Le 31 mai 2022, Le Figaro publiait un article intitulé « Les effets indésirables graves des médicaments en forte hausse ». En voici un extrait :
« Le plus surprenant, c’est que les scientifiques ne comprennent pas pourquoi une telle hausse. «Il s’agit d’une tendance observée dans d’autres pays, mais nous n’avons pas d’explications claires», commente la Pr Marie-Laure Laroche, pharmacologue au centre régional de pharmacovigilance (CRPV) de Limoges, principale investigatrice de l’étude Iatrostat, menée par le réseau des 31 CRPV et présentée le 18 mai à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). » (1)
Or, il existe bien plusieurs explications plausibles. Il faudrait, d'une part, faire un examen critique du processus d'évaluation des médicaments avant leur mise sur le marché et, d'autre part, voir comment ces médicaments sont utilisés dans la vie réelle. Voici quelques pistes.
- Tout médicament est testé sur au moins deux espèces d’animaux avant de passer aux essais cliniques chez l’homme. Mais ces tests sur des animaux ne font que donner un faux sentiment de sécurité. Selon la haute autorité de sécurité sanitaire aux États-Unis, la FDA, sur dix médicaments ayant passé avec succès les tests requis sur des animaux, neuf échouent au cours des essais cliniques sur l’homme (par absence d’efficacité ou présence d’effets indésirables non identifiés chez les animaux) (2).
- L’industrie pharmaceutique sélectionne les espèces d’animaux les plus susceptibles de fournir un résultat favorable pour permettre de passer au plus vite aux essais cliniques sur l’homme. Prenons l’exemple du médicament anti-inflammatoire Vioxx (retiré du marché en 2004) dont il a été reconnu qu'il avait provoqué des dizaines de milliers d'accidents cardiovasculaires et la mort d'environ 40 000 personnes. Lors du procès au civil intenté contre Merck (le fabricant du Vioxx), les avocats de ce dernier ont cité des études démontrant que ce produit était cardioprotecteur… chez les souris (3).
- Une fois tous les essais « précliniques » (y compris ceux sur des animaux) terminés, la loi impose de faire des essais sur des personnes « volontaires » saines. Cette étape est celle des « essais cliniques de phase 1». Ici aussi, une sélection des participants est possible, l'industrie favorisant ceux grâce auxquels elle obtiendra le profil de sécurité le plus favorable à son produit. Par exemple, il est connu que les femmes ont davantage d'effets secondaires que les hommes suite à la prise d'un même médicament (4).
- La polypharmacie, à savoir la prise de quatre médicaments et plus aux indications diverses, représente un risque sanitaire qui ne cesse de croître. Augmentation des hospitalisations, dangers de potentielles interactions, hausse de la mortalité chez les patients souffrant de maladies chroniques… cette tendance peut avoir des répercussions graves (5). Or, ce phénomène n'est jamais évalué à l'avance puisque les médicaments ne sont testés, au cours des essais cliniques (et précliniques), qu'un par un.
Il y a peu de chances que la hausse observée des effets indésirables graves de médicaments s'infléchisse. Malgré les essais sur des animaux et malgré les essais cliniques, les effets indésirables des médicaments provoquent des dizaines de milliers de décès par an et plusieurs centaines de milliers d'hospitalisations. Ce phénomène constitue la troisième cause de décès chez l'homme, après les infarctus du myocarde et les cancers (6).
Pour en prendre réellement la mesure, encore faudrait-il que les données de pharmacovigilance (le suivi des médicaments après leur autorisation de commercialisation) soient fiables. Or, seuls entre 1 % et 10 % des effets indésirables subis suite à la prise de médicaments seraient déclarés (7). De quoi faire encore monter en flèche le nombre d'effets indésirables graves constatés si seulement ces accidents médicamenteux étaient tous déclarés, enregistrés et analysés.
Références bibliographiques :
- https://www.lefigaro.fr/sciences/les-effets-indesirables-graves-des-medicaments-en-forte-hausse-20220530
- https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26364776/
- https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1779871/
- https://livre.fnac.com/a2422462/Michele-Julien-Le-monde-ignore-des-testeurs-de-medicaments
- https://www.planetesante.ch/Magazine/Medicaments-examens-et-traitements/Traitements-medicamenteux/La-polypharmacie-une-nouvelle-epidemie
- https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25355584/
- https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02473574/document