La plupart des chercheurs qui utilisent des animaux à des fins scientifiques croient sincèrement que les résultats obtenus sont valables pour la médecine humaine. Cela leur a été enseigné et ils perpétuent ce paradigme malgré les preuves du contraire, de plus en plus nombreuses. Ils répètent les affirmations de leurs professeurs, notamment que c’est largement grâce à l’expérimentation animale que nous pouvons sauver des vies humaines.
Pour justifier leurs travaux, les chercheurs utilisent trois arguments de façon récurrente :
- Il est nécessaire d'utiliser un système vivant entier pour étudier le fonctionnement du corps ainsi que pour étudier les maladies.
- Les méthodes dites « alternatives » ne sont pas suffisamment au point pour remplacer toutes les expériences et notamment le système vivant entier.
- C’est largement grâce à l’expérimentation animale que nous pouvons sauver des vies humaines.
Comment évaluer la véracité de ces arguments quand on ne possède pas une licence en histoire de la médecine ? En science comme en droit, la charge de la preuve incombe à celui qui affirme car, bien souvent, l'affirmation vise à faire adopter un nouveau comportement (introduire tel médicament pour traiter telle maladie, par exemple).
Examinons ces trois arguments un par un.
- Les chercheurs insistent sur l’utilisation d’un système vivant entier sans préciser quelle est l'identité de ce système vivant. Un chien est un système vivant ; un singe est un système vivant différent. Les chercheurs qui utilisent des animaux mettent en avant les « similitudes » entre animaux et humains sur le plan physiologique, métabolique, moléculaire, etc. Le mot « similaire » a un sens que chacun peut comprendre dans la vie quotidienne. Mais en quoi un chien est-il semblable à un singe et en quoi un chien ou un singe sont-ils semblables à nous sur le plan biologique ? Le chien et le singe sont (après le rat ou la souris) des animaux parmi les plus utilisés pour tester les candidats-médicaments destinés à l'être humain. Or, selon la haute autorité de sécurité sanitaire aux États-Unis (la FDA), sur dix nouveaux médicaments ayant passé avec succès les essais sur des animaux, neuf échouent au cours des essais sur l'être humain en raison de toxicité ou de manque d’efficacité chez les volontaires sains ou les patients.
Exemples ponctuels et données empiriques mis à part, il existe une preuve fondamentale du fait qu’aucune espèce animale n’est un modèle biologique pour une autre : la complexité biologique et génétique des systèmes (êtres) vivants. Un système complexe est un ensemble constitué d’un grand nombre d’entités en interaction, ce qui empêche l’observateur de prévoir sa rétroaction, son comportement ou son évolution par le calcul.
2. Les méthodes « alternatives » étaient, certes, rudimentaires au siècle dernier. Depuis une trentaine d'années, ce n'est plus le cas et leur perfectionnement s'accélère d'année en année. Alors que la réglementation encadrant les demandes d'autorisation de mise sur le marché (AMM) de tout nouveau médicament continue à accepter les essais sur des rats, des chiens ou des singes, il existe des technologies au point beaucoup plus performantes que les essais sur des animaux pour identifier des effets secondaires graves chez les patients. Par exemple, le dispositif « foie sur puce » dépasse largement les capacités des essais de routine chez le rat, le chien et le singe, pour mettre en évidence des effets secondaires graves sur le foie (une des principales causes de retrait de médicaments du marché). Les États-Unis ont franchi le pas : une loi votée fin décembre 2022 permet de ne pas faire des essais sur des animaux avant de procéder aux essais sur l'être humain.
Pour l'étude des maladies humaines, on dispose de très nombreuses techniques dont l'utilisation de déchets chirurgicaux normalement destinés à l’incinération, les cultures cellulaires d’origine humaine en 3D, les organes sur puce (et même l’humain entier sur puce), l’imagerie non invasive de patients ou de personnes saines se prêtant à la recherche sur l'être humain (avec leur consentement éclairé), les biopsies de tissus ou organes malades, les données cliniques (observation des malades), etc.
3. Dans quelle mesure des expériences faites sur des animaux ont-elles permis de découvrir des traitements salvateurs pour l'être humain ? L’historien de la médecine, Brandon Reines, met en lumière le véritable rôle de l’expérimentation animale pour entériner des hypothèses formulées par des cliniciens et des chirurgiens et ensuite reproduites par des chercheurs utilisant des animaux dans le but de « confirmer » ou de « valider » ce qui a déjà été observé dans un contexte clinique réel chez l’homme.
Référence bibliographique : On the locus of medical discovery - PubMed
Par l'analyse de ces trois arguments, il est évident qu'il existe de nombreuses méthodes pour étudier la physiologie et les maladies humaines, que ce soit dans le cadre de la recherche appliquée ou dans celui des essais réglementaires, sans utiliser d'animaux.
Qu'en est-il de la recherche fondamentale ? L'expression "recherche fondamentale" désigne « des travaux expérimentaux ou théoriques entrepris essentiellement en vue d'acquérir de nouvelles connaissances sur les fondements de phénomènes ou de faits observables, sans qu'aucune application ou utilisation pratiques ne soient directement prévues » (wikipédia).
Un chercheur qui veut comprendre tel ou tel mécanisme physiologique, moléculaire, génétique ou autre sans viser à une application thérapeutique dispose de toutes ces méthodes (dispositifs microphysiologiques, imagerie, génomique, etc.) aujourd'hui disponibles et développées à foison.
Utiliser des animaux relève d'un choix laissé à la liberté de la recherche académique. Ne serait-il pas pertinent que la question se pose : élever, maintenir captifs et imposer des souffrances à des animaux pour simplement accroître la somme des connaissances est-il justifié ? Beaucoup de personnes soutiennent la pratique de l'expérimentation animale croyant que cela sauverait des vies humaines. Combien la soutiendraient si elles savaient que d'innombrables expériences sont faites sans rapport avec la préservation de la santé humaine ?
Pour les chercheurs en biologie et médecine, la recherche fondamentale représente un chèque en blanc, puisqu’ils ne sont pas contraints à obtenir un résultat concret. Il s’agit, en somme, de « curiosité scientifique ». Pour les comités d’éthique, biaisés en faveur de l’expérimentation animale (puisque composés en majorité de chercheurs ou personnel académique), il est plutôt facile d’approuver ce genre d’études.
La recherche fondamentale est principalement faite dans les établissements publics et universités, c'est-à-dire, avec des fonds publics. Le contribuable est doublement perdant, d’abord parce que la représentation de la société civile est quasiment inexistante au sein des comités d’éthique, et ensuite, parce qu'il devient complice involontaire d’études discutables au niveau scientifique.