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Billet de blog 27 juin 2022

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Appel d’un vétérinaire aux actionnaires de l’industrie pharmaceutique

Les technologies dont nous disposons aujourd’hui (organes humains sur puce, cultures cellulaires humaines en trois dimensions, cellules souches d’origine humaine, organoïdes, etc.) sont beaucoup plus fiables et pertinentes pour la santé humaine que les essais sur des animaux.

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Aujourd’hui, les dégâts liés au réchauffement climatique sont pleinement en évidence. Il est difficile de ne pas se sentir concerné alors qu'un nombre croissant d'habitants de la planète est victime de canicule ou d’inondation. C’est sans doute ce qui a touché certains groupes d’actionnaires dans l’industrie du pétrole, les incitant à exiger des gérants de ces entreprises une accélération de la transition vers des énergies renouvelables. Serait-il possible d’utiliser une stratégie semblable pour supprimer l’expérimentation animale dans l’industrie pharmaceutique ?

Explications. Contrairement au réchauffement climatique, l’expérimentation animale se pratique le plus souvent dans des laboratoires en sous-sol, hors de la vue du public. S'agissant de promouvoir une stratégie qui concernerait l’industrie pharmaceutique, limitons-nous ici aux procédures pratiquées sur des animaux dans le cadre réglementaire, c’est-à-dire les essais requis avant de passer aux essais cliniques chez l’homme. Ceci représente environ 25% de toutes les procédures d'expérimentation animale pratiquées chaque année.

Concrètement, tout candidat médicament doit être testé sur au moins deux espèces animales, notamment un rongeur (le plus souvent le rat) et un non rongeur (le chien ou le singe). Pour le chien, cela suppose le gavage par sonde gastrique jusqu’à trois fois par jour pendant 90 jours, sans anesthésie, ni analgésie. La race de chien la plus utilisée est le beagle, sélectionnée pour ses traits d'obéissance et de docilité. À la fin des 90 jours, les chiens sont tous euthanasiés et leurs organes examinés. Des vidéos tournées en caméra cachée montrent souvent une souffrance importante. Suite au gavage, il arrive que le médicament passe dans les poumons plutôt que dans l’estomac, provoquant une pneumonie.

Cela seul pourrait déjà choquer les actionnaires et les investisseurs, mais il existe un autre enjeu important. Les technologies dont nous disposons aujourd’hui (organes humains sur puce, cultures cellulaires humaines en trois dimensions, cellules souches d’origine humaine, organoïdes, etc.) sont beaucoup plus fiables et pertinentes pour la santé humaine que les essais sur des animaux. Pourtant, ces technologies sont bloquées faute de fonds publics pour les faire « valider ». Une validation qui, c'est un comble, n'a pas été imposée aux essais réglementaires qui se font sur des animaux (essai de cancérogénicité, de toxicité aiguë, de toxicité chronique, de toxicité pour la reproduction, etc.).

Le processus de validation consiste en une évaluation strictement scientifique réalisée par trois laboratoires agréés par la Commission européenne à cet effet. Le coût minimum d’une telle évaluation est d’un million d’euros, prohibitif pour les organisations de protection animale. Par contre, l’industrie pharmaceutique possède les compétences et les moyens financiers nécessaires pour réaliser l’étape essentielle de la validation des nouvelles technologies capables de remplacer les essais sur des animaux. Qu'attend-elle ? 

Cette tribune constitue donc l'appel d’un vétérinaire aux actionnaires de l'industrie pharmaceutique pour faire évoluer la science, aussi bien pour éviter la souffrance animale inutile que pour évaluer de façon fiable l'efficacité et les possibles effets secondaires de nos médicaments. Malgré les essais sur des animaux, les effets indésirables des médicaments provoquent des dizaines de milliers de décès par an et plusieurs centaines de milliers d'hospitalisations. Ce phénomène constitue la troisième cause de décès chez l'homme, après les infarctus du myocarde et les cancers.

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