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Billet de blog 19 novembre 2016

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Histoire : sur la police et sur la bâtardise, deux bons livres

Voici deux travaux historiques à lire sur deux sujets historiques parallèles : la police et l'ordre social; la bâtardise et l'exclusion sociale. L'un de Vincent Milliot, l'autre de Sylvie Steinberg.

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> Vincent Milliot, L’admirable police. Tenir Paris au siècle des Lumières, Champ Vallon, 270 pp. 28 euros

Illustration 1
Aux éditions Champ Vallon

Les amateurs des aventures du commissaire Nicolas Le Floch dans le Paris des Lumières, contées par Jean-François Parrot, ne seront pas  désorientés par le livre de l’historien Vincent Milliot sur la police parisienne au XVIII° siècle. Ils y retrouveront, appuyée sur une exploitation rigoureuse des sources, la même vision plutôt positive sur le travail de la police du Roi qui fait de Paris, alors l’une des plus grandes villes d’Europe, peut-être la plus sûre, grâce à un quadrillage très moderne de sa surveillance.

Mais cette sûreté a un prix : des méthodes expéditives (arrestations arbitraires, enlèvements) qui respectent peu les libertés individuelle. Elle ne supprime pas, en outre,  l’habitude de se nourrir sur la bête qui pousse les inspecteurs à rançonner ceux qu’ils surveillent comme ceux qu’ils doivent protéger. Ce mélange d’efficacité administrative et de brutalité despotique, reflète le double visage de l’Etat  absolutiste dont les rouages parfaitement huilés, ronronnent… au bord de l’abîme.

> Sylvie Steinberg, Une tache au front. La bâtardise aux XVI° et XVII° siècles, Albin Michel, 440 pp. 24 euros

Aujourd’hui, plus de la moitié des femmes en France ont leur premier enfant hors mariage. Non parce qu’elles seraient particulièrement dévergondées, mais parce que le mariage est devenu une institution peu considérée à laquelle les couples se soumettent quand ils ont déjà un ou plusieurs enfants…ou jamais. Juridiquement et socialement, le bâtard n’existe plus. Mais on oublie qu’il existait encore au début des années 1970 avant les réformes du président Giscard d’Estaing accordant aux « enfants  naturels » le statut d’héritier. C’est la longue histoire d’une exclusion remontant à l’Eglise médiévale que reconstitue le livre passionnant de Sylvie Steinberg.

Illustration 2
Aux éditions Albin Michel

Contrairement à certains qui ont vu dans la réprobation grandissante de la bâtardise aux XVII° et XVIII° siècle, le poids  grandissant de l’Etat monarchique qui place  l’ordre social au dessus de la voix du cœur, ce livre nous montre que l’Eglise est restée à la manœuvre. Consciente de détenir par l’administration du mariage le contrôle de la sexualité, c’est elle qui a convaincu l’aristocratie et plus lentement les classes populaires, d’exclure les bâtards du cercle familial pour en faire des parias.

Au XVIII° siècle, la loi de l’Eglise peine à résister à l’émancipation morale des individus que la Révolution inscrit dans la loi en réhabilitant les « enfants naturels ». Mais cette réhabilitation sera vite annulée. En s’identifiant à l’ordre familial, l’Eglise avait semé pour longtemps. Il faudra attendre encore deux siècles de sécularisation et le coup de boutoir de Mai 1968 pour voir disparaître enfin la macule de la bâtardise.

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