Les défenseurs de l’expérimentation animale affirment que sans cette pratique, nous n’aurions pas d’antibiotiques, ni de traitements pour le diabète, ni de vaccins, etc. Ils répètent ces affirmations, les faisant reposer sur des données partielles, voire inexactes, sachant que la plupart des gens n’auront pas le temps, ni les connaissances scientifiques nécessaires pour vérifier. Dans les précédentes tribunes, nous avons examiné ces affirmations à la lumière de l’histoire de la médecine, ce qui remet en question le rôle réel de l'expérimentation animale dans ces découvertes médicales.
Face à ces révélations, les défenseurs de l’expérimentation animale citent d’autres exemples d’avancées médicales pour remplacer les exemples « démasqués ». Les derniers exemples sont les stents (dispositifs intravasculaires permettant de dilater localement les artères) et la stimulation cérébrale profonde (notamment pour les patients atteints de la maladie de Parkinson).
Des publications scientifiques traitent ces deux sujets de façon exhaustive mais accessible uniquement aux anglophones (1, 2). Dans cette tribune, nous allons traduire les éléments les plus importants de ces articles concernant la stimulation cérébrale profonde (Deep Brain Stimulation ou DBS en anglais) afin de décortiquer les différentes étapes clés qui ont mené à la réalisation de cette intervention médicale.
Une zone du cerveau humain identifiée
La maladie de Parkinson porte le nom de James Parkinson, un médecin anglais ayant publié la première description détaillée de cette pathologie en 1817. C'est une maladie neurodégénérative irréversible d'évolution lente (3).
Les pionniers des premiers traitements sont vraisemblablement des Suédois. Des équipes médicales dans ce pays dans les années 1950 (Leksell et ses collègues) et 1960 (Svennilson et ses collègues), ont perfectionné des interventions neurochirurgicales consistant à pratiquer des ablations à des endroits très précis du cerveau des patients pour diminuer les symptômes de la maladie de façon significative pour une durée de quelques années. Ainsi, ces traitements chirurgicaux avaient leurs limites.
Heureusement, un médicament allait bientôt remplacer les opérations. Plus de quarante ans après avoir découvert que la dopamine était un neurotransmetteur capable de contrôler le mouvement, le pharmacologue suédois Arvid Carlsson a reçu le prix Nobel de physiologie ou médecine en 2000. Sa découverte a rapidement et directement conduit au développement de la lévodopa (ou L-DOPA). Ce précurseur de la dopamine, capable de traverser la barrière hémato-encéphalique pour atteindre le cerveau et pouvant donc être administré par voie orale ou intraveineuse, est devenu un traitement révolutionnaire de la maladie de Parkinson.
Quel a été le rôle de l’expérimentation animale ? Carlsson avait réalisé des études in vitro (cellules humaines) et in vivo sur des animaux. Des autopsies du cerveau de victimes de la maladie de Parkinson ont révélé des anomalies dans la zone cérébrale responsable de la fabrication de la dopamine.
Des essais cliniques et des études sur l'être humain
L'histoire de la L-DOPA trouve son origine dans l'hypothèse du Dr George Cotzias selon laquelle la maladie de Parkinson serait causée par la perte de neuromélanine dans une zone du cerveau appelée « la substance noire » (substantia nigra). Cotzias dirigeait un groupe de recherche en pharmacologie clinique dans un laboratoire fédéral aux États-Unis. Il décida de tenter de restaurer ce pigment chez les patients, et non chez les animaux, et l'un des trois médicaments qu'il testa fut la D.L-DOPA (4).
Le Dr Oleh Hornykiewicz s'est inspiré de ces travaux pour, à son tour, chercher à déterminer les taux de dopamine de patients atteints de la maladie de Parkinson. Il a obtenu du matériel post-mortem et son article de 1960 a montré une diminution marquée de la dopamine dans le striatum des malades (le striatum est une zone proche de la substantia nigra). Dans des articles ultérieurs, il a corrélé la gravité des symptômes parkinsoniens à l'importance de la diminution de la dopamine dans le striatum. Entre-temps, après avoir découvert un faible taux de dopamine dans le cerveau de patients parkinsoniens, Hornykiewicz a persuadé Walther Birkmayer d'injecter de la L-DOPA aux patients. Ainsi, en 1961, le premier essai clinique très concluant sur la L-DOPA par voie intraveineuse a été réalisé (5).
Apprendre de ses erreurs
En 1976, un étudiant en chimie aux États-Unis s’est injecté du MPPP, un opioïde utilisé par les toxicomanes, qu’il avait synthétisé de manière incorrecte. Son injection a été contaminée par une autre substance, le MPTP et, trois jours plus tard, il a commencé à développer les symptômes de la maladie de Parkinson (6).
Cet « accident de travail » a été une aubaine pour les chercheurs. Certains ont utilisé le MPTP pour provoquer les symptômes de la maladie de Parkinson de façon assez ressemblante sur des singes. Enfin un « bon » modèle animal pour étudier la maladie de Parkinson. Ceci a permis a plusieurs équipes de chercheurs de développer une nouvelle intervention chirurgicale, la stimulation cérébrale profonde, pour traiter la maladie de Parkinson. Il s'agit d'une technique utilisée pour atténuer les symptômes moteurs, tels que tremblement, rigidité et akinésie de la maladie de Parkinson. Concrètement, une électrode est insérée dans le cerveau du patient en permanence par le biais d’un trou de trépan jusqu'à une localisation cérébrale très précise, puis une stimulation électrique est transmise à l'électrode pour activer la zone déficiente du cerveau.
Cette intervention médicale est souvent mise en avant comme « bel exemple » par des défenseurs de l’expérimentation animale ainsi que par des chercheurs ayant utilisé des primates non humains rendus « parkinsoniens » par des injections de MPTP. Ce chapitre dans l’histoire de la médecine représente plusieurs espèces de singe ayant subi l'implantation d'électrodes dans le cerveau et ayant ensuite été sacrifiés, mais aussi des sommes d’argent importantes pour subventionner ces travaux. De plus, la stimulation cérébrale profonde n’est pas anodine. Les patients risquent notamment des hémorragies, des réactions allergiques au matériau de revêtement de l'électrode et le déplacement de l’électrode.
Et qu'en est-il de la prévention de la maladie de Parkinson ? L'exposition à certains pesticides, notamment les organophosphorés ainsi que certains solvants augmenterait le risque de développer une maladie de Parkinson de façon significative. Le public est porté à croire que la recherche représente la meilleure stratégie pour faire avancer la médecine. Mais pourquoi négliger la prévention, devenue le parent pauvre de la santé publique ?
Références bibliographiques
- Greek R (2014). A Discussion of the Role of Complex Evolved Systems in the Development of Invasive Cardiovascular Interventions as Illustrated by the Blalock Taussig Shunt and Intra-Arterial Stents. Biol Syst Open Access 3:1
- Greek R, Hansen Lawrence (2012). The Development of Deep Brain Stimulation for Movement Disorders. J Clinic Res Bioeth 3:3
- Maladie de Parkinson — Wikipédia
- Four pioneers of L‐dopa treatment: Arvid Carlsson, Oleh Hornykiewicz, George Cotzias, and Melvin Yahr - Lees - 2015 - Movement Disorders - Wiley Online Library
- A brief history of levodopa | Journal of Neurology
- MPTP — Wikipédia