite par une camarade du FDG -PG de la déclaration de candidature d'Alexis Tsipras (depuis le texte en anglais). Une autre traduction existe sur le site de la European left :
http://european-left.org/fr/positions/nouvelles/declaration-programmatique-dalexis-tsipras-ma-candidature-un-mandat-pour-lespoir
Au lecteur français d'étudier les deux traductions, s'il le souhaite. Chaque traducteur-trice apporte sa propre sensibilité et nuances et s'adonne à un exercice passionnant.
Déclaration de candidature d'Alexis Tsipras: changer l'Europe
I. MA CANDIDATURE - UN MANDAT POUR L'ESPOIR ET LE CHANGEMENT.
Le Parti de la Gauche Européenne m'a élu comme candidat à la Présidence de la Commission Européenne, lors de son 4ème congrés du 13 au 15 décembre 2013 à Madrid.
C'est à la fois un honneur et un mandat. L'honneur n'est pas seulement personnel. La candidature du dirigeant du principal parti d'opposition en Grèce symbolise la solidarité avec le peuple grec et aussi avec les peuples d'Europe du Sud qui souffrent des conséquences sociales catastrophiques des plans d'austérité.
Mais, plus qu'une candidature, ma nomination est un mandat pour l'espoir et le changement en Europe. C'est un appel à la démocratie à laquelle les nouvelles générations ont droit. C'est un appel à la lutte pour gagner l'hégémonie en termes gramsciens, c'est-à-dire gagner les coeurs et les esprits des peuples. C'est une lutte pour le pouvoir afin de changer la vie quotidienne des gens ordinaires. Pour citer Aneurin Bevan, un socialiste authentique et le père politique du système public de santé britannique (NHS), pour nous, le pouvoir signifie “agir collectivement afin de transformer la société et se relever tous ensemble"
Je ne suis pas le candidat de l'Europe du Sud. Je suis le candidat de tous les peuples, du Nord au Sud, qui veulent une Europe sans austérité, ni récession, ou memorandum. Ma candidature s'adresse à chacun de vous, quels que soient vos convictions politiques ou vos votes aux élections nationales. Elle unit ceux que la gestion néolibérale de la crise économique divise. Elle s'adresse à tous ceux qui souhaitent une vie meilleure pour eux-mêmes et leurs enfants dans une meilleure Europe.
Ma candidature s'adresse particulièrement aux jeunes. Pour la première fois dans l'Europe d'après guerre, une génération de jeunes s'attend à une vie pire que celle de leurs parents. Les jeunes voient leurs espoirs bloqués entre un fort chômage et la perspective d'une croissance sans emploi, ou des bas salaires. Il nous faut agir - non pas pour eux, mais avec eux - et agir maintenant!
Nous avons besoin de résoudre dans l'urgence la division Nord-Sud de l'Europe et de démolir "le mur de l'argent" qui détruit notre niveau de vie et notre avenir dans ce continent. La zone euro est au bord de l'effondrement. Ce n'est pas à cause de l'euro en tant que tel, mais à cause du néolibéralisme – de l'ensemble des politiques d'austérité récessionnistes qui, loin de soutenir la monnaie unique, l'ont sapée. Mais, elles ont aussi sapé la confiance des peuples dans l'Union européenne et l'aspiration à une plus grande intégration européenne. C'est la raison pour laquelle nous pensons que le néolibéralisme est l'accélérateur de l'euroscepticisme.
Ceci n'est pas notre Europe. C'est juste l'Europe que nous voulons changer. Au lieu d'une Europe de la peur, peur du chômage, du handicap, de la vieillesse, de la pauvreté, au lieu de l'Europe actuelle qui redistribue les revenus aux riches et la peur aux pauvres, au lieu d'une Europe au service des banquiers, nous voulons une Europe au service des besoins humains.
Le changement est possible et il aura lieu! Nous avons besoin de rassembler à nouveau l'Europe et la reconstruire sur une base démocratique et progressiste. Reconnecter l'Europe avec ses origines des Lumières, et donner ainsi la priorité à la démocratie. Soit l'Union européenne sera démocratique, soit elle n'existera pas. Pour nous, la démocratie ne se négocie pas.
Le PGE se bat pour une Europe écologique, sociale et démocratique; pour atteindre ces objectifs stratégiques, voici nos 3 priorités politiques fondamentales:
1. Réorganisation démocratique de l'Europe. L' Europe ne sera ni sociale ni écologique, si elle n'est démocratique. Et, si elle n'est pas démocratique, elle aliénera ses citoyens - comme elle le fait déjà aujourd'hui. Parce qu'aujourd'hui, l'Union européenne est devenue une structure anti démocratique, oligarchique, à la solde des banquiers, des multinationales et des super-riches.
La démocratie en Europe est en recul. Pour la rétablir, il ne fait aucun doute qu'il faut en finir avec l'austérité. L'austérité néolibérale a été imposée aux pays du Memorandum par des moyens législatifs qui ont sapé le rôle politique et l'autorité des parlements nationaux; l'austérité est passée en faisant fi des droits économiques et sociaux des citoyens, acquis de longue date, et a été imposée de façon autoritaire digne des Etats policiers. De même, la structure et le fonctionnement des institutions européennes - auxquelles ont été transférés des compétences nationales et des droits souverains - manquent de légitimité démocratique et de transparence. Des bureaucrates anonymes qui n'ont pas à répondre de leurs actes, ne devraient pas se substituer à des élus dans les prises de décision. Pour que toute discussion sur la démocratie en Europe ait un sens, il faudrait que l'UE ait d'une part son propre budget conséquent, d'autre part que ce soit le Parlement européen qui décide comment l'argent est alloué, en supervise l'application, avec les Parlements nationaux, et contrôle les budgets. La réorganisation démocratique de l'UE est donc l'objectif politique par excellence.
Dans ce but, nous devrions étendre notre champ d'intervention dans le domaine public, des services, ainsi que celui de l'engagement citoyen, et de la participation aux prises de décisions. Parallèlement, nous devrions donner plus de pouvoir aux institutions ayant une légitimité démocratique directe tels que les parlements européen et nationaux.
Ceci implique des initiatives politiques concrètes, pour redonner en premier lieu la priorité aux parlements nationaux dans l'élaboration et la décision des budgets nationaux. Cela signifie la suspension des articles 6 et 7 des Règles (EU) 473/2013 (deuxième texte législatif pour les pays de l' Eurozone) qui donne le droit à la Commission Européenne d'examiner en premier et réviser les prévisions budgétaires nationales, avant que les parlements nationaux respectifs n'aient pu le faire.
Cela signifie aussi, comme déjà dit, une plus grande implication à la fois des parlements européen et nationaux dans le contrôle du budget européen. Il faut revaloriser le rôle du Parlement Européen, en tant qu'outil de contrôle démocratique du Conseil de l'Europe et de la Commission Européenne.
Enfin une Union Européenne démocratique ne devrait pas être démocratique et consensuelle uniquement pour l'Europe, alors qu'elle est arrogante, non pacifique, militariste et agressive envers le reste du monde. Aussi avons nous besoin d'un système de sécurité européen fondé sur la négociation et le désarmement. Aucun soldat européen ne devrait participer à des opérations hors de l'Europe.
2. Mettre fin à l'austérité. L'austérité est un remède nocif, infligé au mauvais moment, avec des conséquences dévastatrices pour la cohésion sociale, la démocratie et l'avenir de l'Europe. Le chômage et en particulier celui des jeunes est une des plaies de l'austérité qui est loin de se cicatriser. En Grèce et en Espagne, il avoisine les 60%. Avec ses 3,5 million des moins de 25 ans au chômage, l'Europe a rédigé sa propre lettre de suicide.
- Mettre en marche la transformation écologique de la production. La crise n'est pas qu'économique. Elle est aussi écologique, car elle repose sur un paradigme de l'économie non durable au niveau européen. Nous avons besoin d'une transformation à la fois économique et écologique de nos sociétés européennes pour d'une part sortir de la crise, et d'autre part créer les bases solides d'un développement assurant la justice sociale, un emploi stable et décent, et une qualité de vie meilleure pour toutes et tous. Cette transformation est urgente! Car, sous prétexte de la crise et de trouver rapidement des solutions pour la reprise économique, l'UE et les Etats membres ont relâché la conscience écologique et troqué la durabilité contre l'efficacité des ressources et de l'énergie, dans le meilleur des cas.
Nous devons changer de paradigme et adopter celui de la durabilité. Comme première étape, nous devrions approfondir les acquis européens. Il nous faut une politique écologique publique en Europe qui mette comme priorités la qualité, la durabilité, la coopération et la solidarité. La transformation écologique de la production englobe le plus grand nombre de domaines de décision tels que: une réforme fiscale qui changerait la logique de la fiscalité – du revenu à la consommation des ressources ; l'élimination des subventions nocives pour l'environnement, la préservation de la biodiversité, le remplacement de l'énergie conventionnelle par des énergies renouvelables, l'investissement dans la recherche et le développement environnementaux, l'agriculture biologique et le transport renouvelable, ainsi que le rejet de tout accord d'échange trans-atlantique qui ne garantisse pas des normes élevées en matière sociale et environnementale.
4.Réformer le cadre de l'immigration européenne. La quête humaine pour une vie meilleure est sans fin. Les frontières stoppent les droits humains – mais elles n'arrêtent pas les êtres humains. Aussi longtemps que l'écart de revenus et les perspectives d'avenir continuera à s'agrandir entre les pays d'origine ou de transit de l'immigration, et l'UE, l'immigration vers l'Europe se poursuivra sans relâche. L'UE devrait entreprendre une double solidarité: extérieure, envers les pays d'émigration, et intérieure, avec une juste répartition géographique des immigrants en Europe. En particulier, l'UE devrait prendre l'initiative politique d'entamer de nouvelles relations qualitatives avec ces pays, en augmentant l'aide au développement, mais aussi la capacité de développement endogène, aussi bien que la paix, la démocratie et la juste sociale.
Simultanément, toute l'architecture institutionnelle de l'UE sur l'immigration et le droit d'asile doit être modifiée. Nous devons garantir la protection des droits humains fondamentaux sur toute l'Europe, et immédiatement planifier des mesures efficaces pour sauver les migrants en mer, mettre en place des centres de réception aux points d'entrée, et adopter une procédure légale, et un nouveau cadre légal, qui permettent un accès juste et efficace des immigrants dans tous les pays de l'UE, de façon juste et proportionnelle, en prenant en considération, autant que possible, leurs propres souhaits. Des fonds de l'UE devraient y être alloués en conséquence. Les tragédies récentes de Lampedusa et de Farmakonisi démontrent clairement que le Pacte européen sur l'Immigration et l'Asile, et la soit disant circulaire de Dublin II [Regulation (EC) 343/2003 and Regulation (EU) 604/2013] devraient être immédiatement revues. Nous rejetons la "forteresse Europe"qui ne sert que de terreau à la xénophobie, au racisme et au facisme. En revanche, nous oeuvrons à ce que l'Europe devienne une forteresse impénétrable contre l'extrême droite et le néo-nazisme.
II. UN PLAN POLITIQUE CONTRE LA CRISE EN 9 POINTS,
POUR UNE CROISSANCE AVEC JUSTICE SOCIALE ET PLEIN EMPLOI
La zone euro est le niveau le plus approprié pour appliquer une politique économique progressiste de croissance, de redistribution et de plein emploi. En effet l'union monétaire en tant qu'entité unifiée est moins exposée à la volatilité et l'instabilité de l'environnement extérieur que les Etats membres isolés. Cependant le changement suppose un projet politique viable et que nous agissions tous ensemble.
Pour mettre fin à la crise au niveau européen, voici les 9 points de changement de politique que nous proposons:
1. Un New Deal pour l'Europe. L'économie européenne souffre depuis 6 ans de la crise, avec un chômage moyen supérieur à 12% et le risque d'une déflation similaire à celle des années 30. L'Europe pourrait et devrait emprunter à des taux d'intérêt bas pour financer un programme de reconstruction économique et de développement durable en se concentrant sur les investissements en personnes, en technologie et en infrastructure. Ce programme aiderait les économies touchées par la crise à se libérer du cercle vicieux de la récession, et du taux toujours plus élevé des dettes, à créer des emplois et à permettre une reprise. Les USA l'ont fait. Pourquoi ne le pourrions-nous pas?
2. L'augmentation des crédits aux PME. Les conditions de crédit en Europe se sont grandement détériorées. Les PME en ont particulièrement souffert. Des milliers d'entre elles, en particulier en Europe du Sud, ont été forcées de fermer, non pas parce qu'elles n'étaient pas viables mais parce qu'elles n'avaient plus de sources de financement. Les conséquences sur l'emploi en ont été catastrophiques. A périodes exceptionnelles, moyens non conventionnels: la BCE devrait suivre l'exemple des autres banques centrales du monde et faire des prêts à bon marché aux banques, à condition que l'argent reversé sous forme de prêts aux PME soient du même montant.
3. Vaincre le chômage. Le chômage moyen en Europe est aujourd'hui le plus élevé historiquement depuis qu'on a commencé à enregistrer officiellement ses taux. Aujourd'hui près de 27 million de gens sont sans travail dans l'UE dont plus de 19 million dans l'eurozone. Le chômage officiel dans la zone euro est passé de 7,8% en 2008 à 12,1% en novembre 2013. En Grèce, il est passé de 7,7% à 27,4%, et en Espagne de 11,3% à 26,7% pour la même période. Beaucoup de chômeurs sont sans emploi depuis plus d'un an, et pour les jeunes, beaucoup n'ont encore jamais eu l'occasion d'avoir un emploi rémunéré. Le chômage est, en grande partie, la conséquence d'une croissance lente ou négative. Cependant l'expérience montre que, même si la croissance repartait en Europe, il faudrait beaucoup de temps pour revenir aux taux de chômage antérieurs à la crise. L'Europe ne peut se permettre d'attendre aussi longtemps. De grandes vagues de chômage laissent des cicatrices permanentes sur les compétences et les talents des gens, surtout pour les jeunes. Cela nourrit l'extrêmisme de droite, sape la démocratie, et détruit l'idéal européen. L'Europe n'a pas de temps à perdre. Elle devrait mobiliser et réorienter les ressources du Fonds Structurel afin de créer de réelles opportunités d'emplois pour ses citoyens. Dans les pays soumis à des contraintes budgétaires, leurs contributions nationales (au Fonds) devraient être réduites à zéro.
4. Suspension du nouveau cadre européen budgétaire: ce dernier exige des budgets équilibrés, année après année, sans tenir compte de la situation économique concrète de chaque pays. Cela empêche que la politique budgétaire joue son rôle d'outil de stabilisation en période de crise, à savoir au moment où une politique budgétaire est vraiment nécessaire. Ce nouveau cadre européen met donc en danger la stabilité économique. En bref, c'est un concept dangereux. Il faut en Europe un cadre budgétaire qui reconnaisse le besoin d'une discipline budgétaire sur le moyen terme, tout en permettant simultanément aux Etats membres de lancer des plans de relance pendant les récessions. Il nous faut des politiques budgétaires qui puissent être réajustées cycliquement, et qui permettent de préserver l'investissement.
5. Une vraie BCE – prêteur de dernier ressort aux Etats membres, et non seulement aux banques: l'expérience historique montre que les unions monétaires ont besoin de banques centrales qui assurent toutes les fonctions bancaires, et non seulement et exclusivement celle du maintien de la stabilité des prix. La banque centrale quand elle devient le prêteur de dernier recours devrait s'engager inconditionnellement, et sans la contrepartie d'un programme de réformes dans le pays endetté, en accord avec le Mécanisme de Stabilité Européen. Le sort de l'euro et la prospérité des européens en dépendent.
6. Ajustements macroéconomiques: Les pays qui ont un surplus devraient autant que les pays en déficit corriger les déséquilibres macroéconomiques au sein de l'Europe. L'Europe devrait superviser, évaluer et exiger que les pays qui bénéficient d'un surplus au niveau de leur balance des paiements courants, aident les pays endettés à une relance afin de les soulager de cette pression unilatérale qui pousse leur économie à la contraction. L'asymétrie actuelle entre les pays en surplus et ceux endettés ne nuit pas seulement aux derniers. Elle fait du mal à l'Europe toute entière.
7. Un "Glass-Steagall Act" européen. Il s'agit de séparer les banques de dépôt et les banques d'investissement afin d'empêcher une fusion dangereuse des risques dans une entité unique incontrôlable.
8. Législation européenne efficace afin de taxer les activités économiques et entrepreneuriales off shore.
9.Conférence européenne de la Dette. Notre proposition s'inspire d'un des moments les plus clairvoyants de l'histoire politique européenne. Il s'agit de l'Accord de Londres sur les Dettes de 1953, qui a essentiellement soulagé l'Allemagne du poids économique de son passé, et aidé à reconstruire la démocratie allemande dans l'après guerre, ouvrant la voie au succès économique de ce pays. L'Accord de Londres sur les Dettes stipulait que l'Allemagne paie, au plus, la moitié de ses dettes, privées et inter gouvernementales. L'échéancier de remboursement dépendait de la capacité du pays à payer, avec un étalement sur 30 ans. En somme, selon une "clause de croissance" implicite, cet Accord a permis de passer du paiement de la dette à la croissance, en poussant à l'efficacité économique: entre 1953 et 1958 seul le paiement des intérêts fut demandé. Ce délai des paiements du capital hors intérêts a donné à l'économie un peu d'espace pour respirer. L'accord proprement dit ne commençant qu'en 1958, instaurait des remboursements annuels fixes qui devinrent de moins en moins signifiants alors que l'économie s'envolait. L'Accord sous entendait implicitement que réduire la consommation, ce qu'on appelle aujourd'hui "dévaluation interne", n'était pas une façon acceptable de s'assurer le remboursement des dettes. Les remboursements allemands furent de fait conditionnés à la capacité de l'Allemagne à les payer. L'Accord de Londres sur les Dettes était en totale opposition à la logique erronée du Traité de Versailles, dont les réparations avaient sérieusement empêché l'économie allemande de redémarrer et créé des doutes sur les intentions réelles des Alliés.
Cet Accord reste un modèle aujourd'hui. Cependant, nous ne voulons pas une Conférence européenne de la Dette pour l'Europe du Sud seule. Nous la voulons pour l'Europe toute entière. Dans ce contexte, tous les outils politiques disponibles devraient être utilisés, y compris la BCE en tant que prêteur de dernier ressort, et la création d'une dette européenne socialisée sous forme par exemple d'eurobonds pour remplacer les dettes nationales.
III. C'EST L'HEURE DU CHANGEMENT!
Un véritable changement doit se traduire concrètement et immédiatement dans la vie des gens ordinaires en Europe. Nous voulons non seulement renverser l'orientation des politiques actuelles, mais aussi étendre le domaine de l'intervention publique et citoyenne, et participer aux prises de décisions européennes. Il nous faut donc construire les alliances politiques et sociales les plus larges possibles.
Il nous faut changer les rapports de force politiques en Europe pour pouvoir changer celle-ci. Le néolibéralisme n'est ni un phénomène naturel, ni invincible. C'est le produit d'un choix politique issu d'un rapport de forces spécifique à l'Europe. En tant que paradigme économique dominant, il doit sa longéivité, principalement aux socialistes (sociaux démocrates[1]) qui, au milieu des années 1990, ont stratégiquement décidé d'adopter ses principes et objectifs, et se sont donc réorientés politiquement en s'éloignant encore plus de la gauche. Pour beaucoup en Europe, le socialisme apparaît comme l'écho lointain d'une époque révolue. Pas pour nous! Cependant la souffrance sociale venant de la crise prolongée et du désenchantement d'une partie de l'électorat face au système politicien ont relégué cette stratégie dans une impasse. La réalité n'a plus le temps pour le socialisme européen. Les socialistes doivent immédiatement entreprendre un tournant historique à gauche. A savoir se différencier de, et s'opposer au néolibéralisme et aux politiques qui ont échoué du Parti Populaire européen et de l'Alliance des libéraux; ou comme il a été justement remarqué, devenir une force politique "prête à être aussi radicale que l'est la réalité elle-même”.
Parce que l'Europe est arrivée à un carrefour critique. Aux élections du 25 mai, deux alternatives claires pour le présent et l'avenir seront sur la table: soit l'alignement avec les conservateurs et les libéraux, soit aller de l'avant avec la Gauche Européenne. Soit nous acceptons le status quo néolibéral - en prétendant que la crise peut être résolue par les politiques mêmes qui l'alimentent - soit nous avançons vers l'avenir avec la Gauche Européenne.
Nous demandons particulièrement au citoyen-ne européen-ne ordinaire qui d'habitude vote pour les socialistes: d'une part d'exercer son droit de vote le 25 mai - à savoir de ne pas s'abstenir en laissant les autres voter pour elle/lui. D'autre part, de voter pour l'espoir et le changement - de voter pour la Gauche européenne. Nous pourrons ainsi ensemble reconstruire notre Europe des travailleurs, de la culture et de l'écologie. Une fois encore dans l'histoire de notre maison commune qu'est l'Europe, nous devons la reconstruire comme un ensemble de sociétés prospères, socialement justes, et démocratiques. S'il nous faut reconstruire l'Europe, il nous faudra la changer. Et il faut le faire maintenant si l'Europe doit survivre.
Au moment où les politiques néolibérales font tourner la roue de l'histoire en marche arrière, c'est à la gauche de faire avancer l'Europe.
Janvier 2014
[1]NDLT : à noter que Tsipras utilise la social démocratie dans l'acception du terme des pays d'Europe du Nord, à savoir des partis affiliés à l'Internationale Socialiste et que nous traduirions en France par « socialiste ». Ainsi en Angleterre on peut être social démocrate de gauche (cf Tony Benn) ou de droite (Blair). Pour la fin du texte nous mettrons donc « socialiste » là où Tsipras a mis « social démocrate ».