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Billet de blog 19 juin 2012

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Je vote Guigou

Nous avons été appelés à voter quatre fois en moins de deux mois. Mais maintenant, c’est terminé. Rentrez chez vous, y a rien à voir! Laissez vos élus travailler. Avec la période électorale, se clôt un moment d’illusion durant lequel les citoyens sollicités, choyés, se sentaient un peu souverains. Je propose de faire durer le plaisir encore quelques heures, le temps de nous interroger sur le choix du président de l’Assemblée.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Nous avons été appelés à voter quatre fois en moins de deux mois. Mais maintenant, c’est terminé. Rentrez chez vous, y a rien à voir! Laissez vos élus travailler. Avec la période électorale, se clôt un moment d’illusion durant lequel les citoyens sollicités, choyés, se sentaient un peu souverains. Je propose de faire durer le plaisir encore quelques heures, le temps de nous interroger sur le choix du président de l’Assemblée.

Je ne cherche nullement à bousculer la Constitution. C’est entendu : ce sont les députés, et eux seuls, qui éliront leur Président. Mais, contrairement aux Rochelais qui ont obéi scrupuleusement aux consignes de Raffarin et de Bussereau, en punissant Ségolène Royal d’avoir annoncé qu’elle ne s’occuperait pas de l’Aunis 24 heures sur 24, mais serait candidate au « perchoir », je considère que cette annonce était un geste d’honnêteté et aussi de saine démocratie. Dans une monarchie élective comme la V° République où tous les successeurs du général de Gaulle ont promis de redonner du pouvoir au Parlement, mais où aucun ne l’a fait, la personnalité du président de l’Assemblée, ses qualités morales et politiques sont importantes, particulièrement quand les élus sont si majoritairement acquis au Président de la République, pour rendre au pouvoir législatif un semblant d’autonomie et de contrepoids.

Il était donc normal que les candidatures qui se dessinaient soient annoncées aux électeurs au lieu d’être abandonnées à la cuisine interne des partis. Ségolène Royal a voulu s’écarter de cet entre soi. On lui a fait payer son audace. Alors qui maintenant ? On ne m’a rien demandé. Mais je donne mon avis. Elisabeth Guigou semble ne pas exclure d’être candidate. Je vote pour elle pour plusieurs raisons :

1) Après la constitution du  premier gouvernement français qui respecte scrupuleusement la parité hommes-femmes,  élire une femme à la présidence de l’Assemblée nationale  donnerait à la France un souffle de modernité qui lui manque pour affronter la crise internationale. C’était l’un des avantages de la candidature de Ségolène.

2) Elisabeth Guigou, élue du 93 où les problèmes sociaux actuels de la France s’exposent comme une plaie ouverte, a été plusieurs fois en charge de ministères importants. Garde des Sceaux dans le gouvernement Jospin, elle a été, après Robert Badinter, la ministre socialiste de la place Vendôme qui a engagé les réformes les plus importantes pour renforcer l’indépendance de la justice.

3) Spécialiste des affaires européennes, c’est à ce titre qu’elle avait été appelée par François Mitterrand comme conseillère à l’Elysée. Or la crise  montre que la France, surtout depuis qu’elle est devenue socialiste, ne peut plus piétiner au milieu du gué. Il faut que l’Europe fédérale se fasse ou casse.  L’Europe n’est pas  un problème international qui doit se régler entre chefs d’Etats. C’est un problème intérieur qui traverse la vie de chaque Etat membre de la communauté européenne. En attendant que l’Assemblée de Strasbourg soit dotée de véritables pouvoirs et d’une légitimité augmentée, c’est en intensifiant les échanges entre les parlements nationaux que l’on pourra donner à l’Europe la volonté d’exister qui lui manque. Par son expérience, Elisabeth Guigou pourrait mieux que quiconque s’y employer.

4) Comme socialiste, Elisabeth Guigou semble  préférer le patriotisme de parti à l’esprit de faction. Ancienne ministre de Lionel Jospin, elle a soutenu sans réserve et sans arrière pensée, hier Ségolène Royal et maintenant François Hollande à partir du moment où ils étaient les candidats à l’élection présidentielle désignés par le PS. Son intégrité n’a jamais été contestée. Femme de conviction, elle peut être à la télévision, où l’on regrette de l’avoir peu vue ces derniers temps, une débattrice redoutable et compétente. Elle a donc bien des qualités que l’on attend d’une présidente de l’Assemblée pour combattre le scandaleux absentéisme des députés et restaurer le pouvoir parlementaire ; un Parlement qui ne doit plus se contenter d’être une machine à voter des lois dont beaucoup attendent encore leurs décrets d’application, mais qui se donnera les moyens d’éclairer et de contrôler l’action du gouvernement au lieu d’en laisser le soin aux comités d’experts sans mandats qui conseillent directement l’exécutif.

5) Si François Hollande et son premier ministre Jean Marc Ayrault sont  réellement décidés à redonner du pouvoir aux élus de la Nation, comme ils l’ont annoncé, Elisabeth Guigou qui entretient avec eux des rapports de confiance et de convictions partagées apparemment sans nuage, serait particulièrement bien placée pour les appuyer dans cette tâche. Et s’ils oublient leurs promesses comme tous les exécutifs qui les ont précédés, l’indépendance d’esprit et la volonté de réforme dont Elisabeth Guigou a su faire preuve tout au long de sa carrière politique seront des gages précieux pour empêcher que la majorité absolue dont bénéficie le président Hollande au Parlement ne se convertisse trop vite en majorité de soumission à l’absolutisme présidentiel.

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