Le secteur s’est donc professionnalise un peu à la fois ....
A l’origine, le cœur du métier est celui de l’expertise comptable ... les élus font appel de façon récurrente à des intervenants capables d’analyser les comptes de l’entreprise et d’en comprendre les impacts ... tous les ans, à période fixe, cette activité reprend ... c’est ce que les cabinets appellent la saison ... cette activité s’est enrichie de missions d’expertise de type droit d’alerte, risque grave, PSE, expertises technologiques .... Conditions de travail avec les CHST dont les méthodes phares sont aujourd’hui les missions Risques psycho sociaux ...
Trois profils majeurs façonnent le secteur : les comptables et par extension les économistes, les ergonomes et les psychologues en force depuis la vague de suicides chez France Telecom ...
Une mission économique assurait par nature un juste équilibre entre compréhension technique et politique, les experts étaient souvent reconnus non seulement par les élus mais aussi par les directions pour leur maitrise sectorielle (banque, assurance, industrie) et leur maitrise technique économique et comptable ... une compréhension globale de la situation de l’entreprise et des risques encourus étaient globalement assurés ...
Ce qui était un atout est aussi un danger .... on ne peut analyser les comptes d’une entreprise, d’un groupe sans en connaitre la stratégie et les risques ... en conséquence quand on se trouve face à une stratégie où les plans sociaux se succèdent en cascade jusqu’à la vente, par appartement ou globale voire jusqu’à la fermeture l’expert sauf à le considérer comme stupide peut difficilement ne pas avoir compris les incidences ... la question de ce qu’il énonce et de ce qu’il écrit dans son rapport est déterminante dans la défense syndicale des salariés ...
la collusion entre direction et expert est un risque évident auquel tout expert est confronté .... la gestion d’un compte, d’un dossier est donc stratégique du point de vue de l’expert, du cabinet, des syndicalistes .... plus les syndicalistes sont forts et moins le risque est grand ... plus les syndicalistes sont faibles et attendent tout de l’expert plus le risque est fort que l’expert soit en quelque sorte absorbé par le milieu ....
Se pose alors la question de l’articulation des experts et des missions CHSCT avec les missions et les experts CE ....
Par exemple tel expert CE intervient depuis des années en analyse des compte, chaque année il est sans même que les élus ne s’interrogent désigné ... il fait en quelque sorte partie des meubles pour les élus mais aussi pour la direction ... il se rend compte au fil des années que l’activité de la structure perd des part de marché et que se pose la question de son devenir ... où il prend le parti d’alerter et fort est à parier que les directions mettront tout en œuvre pour se débarrasser de cet expert ou il rassure et endort les élus au point que trois ans plus tard la société et le groupe auront été vendu, dépecés et leurs salariés liquidés sans réelles luttes ni grand fracas ....
Que se passe-t-il lorsque des experts CHSCT ergonomes et psychologues du travail interviennent à leur tour ... où ils comprennent les enjeux et calent leur intervention sur celle du collègue du CE ... et détournent pudiquement les yeux de ce qui ne doit pas être vu ... un exemple : un entrepôt logistique est en cours de construction .... au milieu des champs ... quelques piliers sortent à peine de terre ... que peut dire l’expert CHSCT ? qu’il y aura de toute évidence un impact sur les trajets ... au-delà faute de perspectives tangibles, l’expert se concentre sur l’existant pour démontrer à quel point l’organisation en est archaïque et a besoin conformément aux déclarations de la direction de se moderniser de toute urgence .... trois ans plus tard on découvre qu’une population jeune et précaire a remplacé les anciens qui n’ont pas voulu suivre ou ceux qui ont suivi mais ne pouvant supporter les déplacements, les horaires coupés ... et un outils de travail déterminant totalement le travail et son rythme ont fini par céder et partir dans de mauvaises conditions qui excluaient par nature leurs profils ....
Que se passe-t-il encore quand des experts CHSCT interviennent en complément de l’expert CE dans un processus de concentration des centres d’appels téléphoniques d’un ensemble de filiales et de création d’un call center ... de deux choses l’une où il détourne pudiquement le regard et affirme qu’il faudra accompagner les salariés mais que le projet vaut la peine d’être tenté que des risques sonores existent qu’un accompagnement au changement doit prévenir les tensions éventuelles ...
ou il énonce les risques de fermeture et de transfert progressif de l’activité dans des lieux plus rentables comme le Maghreb ou l’Asie ....sont réels et que les trois ans serviront à former ceux qui hériteront au final de l’activité ... grâce à un salaire de trois fois ou plus inférieur aux salaires français .... trois ans plus tard ... le call center est vide, les activités ont été vendues et déportées, les salariés sont partis, les élus sont chez eux payés attendant la décision du tribunal administratif .... des milliers d’emplois ont ainsi disparus comme neige au soleil dans une région durement frappée par le chômage sans qu’on ne fasse rien bien plus en désarmant ceux qui pour beaucoup risquent de ne pas retrouver d’emplois ... après vingt ou trente ans de bons et loyaux services ... gâchis invraisemblable dont tous n’ont cure alors qu’une réflexion de fonds sur la revitalisation de la région, le bassin d’emploi et la formation sont les composantes qui pourront peut-être éviter qu’une région entière ne s’enlise dans la précarité et la désespérance sur au bas mot trois générations .... le silence et la léthargie sociale ont un cout : le niveau du front national aux élections est le témoin de la désespérance de toute une région ...