Cela étant, une situation de guerre impose-t-elle qu’aucun droit à la critique ne serait plus envisageable. C’est une question qui court ces derniers temps.
Rappelons quelques évènements historiques : en 1917, en plein cœur de la guerre, le gouvernement fut changé ; un nouveau gouvernement fut nommé sous la direction de Clémenceau qui devait conduire le pays à la victoire ; en 1917 toujours, le général en chef Nivelle fut limogé du fait de ses erreurs ; en 1940, après la percée de Sedan, le général en chef Gamelin fut licencié. Il y a donc possibilité de critiques, il y a possibilité de changement.
La particularité de la situation en France, en cette année 2020, c’est que nos institutions reposent essentiellement sur une personne qui ne peut pas être sanctionnée. Cette personne a tous les pouvoirs et il n’y a pas de contrôle possible. Qui plus est, il est général en chef. Cet espèce de cumul sans contrôle est une exceptionnalité et c’est d’ailleurs pour cela que, depuis 13 ans, nous avons fondé l’Association pour une Constituante parce que cette crise met en lumière à quel point la crise sanitaire rejoint la crise politique.
Si donc, nous pensons qu’il y a nécessité de pouvoir critiquer, ce n’est pas pour le plaisir de critiquer tout le temps la personne dans le moindre des gestes. Ce ne serait pas sérieux. Mais c’est parce que la critique est un élément qui construit l’unité et que la critique permet de construire l’avenir. En effet, elle met en lumière les fautes du passé.
Citons-en quelques-unes :
Est-il normal que le gouvernement, et ses prédécesseurs d’ailleurs, au nom de la sacro-sainte concurrence libre et non faussée, aient laissé mettre en faillite et disparaitre du paysage français des entreprises dont on découvre aujourd’hui qu’elles étaient des éléments essentiels pour le bon fonctionnement du pays et de santé ?
Est-il normal qu’au nom de la mondialisation, on ait laisser partir la fabrication de médicaments fondamentaux en Asie ?
Est-il normal que le Président de la République répète à longueur de temps « la souveraineté européenne » qui d’ailleurs n’existe pas alors même qu’on découvre que la Commission européenne a demandé 63 fois à la France de réduire ses dépenses de santé ?
Est-il normal que le Président de la République ait demandé à la Caisse des dépôts et consignations, dont on sait parfaitement quelle est sa pensée, de faire un rapport sur l’avenir de l’hôpital. Evidemment la Caisse des dépôts a répondu « Il faudra poursuivre la privatisation ». pas de surprise, à l’extrême on choisit celui qui donne la réponse.
Tout cela mérite réflexion, mérite critique car c’est à partir de cela qu’il faudra reconstruire demain.
Le droit à la critique est un élément constitutionnel. C’est un des fondements de la démocratie. C’est le droit de tout citoyen. C’est le devoir de tout républicain. C’est le devoir de tout citoyen français.