Stigmatisation des personnes en difficulté, méfiance des pauvres et des précaires, haine des pauvres perçus comme source de déstabilisation sociale, depuis le vieil Hugo rien en dépit de nos illusions n’a vraiment changé ! et pourtant la Suisse ! si bucolique et si paisible ! et ... si profondément capitaliste ! Temple, refuge symbole de toutes les finances !
On avait découvert il y a quelques temps avec une surprise, la présence en Suisse, comme en France, de camps bien cachés, durant la seconde guerre mondiale. Le recours reflexe au parcage des personnes stigmatisées comme indésirables et à risque, serait-il un réflexe archaïque partagé par tous les pouvoirs traditionnalistes sinon totalitaires ?
Les siècles défilent, industriels et financiers ne cessent de faire miroiter aux pauvres les leurres de jours meilleurs, l’avènement proche d’un pouvoir consensuel exercé par des experts présentés comme neutres et objectifs ... pourtant, jour après jour, la misère demeure inchangée avec des gens que les états capitalistes excluent et parquent ... et maltraitent ! La lutte des classes ne serait donc pas morte ?
http://pluzz.francetv.fr/videos/au_nom_de_l_ordre_et_de_la_morale_,139990508.html
Le témoignage Suisse : paradis fiscal, développement économique et recours massif à une main d’œuvre pauvre, les tenants du dérapage vers des situations de crimes contre l’humanité
Ce 16 mai était diffusé sur FR3 après l’émission sur les raisons de l’étouffement du Pétainisme après-guerre, un reportage appelé « Au nom de l’ordre et de la morale » produite par B Joucla.
La Suisse, se révèle comme un pays attaché de façon structurelle à l’ordre et à la morale les plus traditionnalistes qui soient. On découvre une organisation sociale insoupçonnée fondée sur un maillage social extrêmement fin dont l’objectif est le repérage, la surveillance et la gestion de toutes sources de bouleversement social potentiel. Le maillage se fonde sur ceux qui dans les moindres recoins du pays incarnent l’autorité : la bourgeoisie, le curé, l’instituteur, le médecin, le facteur, les commerçants, et enfin à la base de cette pyramide sociale les voisins. Cette organisation sociale sera à l’œuvre de l’après–guerre aux années 80 ! donc dans un environnement de pays à majorité agricole connaissant peu à peu la mutation des équilibres industriels et financiers qui ont traversé les pays capitalistes dans la seconde moitié du 20 ème siècle.
Dans les années 50, période de reconstruction, période de fort besoins en main d’œuvre, qui est identifié comme sources potentielles de tensions et de perturbations sociales : les pauvres ! stigmatisés comme lieu premier de remise en cause de l’ordre établi et de la morale. Face à ces besoins de recours massifs à la main d’œuvre pauvre, le besoin d’identifier les risques, de canaliser les faiseurs de troubles potentiels, et de les mettre hors d’état de nuire s’impose selon les tenants traditionnalistes de l’administration d’Etat. Les outils au service de ce maintien de l’ordre coute que coute ? les outils traditionnels des situations de guerre ! parcage, internement, esclavagisme, viol, stérilisation, eugénisme ... tant de crimes pointés dans la listes des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.
« Sont et demeureront prohibés en tout temps et en tout lieu les actes suivants, qu'ils soient commis par des agents civils ou militaire] […] les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants, la prostitution forcée et toute forme d'attentat à la pudeur AP I, art. 75 (2) (b) Les femmes seront spécialement protégées contre toute atteinte à leur honneur, et notamment contre le viol, la contrainte à la prostitution et tout attentat à leur pudeur. CG IV, Art. 27 (2) Les femmes doivent faire l'objet d'un respect particulier et seront protégées, notamment contre le viol, la contrainte à la prostitution et toute autre forme d'attentat à la pudeur AP I, art. 76 (1) Art. 8 (2) (b) (xxii) Le viol, l'esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée, telle que définie à l'article 7, paragraphe 2, alinéa f), la stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle constituant une infraction grave aux Conventions de Genève Le viol et les autres formes de violence sexuelle sont interdits Étude DIHC ». […] « sont et demeurent prohibés en tout temps et en tout lieu à l'égard des personnes visées au paragraphe 1 : e) les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants, le viol, la contrainte à la prostitution et tout attentat à la pudeur AP II, art. 4 (2) (e) […] sont et demeurent prohibés en tout temps et en tout lieu à l'égard des personnes visées au paragraphe 1 : f) l'esclavage et la traite des esclaves sous toutes leurs formes AP II, art. 4 (2) (f) Art. 8 (2) (e) (vi) Le viol, l'esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée, telle que définie à l'article 7, paragraphe 2, alinéa f), la stérilisation forcée, ou toute autre forme de violence sexuelle constituant une violation grave de l'article 3 commun aux quatre Conventions de Genève Le viol et les autres formes de violence sexuelle sont interdits Étude DIHC, Règle 93 ».
A Convention de Genève est pourtant sans ambiguïté ! alors quoi ? ce qui est interdit durant les guerres saurait autorisé en temps de paix ? inconcevable ? où faut-il comprendre que pour les tenants du capitalisme, tout risque de mise en cause de la paix sociale structurelle attachée au statut de paradis fiscal et de temple des finances est de nature à faire basculer le pays dans une situation de guerre ? interne ! civile ? où en raison de ce statut de paradis fiscal, tous les écarts aux règles édictées par la Convention de Genève, sont rendus non seulement possibles mais structurels. Qu’évoque le reportage : processus d’internement d’enfants et de femmes, de martyre exercé par personnes ayant autorité, d’esclavage, d’eugénisme au nom de la morale ? Et c’est bien une réponse d’Etat qui est donnée à ces pauvres bafoués et martyrisés : le reportage annonce d’entrée que 50 ans plus tard les pauvres se sont révoltés contre les injustices subies, qu’ils se sont rassemblés, qu’ils se sont organisés pour que les 100 000 signatures nécessaires à l’ouverture d’un débat législatif soit rassemblées et qu’un débat législatif soit enfin ouvert ! et qu’au final l’Etat par son ministre reconnait l’injustice, présente les excuses du pays aux pauvres et les réhabilitent !
Comme sous Vichy, comme dans toute guerre,
des crimes, reposant sur le maillage social et la délation
Quelle organisation sociale pour contenir la révolte potentielle des pauvres et les maintenir sous le joug de la morale traditionnaliste ? une organisation sociale fondée sur la surveillance et la délation d’une part , la répression et le crime d’autre part ! toute personne dépeinte comme un comportement non conforme (paresse, esprit frondeur, liberté de mœurs...) à la morale est dénoncé par les tenants du maillage social et sujet d’une décision administrative totalement arbitraire ne procédant en aucune façon d’une décision judicaire qui aurait exigé un acte délictueux ... la décision administrative arbitraire ressort de la présomption d’une déviance, d’une culpabilité potentielle ...
L’exemple d’une famille de 7 enfants enlevés à leurs parents, internés, brimés et torturés en raison du divorce de leurs parents nous éclaire ; une situation où le jugement moral public prime sur un judiciaire écarté du processus de décision administrative ! situation de fait sans jugement et en l’absence de tout acte délictueux.
Le père est jugé amoral puisque divorcé, vivant en concubinage et donc inapte à élever ses enfants, la mère, seule, est elle aussi, considérée comme inapte à élever 7 enfants réputés sales, et livrés à eux-mêmes par les voisins. Les enfants sont dès lors placés sous tutelle et incarcérés sans autre procès dans un établissement de redressement. Le processus de redressement nous est dépeint comme préventif ... assénés à des enfants réputés « mauvaises graines » ... ; ces enfants ne sont pas seulement victimes de leur situation familiale, et de l’appréciation que la hiérarchie sociale porte sur leurs parents, ils sont aussi jugés en raison d’une hérédité perçue comme potentiellement dangereuse : « mauvaises graines ! »
Le processus de redressement se fonde sur un système punitif de privations où les punitions corporelles sont présentées comme quotidiennes, allant des cris, des vexations, des douches froides, aux coups réguliers, baguette parfois tapette en fer ... sur des enfants allant de 2 ans à l’adolescence ... le système punitif bascule inévitablement vers le martyre permanent accompagné de viols !
Les témoignages précises que le pays est couvert de centres de redressement dont la gestion est confiée aux religieuses et aux prêtres. Les acteurs directs du système répressif sont les religieuses et les prêtres.
Les témoignages suisses renvoient notamment aux témoignages irlandais une réalité répressive dénoncée au début des années 2000 en d’autres lieux et particulièrement en Irlande : le cas des blanchisseries gérées par des religieuses où, plus de 10.000 des jeunes filles et des femmes appelées Magdalene Systers internées en raison de leur état de mère célibataire et ou de leur comportement jugé immoral ont travaillé gratuitement entre 1922 et 1996 après avoir dû abandonné leur enfant pour qu’il soit adopté par des familles bien pensantes.
Cette effroyable affaire vient à l’appui d’une autre affaire irlandaise pour laquelle Catherine Corless, historienne, a établi en 1975 que dans la ville de Tuam, la fosse commune de l’ancien couvent catholique irlandais des sœurs du Bon Secours, abritait les ossements des 796 bébés de mères célibataires internées par les sœurs entre 1925 et 1961.
En Suisse comme en Irlande, des êtres fragilisés sont traités en ennemis publics, au nom de l’ordre et de la morale ; Internés et asservis, les enfants, bébés, présumés porteurs de gênes immoraux comme leurs parents sont décimés ; les plus grands sont soumis à des sévices visant leur stigmatisation, leur soumission voire leur anéantissement.
Perçus comme de la mauvaise graine, tout le système vise à les en convaincre au plus profond de leur chair et de leur psychisme, à effacer tout attachement à leur histoire et à leur famille, et à anéantir toute revendication à un passé révolu, ils ne sont plus rien ! Dès leur arrivée le cadre de leur internement est fixé, brouillant les souvenirs et abimant les liens familiaux ; les religieuses les informent qu’ils sont non pas retirés à leurs parents comme c’est le cas mais abandonnés par ceux-ci parce que non aimables et non aimés ; en conséquence ils sont placés dans ce centre sans recours possible. Les témoignages des enfants suisses devenus adultes dépeignent les religieuses comme des tortionnaires chez qui les punitions corporelles se transformaient en torture. Les prêtres dans ce dispositif punitif sont dépeints par ces enfants martyrs comme violeurs.
Un système punitif visant la destruction et la réduction en esclavage de l’être
Ce qui est éclairant dans le témoignage de ces enfants martyrs devenus hommes c’est la permanence du système de torture intégré psychiquement, continuant soixante ans plus tard à blesser les êtres au plus de leur psychisme. On constate des blessures toujours à vif.
Comment en serait–il autrement : le système de redressement est un système pensé pour anéantir, pour tuer psychiquement, moralement et socialement
Le système de torture est élaboré, il repose sur le symbolisme et la sidération dans lesquels les enfants sont enfermés. L’état religieux des tortionnaires et l’utilisation du cadre religieux (discours et pratiques) renforcent par l’utilisation du symbolisme la puissance de sidération et d’anéantissement de la pensée et de la capacité de résistance. Le symbolisme impose un prêt à penser et court-circuite la pensée critique, anéantit les repères et plonge dans la passivité sous couvert d’obéissance. Le témoignage des enfants martyres pointent sur la confusion entre sévices et pénitence, entre pénitence accomplie et pardon de Dieu et élection et cela étant, empêche toute rébellion en accélérant l’intériorisation du processus de culpabilisation (être mauvais, faute (y compris non commise) et d’acceptation du processus de redressement. Elle présente le processus de redressement comme une chance, fruit de la bienveillance et de la bonté s’assurant ainsi doublement le mutisme des enfants martyrisés.
Le viol par un prêtre dans ce processus de redressement apparait non comme un acte de pédophilie (même s’il ne l’exclut pas) mais comme un acte punitif réalisé au nom de dieu et devant dieu ... un acte qui porte en ce lieu effroyable un nom et se fait concept : éteindre la bougie de dieu ... ! selon le témoignage d’un homme fracassé par ce qui n’est pas compréhensible... la bougie de dieu n’est autre que le cierge pascal ! le cierge symbole de la descente aux enfers et de la résurrection ! le témoignage de ces hommes, enfants violés, se poursuit sous sidération et plein d’incompréhension et de scandale devant le blasphème et le martyre subis dans un silence absorbeur de souffrance exigé par le bourreau, qu’une fois le viol réalisé, le bourreau donne une tape sur l’épaule de l’enfant, symbole traditionnel qui est signe de celui qui conduit, du directeur de conscience et du pasteur, signe de la soumission exigée !
Les termes exprimés ont l’apparence de paroles pastorales ! le violeur dit à l’enfant martyrisé que dieu lui sera reconnaissant d’avoir supporté la pénitence et qu’il pourra dès lors éteindre la bougie de dieu ! on entend : « la messe est dite » !
Un témoignage insupportable qui convoque non seulement l’Etat mais le monde ... chacun connait aujourd’hui la place que les punitions corporelles, du mépris, de l’exclusion ont joué dans un système éducatif dont le pouvoir est fondé sur l’exigence de soumission absolue des individus aux maîtres ... le monde commence à découvrir sous le signe de débordements et de perversion sexuels en nombre ... qu’une déviance peut être le signe d’un fonctionnement institutionnalisé ; un système éducatif punitif fondé complémentairement sur la punition, le viol et l’emprise sexuelle, morale, psychique et religieuse.
Le langage de l’ordre traditionaliste est symbolique ! symbolique pour deux raisons : la première est le secret (l’accessibilité du sens par les initiés ; la seconde est que le symbole prend son sens dans l’abandon d’un état non souhaitable en un état consacré socialement et ecclésialement ! ). Que peut être bien être le sens de la mise en abime d’un enfant par un prêtre ? Abimer quelqu’un sexuellement, le tacher ! c’est non seulement le renvoyer et l’identifier au péché originel et à la marque de son héritage mais c’est inscrite devant dieu que le salut ne peut être donné que par la pénitence et les bourreaux ... une fois la mise en conformité actée ! c’est prendre entièrement possession de l’être physique, psychique et moral de l’enfant pour en faire ce qui a été décidé : potentiellement esclave ou prêtre dans une perspective de reproduction du système ?
Cela rejoint bien les objectifs et mécanismes exactions réalisées lors des guerres et définies comme crimes contre l’humanité. Le témoignage de la Suisse comme le témoignage de l’Irlande montre que dès lors qu’une religion devient religion dominante voire d’Etat, elle se fait système de coercition contrairement aux principes de liberté, de respect qu’elle est censée servir.
Avec le second type de témoignages nous verrons que religion exercée par des extrémistes adossés à des pratiques médicales pour le moins abusives sont des armes au service d’un fonctionnement politique, social et administratif totalitaire. Le second type de témoignages est celui des femmes ... le traitement de mères célibataires n’ayant commis d’autre crime que le crime moral d’avoir conçu des enfants hors mariage ! manifestation pour les moralistes traditionnalistes d’une perversion qualifiée, nous le verrons, d’héréditaire et de génétique et bien sûr de faute à la loi morale !
On découvre la mise en place d’un système carcéral, non contrôle par la justice mais sous la responsabilité du seul système administratif avec le concours déterminant des médecins, et notamment des psychiatres avides de territoires d’exercice de leur art, confondant de manière illégitime, le terrain social et le terrain médical. Les jeunes mères sont qualifiées au plan psychiatrique ce qui autorise le fait de leur imposer une stérilité par ligature des trompes, soit l’avortement de l’enfant soit son adoption par une famille traditionnaliste, et le placement pour un temps non défini en établissement carcéral. Les parents sont abusés dans leur rôle d’éducateur par l’administration et les médecins ce qui permet de placer la jeune femme sous l’autorité d’un tuteur.
Eugénisme masqué et crime contre l’humanité : la stérilisation de populations contre leurs grés étant qualifiée aujourd’hui de crime : « Des programmes de stérilisation contrainte ont été mis en place par plusieurs États, souvent sous l'influence de théories eugéniques. Aujourd'hui, la stérilisation contrainte est considérée comme un crime contre l'humanité selon le Statut de Rome. Le Japon et les États-Unis furent les premiers à le faire, suivis par la Suède, l'Allemagne nazie, le Pérou d’Alberto Fujimori dans les années 1990, etc. De tels programmes sont imposés à certaines catégories de la population, qui, dans le cadre de théories eugéniques (et parfois racistes) sur un prétendu risque de « dégénérescence raciale », sont stérilisées contre leur gré, parfois à leur insu. Ces programmes eugénistes ont été réalisés souvent sur des personnes de couleur, des malades mentaux (Jusqu'en 1973, l'homosexualité était considérée comme une maladie mentale par le Diagnostic Statistical Manual ou DSM qui sert de référence à tous les professionnels de la santé et des services sociaux en Amérique du Nord pour faire un diagnostic) ainsi que sur des criminels, toxicomanes, prostituées, voire au début sur des personnes de classe populaire. »
Le reportage nous transmet le témoignage d’une enfant retirée à sa mère et adoptée par une famille bien traditionnaliste où la vie était réglée par la prière. Le témoignage montre que l’enfant adoptée, considérée dans un premier temps comme hyper active, est victime d’un processus de susception et d’hérédité négative et de contrôle de la famille et des médecins ... placée sous contrôle et sous contrainte, apprenant à l’adolescence qu’elle est adoptée elle sombre dans un processus d’exclusion qui la conduit a chercher son équilibre à l’extérieur de ce cercle destructeur ... elle tombe enceinte et subi le même processus que sa mère biologique par les mêmes autorités et le même médecin ; mais elle subira outre une stérilisation un avortement. Ce n’est qu’en 1977 que la Suisse mettra fin aux stérilisations pour préservation de l’ordre moral.
Les outils du totalitarisme et de l’ordre et de morale
L’exemple de la Suisse convoque à réfléchir sur l’organisation sociale de notre pays, actuelle avec les dérives carcérales introduites par la loi de 2008 mais aussi en amont sur le poids de la morale dite chrétienne dans une organisation sociale au service d’un patronat aussi dominant que totalitaire.
Plus que la Suisse la France d’après-guerre est confrontée aux exigences de la reconstruction et de la revivification de son économie. Contrairement à la Suisse la France se reconstruit sur des fondations et un rapport de force fruits de la résistance ; le pacte social n’autorise pas l’affichage d’un schéma de contrôle similaire à la lettre à celui de la Suisse. Ce n’est pas pour autant qu’un système de contrôle au service de l’ordre et de la morale, renforcé sous Vichy est devenu par l’effet de la libération est absent des rouages de fonctionnement du pays.
Si la France d’après-guerre est marquée par le rapport de force instauré par ceux de la résistance, elle est aussi marquée par la permanence des élites des états capitalistes, et notamment celles qui ont été actives dans la montée en puissance des états fascistes en Europe et en France. Comme en Suisse le système d’identification et de cadrage des opposants potentiels au développement de l’industrie et de la finance asservissant des classes populaires est en place ; après-guerre il se fait simplement plus subtil attendant des temps plus favorables à la reprise en main, fut-ce par la politique de la terre brûlée des années 70.
Après-guerre, une fois la première phase fortement influencée par la lutte pour imposer le contrat social porté par le programme des jours heureux, la reprise en main du pays par les industriels et la finance et par les partis qui leur étaient soumis, a permis le rétablissement de l’ordre et de la morale traditionnalistes. Sera réactivé, le maillage de contrôle social caractérisant de tout temps la France : les industriels, les banquiers, les prêtres et les religieuses, les écoles libres et les écoles laïques, voisinages investis par les gens réputés bienpensantes ou parcage des familles réputées à risque. La pyramide sociale est sensiblement identique à la hiérarchie sociale suisse.
Le recours à la décision administrative massive est inenvisageable en France compte tenu du rapport de force politique par contre la mise sous tutelle morale et sociale est permanente, dans la vie domestique des personnes, grâce au réseau des dames patronnesses et à leurs ouailles ; c’est l’époque où elles investissent les familles soit sous couvert d’autorité, soit sous couvert de parrainage (tutelle) soit sous couvert d’amitié ... les prêtres s’imposent dans les familles allant jusqu’à contrôler ce que les pauvres mangent et boivent, tandis les dames patronnesses contrôlent la tenue de la maison et le « bon esprit » de la maitresse de maison et des enfants... les voisins assurent un contrôle de proximité au quotidien et pratiquent une délation morale ...
Les enfants, comme dans tout état totalitaire, sont mis à contribution et utilisés comme espions-délateurs des parents (remontée d’information détaillée de la vie quotidienne, des difficultés de la famille, des oppositions internes à la famille mais aussi anéantissement de l’autorité d’un parent subversif par des enfants sous emprise de tuteurs moraux et téléguidés pour ce faire) ; c’est l’époque où le pointage de la présence à la messe s’impose aux enfants mais aussi via le réseau de voisinage et de surveillance, aux parents ; c’est l’époque où la journée de travail commence par la prière dans de nombreuses entreprises et où les communistes ou les sympathisants communistes sont excommuniés de l’église, et où tout frondeur est exclu des entreprises et exclu socialement. C’est l’époque où l’avortement est un crime .... où les filles mères sont montrées du doigt et socialement exclues du mariage et de la vie sociale. Quand le système trop oppressant craque comme en 68, les barons de l’ordre font le gros dos et attendent les temps opportuns pour la reprise en main, mettant à l’index et excluant rebelles et meneurs.
Un système de contrôle et d’oppression fondé sur la perversion des pauvres par une élite sociale de proximité qui déborde le cadre des établissements de redressement. Le film d’Yves Boisset en 80 immortalise l’affaire de Bruay en peignant ces mécanismes de parcage, de suivi social, de perversion et d’esclavage, y compris sexuel des pauvres par les réseaux des puissants, une totale mise en abime des enfants et des familles ; affaire de Bruay mise en résonnance par l’affaire d’Outreau.
La capitalisme se caractérise par sa souplesse et son adaptabilité ; dans les années 70, lorsque le rapport de force imposé par les classes populaires deviendra trop prégnant les capitaines d’industrie mettront en place un processus d’arrêt et d’externalisation de leurs entreprises, liquideront industries minières, sidérurgie, textile, fabrication et conception, faisant table rase du passé, et s’installant à l’autre bout du monde dans des conditions d’exploitations financièrement plus favorables et laissant incrédules, anéantis, pour des décennies, exsangues ceux qui les avaient servi pendant des siècles. Lorsque le maillage social se rompt dans les années 80, que les pauvres deviennent non gouvernables selon les principes traditionnels de la domination on constate que les églises déplacent les ordres religieux trop proches des pauvres, éloignent les prêtres ouvriers que les pauvres délaissent les églises qui resserrent les rangs autour du groupe social dominant.
Les sectes à la rescousse du contrôle social
Avec les années 70, se fracture le système d’après-guerre. Facture à payer de Vatican II ? de Mai 68 ? qui ont consacré une ouverture non désirée par les puissants.
Les années de guerre avait favorisé au sein de la Résistance un rapprochement entre les forces de gauche et les chrétiens de gauche. Après la guerre, des voix de l’abbé Pierre, du Père Joseph Wresinski s’étaient élevées pour mobiliser la population contre l’exclusion, la précarité, la mise en abime des plus pauvres. L’abbé Pierre était un ancien de la résistance, le Père Joseph fils de pauvre, avait souffert de l’accompagnement stigmatisant des dames patronnesses. Tous deux s’efforceront de redonner la parole, la dignité, l’autonomie et l’initiative aux pauvres. Une autre voix de la résistance se joindra à eux, celle de Geneviève Anthonioz De Gaulle, reconnaissant dans les pauvres et dans leurs baraquements des frères d’armes martyrs. Ils se battront seuls avec leurs pauvres pendant des années jusqu’à ce que le business prenne le dessus et les marginalise et les transforme en laissez-passer. Emmaüs deviendra une entité internationale à la surface financière confortable, ATD Quart monde cherchera un second souffle remettant en cause les principes d’autonomie du Père Joseph ... les rangs des pauvres qui resteront chroniquement pauvres et exclus ne se tariront pas. Que deviendra l’héritage du Père Joseph confronté aux mouvements charismatiques alors que les sectes se dévoilent comme lieu d’expérimentation du contrôle social, de manipulations psychiques s’appuyant sur les charismes ... sans doute sommes-nous convoqués à nous interroger de façon d’autant plus radicale que la permanence de la théologie de la libération a été la clef de voute du basculement du mode de réception de Vatican II et de la doctrine sociale de l’Eglise .
Les sœurs ouvrières dont la mission était de travailler en usine, trop compréhensives et proches des pauvres, leur redonnant elles, aussi leur dignité et leur fierté d’être, seront renvoyées pour soigner dans leurs dispensaires, jusqu’au jour où elles seront déplacées. Une lame de fond qui restreint et canalise les possibilités d’un service des pauvres déstabilisant sinon remettant en cause le contrôle patronal des populations ouvrières.
Dès la fin de Vatican II, la conservatisme se rééquilibre dans l’ombre par le développement de sectes fascisantes comme les Lefebvristes et plus radicalement encore comme l’Opus dei, les légionnaires du Christ... (http://www.lenversdudecor.org/Legionnaires-du-Christ-un-scandale-au-Vatican-VIDEO.html ).
Un déploiement dans l’ombre qui sera rendu visible à la fin du 20e siècle et dans les années 2000. Il n’est pas surprenant que, dès les années 2000, la guerre soit déclarée à l’Etat Providence, au contrat social et au système social d’après-guerre par la voix de Denis Kessler, dirigeant de Scor, élu en janvier 2016 à l’académie des sciences morales et politiques. Le libéralisme impose son cynisme. Quinze ans de crise favorisant le basculement de l’Europe vers un nouvel ordre moral.
Les années Jean-Paul II, marquées par la chute du mur de Berlin et l’alignement du Vatican sur le libéralisme américain conduisant à l’interdit de la théologie de la libération et en contrepoint au déploiement des mouvements sectaires et charismatiques.
Imposition d’un nouvel ordre moral, reprise en main des populations par de nouveaux maillages et systèmes de contrôle sociaux marqués par les déviances consubstantielles aux systèmes totalitaires : systèmes autarciques, détournement de fond, spoliation, asservissement, viol ... des enfants, des religieuses ... http://www.dailymotion.com/video/xvzyk1_les-beatitudes-une-secte-aux-portes-du-vatican_news. Ces mouvements sectaires visent l’infiltration des groupes financiers et industriels les plus puissants ... Avec la diffusion des techniques de manipulations psychiques et ... des charismes, c’est un nouveau système de contrôle et de marquage social qui s’impose aux populations, ne pas participé à ce mouvement c’est l’assurance d’une exclusion sociale.
Depuis les années 90, ces organisations sectaires infiltrent les entreprises, les systèmes managériaux et commerciaux et de formation. Depuis les années 2010, les systèmes d’évaluation s’adaptent aux exigences de direction des entreprises, l’évaluation annuelle des personnels intègrent de plus en plus souvent, et en opposition au droit, l’évaluation des comportements des salariés : le bon esprit étant le salarié totalement adaptable et disponible.
Dans la dernière période, ces dispositifs s’imposent aux structures de distribution, aux structures de l’habitat, à toute structure de proximité ... imposant ainsi en environnement laïc des modalités sectaires d’emprise et de contrôle comportementaux, moraux, psychiques s’opposant dangereusement aux valeurs de la République. Curieusement avec le déploiement de ces mouvements sectaires se multiplient les dossiers juridiques dénonçant affairismes, blanchiment d’argent et abus sexuels ....
La formation des élites clef de voute du système de contrôle
Ce phénomène convoque à s’interroger sur les processus de sélection et de constitution des élites. Sur la permanence de la gestion par les religieux des principales écoles préparatoires aux grandes écoles de la république ! Paradoxe d’un état laïc où les religieux détiennent en nos jours les sésames de l’accès aux portes du pouvoir ! et depuis les années 80, les clefs du fonctionnement de l’éducation nationale.
La pratique de la délation, de l’exclusion et la torture des insoumis sont une donne de l’inquisition et depuis du fonctionnement ecclésial traditionnaliste dans le monde mais aussi en France. La soumission de l’individu, la promesse d’obéissance et de négation de soi au profit d’une cause supérieure est la règle de constitution d’une élite éprouvée par des systèmes de mise à l’épreuve par toute sorte (pratiques d’épreuve physique, morale et psychique) mais aussi via les bizutages dont l’objectif est le principe de l’omerta et de la soumission à un système de normes et à une lignée d’autorités dont les élèves de la promotion en vigueur et des promotions précédentes.... la continuité et la reproduction de l’ordre et de la morale sont à ce prix.
Les tenants de tout système de contrôle qu’il s’agisse des plus pauvres où qu’il s’agisse d’une élite dirigeante en charge de ce contrôle, en formation ou en action, les leviers du contrôle sont au final toujours les mêmes, avec les mêmes épées de Damoclès en suspens que sont discrédit, cabale, isolement, exclusion, implosion familiale et dépouillement par processus de menace, délation, terreur et séparation des personnes et anéantissement des individus poussés à l’auto-destruction.