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Billet de blog 26 avril 2022

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Tous pollués, à qui la faute ?

Cela fait des années qu'il est de notoriété publique que notre corps -et surtout le corps des enfants- est pollué par plusieurs centaines de substances chimiques potentiellement dangereuses et persistantes. La Commission européenne aurait-elle enfin pris la mesure du problème ?

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Cela fait des années qu'il est de notoriété publique que notre corps -et surtout le corps des enfants- est pollué par plusieurs centaines de substances chimiques potentiellement dangereuses et persistantes. La Commission européenne aurait-elle enfin pris la mesure du problème ?

D'après Le Monde du 25 avril : « A l’échelle de l’Union européenne (UE), environ 300 millions de tonnes de substances chimiques sont produites chaque année par l’industrie (...). La grande majorité (74 %) est jugée « dangereuse pour la santé ou l’environnement » par l’Agence européenne pour l’environnement. Cela représente environ 12 000 substances. La plupart sont considérées comme des perturbateurs endocriniens potentiels. Et près d’une sur cinq est classée comme potentiellement cancérogène, mutagène et toxique pour la reproduction (CMR). » (1)

La "feuille de route" publiée ce même 25 avril par la Commission européenne vise à garantir un environnement sans substances toxiques à l'horizon 2030, ce qui suppose d'interdire plusieurs milliers de ces substances dans les prochaines années. Dans l'immédiat, le constat est accablant et devrait amener les autorités en charge de la réglementation à se poser la question suivante : comment tous ces produits toxiques ont-ils réussi à être autorisés à la vente ? La question est d'autant plus urgente que si de nouvelles substances doivent remplacer celles qui seront interdites, continuer à utiliser les méthodes d'évaluation de la toxicité en vigueur jusqu'à présent ne pourra évidemment pas garantir que les nouvelles substances seront moins dangereuses.

Les substances chimiques à usage industriel (plastiques, retardateurs de flamme, etc.) qui peuvent se retrouver dans les objets que nous utilisons quotidiennement  sont autorisées et encadrées par le règlement européen REACH, qui impose des essais de toxicité (dont beaucoup sur des animaux) pour chacune de ces substances (2). « Reach privilégiera désormais une approche « générique » de la gestion des risques, et non plus au cas par cas. Une évolution majeure qui permettra d’introduire des interdictions par groupe de substances, sans avoir besoin de démontrer un risque inacceptable pour chaque substance, comme c’est le cas aujourd’hui. Un processus qui paralyse le système européen d’autorisation. Sur environ 200 000 substances utilisées en Europe (une nouvelle substance est créée toutes les deux secondes par l’industrie), seulement 15 ont été interdites dans le cadre de la réglementation Reach depuis son entrée en vigueur en 2007. »

Deux questions doivent être soulevées. La première, c'est qu'aucune espèce animale n'est le modèle biologique de l'homme. La deuxième, c'est que les connaissances en sciences du vivant ainsi que les méthodes d'essais disponibles pour évaluer la toxicité des substances ont évolué depuis la conception de REACH il y a plus de vingt ans. Le « corps humain sur puce », pour ne citer que la plus sophistiquée de ces méthodes (mais il en existe de bien plus simples à mettre en œuvre et déjà validées par les autorités en charge de la réglementation) fournirait des résultats bien plus fiables et pertinents que de continuer à tester sur des rongeurs, des poules et des poissons pour protéger la santé humaine et l’environnement. Pourtant, ces méthodes fiables sont souvent ignorées par les industriels et leur utilisation n'a pas été rendue obligatoire par les autorités mêmes qui les ont validées !

Pour que cette nouvelle annonce de la Commission européenne ne soit pas un coup d'épée dans l'eau comme l'a été, on le voit par les résultats, l'entrée en vigueur de REACH en 2007, il est impératif pour les associations qui suivent ces dossiers de près d’agir sur deux axes supplémentaires. Le premier serait de braquer le projecteur sur les failles du règlement REACH en exigeant une  enquête parlementaire européenne qui commencerait par souligner le fait que REACH n’a pas empêché de produire chaque année 12 000 substances jugées dangereuses pour la santé ou l'environnement.

Le deuxième axe serait d’informer les actionnaires de l’industrie chimique de leur responsabilité morale et de les inciter à faire changer les habitudes des entreprises. Ces dernières devraient adopter sans délai les technologies ayant fait leurs preuves pour remplacer les essais sur des animaux, essais qui provoquent une souffrance épouvantable chez ces animaux et sont sans pertinence pour la santé humaine, comme le démontre le triste bilan de REACH.

(1) "L'Europe lance un plan d'interdiction massive de substances chimiques toxiques pour la santé et l'environnement", S. Mandard, Le Monde, 25/4/2022 ; https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/04/25/l-europe-lance-un-plan-d-interdiction-massive-de-substances-chimiques-toxiques-pour-la-sante-et-l-environnement_6123596_3244.html

(2) https://antidote-europe.eu/public/Medleg&bioethFR.pdf

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