ANDREE LAYRE

Abonné·e de Mediapart

20 Billets

0 Édition

Billet de blog 6 juin 2016

ANDREE LAYRE

Abonné·e de Mediapart

LA LOI TRAVAIL AU SERVICE DU LIBERALISME

La loi travail n’est qu’une étape du processus libéral engagé depuis les années 1970. Elle s’inscrit dans le mouvement de désindustrialisation, de privatisation qui ne cesse d’asservir le pays ; elle ronge de l’intérieur la démocratie, fragilise les salariés et ronge la représentation syndicale, elle participe à l’étouffement toute pensée alternative. lle s’inscrit dans une logique totalitaire.

ANDREE LAYRE

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Silence on brade !

Que se passe-t-il lorsque qu’un service public externalise une activité et choisit le moins offrant ? moindre coût d’exploitation, sans aucun doute ; à quel prix ? celui d’une régression technique, le prestataire démonte les chaines d’approvisionnement et repasse au manuel – une flexibilité accrue du travail grâce à une polyvalence et par une pression plus grande dans l’organisation du travail (répartition des tâches, charge de travail, cadence, changement de postes de travail ...) ! à quel prix humain ? situations d’épuisement, multiplication des arrêts de travail ...  mais aussi à quel coût client ? celui d’une moindre observance des règles sanitaires élémentaires ! Le cas de figure concerne les transports publics et la préparation de plateaux mais il pourrait concerner tout processus d’externalisation d’un service logistique et de préparation des repas et recours à des prestataires au moindre coût.

On entend couramment ces derniers temps que la formation est indispensable à la conversion professionnelle ! d’autres 50 ans plus tôt avaient eu la intuition ! l’Etat Providence avait créé l’AFPA dont la mission était de donner une seconde chance à des jeunes en situation d’échec et à des adultes confrontés à une exigence de reconversion. A la fin des années 2000, l’obsession des dépenses publiques prend le pas ! l’AFPA doit se centrer sur son « cœur de métier » et transférer au privé le reste de son activité. Le bing bang sidère les salariés : fermeture de centres, déplacements croissants des formateurs, modification du temps de travail, catalogue des formations fondé sur la rentabilité court terme, transformations des conditions de prise en charge des stagiaires et des modalités de sécurisation des sites de formation ... au final c’est la casse d’un outil d’excellence, et des équipes de formateurs mais c’est surtout la casse d’une tradition et d’un système de valeurs.

Au nom de la rentabilité, et de la baisse des dépenses publiques, on ferme les services de proximité : les maternités, les hôpitaux, les bureaux de poste, les écoles, les gares ... quelques exemples.

Au nom de la rentabilité, on ferme les services publics de proximité : maternités, hôpitaux, bureaux de poste, écoles, gares ... On a coutume d’affirmer que les hôpitaux coûtent cher en raison des coûts de personnels, les recettes usuelles : limiter la durée de séjour des patients, limiter les effectifs, externaliser des activités, fermer les petits établissements au profit d’une massification des structures ; création d’usines opératoires spécialisées appelées à desservir la région (des blocs de 5, de 8 salles ...). 

Or, ce qui rythme le développement d’un établissement de santé, c’est son niveau capitalistique, donc son niveau de dépendance aux constructeurs et aux labos pharmaceutiques : plateaux techniques et équipement des services, informatisation des services ... complexité des protocoles de soins, molécules couteuses ... labos et constructeurs qui induisent de facto le fonctionnement des services les niveaux de formations des personnels techniques ...  la marge de manœuvre des directions ? ce qui est résiduel, ce qui n’est pas induit par les prestataires ... intensification du travail des soignants, des aides-soignants ... confrontés à une pression pour étendre les économies au développement des services ambulatoires réduisant les besoins en encadrement soignant.

Autre service public dans la ligne de mire : La Poste ? la poste de notre enfance a vécu ! les effectifs des fonctionnaires et ceux des salariés sous contrat de droit privé s’équilibrent ... à terme, les activités une à une seront automatisées et /ou transférées au privé, nombre de bureaux seront fermés ... qu’en sera –t-il de la banque postale ? la vente ? mais la vente de ce qui a de la valeur : le fichier clients intégrant le potentiel bancaire de chacun d’eux ... que deviendront nos postiers ? ils seront-ils sont confrontés à un processus de déqualification massif ... on leur promet une reconversion dans les services à la personne !!!

Le processus de désindustrialisation : le terrain de jeu des groupes industriels et financiers est mondial et européen ; ainsi un même groupe peut concentrer ses services financiers et comptables au Luxembourg ou aux Pays Bas, les services d’information centraux au niveau de la maison mère soit en Grande Bretagne ou en Allemagne, leur exploitation en Irlande, leurs développement en Asie ... la logistique s’organise par pôles localisés en raison des distances à parcourir et des conditions d’exploitation... les call center se dispersent dans les  pays d’Afrique du nord ... En conséquence quelle part les financiers et les industriels réservent-ils à la France ? Naomi Klein[i] nous prévient que les restructurations induites par le libéralisme se sont souvent faites dans un contexte au moins fortement répressif ; elle nous rassure ... à force de coups d’état, ..., les populations ont appris à faire face à la stratégie du choc.

Le dictat de l’idéologie néolibérale

Il y a quelques temps Pierre Bourdieu[ii] s’efforçait de nous éclairer quant à la nature du néolibéralisme. Un discours ayant l’apparence de la rationalité et de la science, un discours logique, au service de la poignée des plus puissants de ce monde, un discours programmatique ayant pour vocation d’expliquer, de prévoir et de réguler le réel selon les intérêts des plus puissants  (financiers, industriels, et acteurs publiques au service d’une régulation); un réel justifié par l’utopie du marché pur et parfait. Tout se passe donc comme si la concurrence économique relevait de l’enchainement logique de contraintes au service de l’efficacité sur un marché réputé fluide excluant la prise en compte de toute dimension collective.

La mondialisation des marchés financiers,  les capacités des technologique de l’information favorisent la dictature de la rentabilité court terme des actionnaires, et impose « une entreprise agile » dont les  cadres deviennent les garants d’une  flexibilité  toujours plus grande et d’objectif permanent de tassement maximum des salaires. En résulte le train des externalisations, des transferts d’activité, la succession des plans sociaux, des politiques d’emplois précaires ; en résulte l’adaptation consécutive des méthodes managériales et des politiques de recrutement mais aussi du cadre règlementaire et jurisprudentiel : droit du travail, politiques sociales, ... tentatives de criminalisation de l’action syndicale (Good-Year et Air France ...) ...

Salariés, cadres et exécutants, travaillent désormais selon des processus de mise en concurrence,  dans un univers où l’individualisation prend, chaque jour davantage, le pas sur le travail en équipe et supposant une disponibilité de chacun sans limite et la plus grande aptitude à s’adapter aux mutations imposées à tous niveaux. L’intériorisation de l’exigence de performance individuelle, l’auto-contrôle, l’auto-évaluation sont les corollaires des évaluations annuelles des salariés, qui en dépit de son illégalité intègrent l’évaluation comportementale au travail.

Les salariés sont jetés dans l’insécurité permanente. Les systèmes cognitifs, les systèmes de valeurs sont confrontés aux bouleversements, aux inversions de logiques, aux dénis ... où ce qui était hier la norme hier devient proscrit le lendemain. Avec les dictats de la concurrence, de l’efficacité, de la flexibilité, de l’individualisation du travail s’instaure dans l’entreprise comme modalité managériale, le stress, la perte de repères, le déni des compétences, la perte de sens et la plongée en sidération, ...,  la souffrance.

La loi travail : sous-produit du libéralisme au service de la stratégie du choc

Les impacts des trente dernières années de politiques libérales sont effroyables sur les populations :

-   La politique de terre brulée des régions désindustrialisées a mis en situation d’exclusion les populations sur plusieurs générations (rappel : le film de Tavernier [iii]

-          La politique de terre brûlée pratiquée dans les années 70 est remises à l’ordre du jour : dans le nord par exemple où la fin des années 70 s’illustre par les fermetures des mines, de la sidérurgie, des usines textiles ... non pas que le monde puisse se passer de ces industries mais leur exploitation en des lieux de main d’œuvre flexible et bon marché s’imposait à des capitalistes avides de profit.  La région laissée exsangue connut avec la vente à distance un second souffle qu’internet vint remettre en question fin des années 2000. Les salariés assistèrent à des découpages de leurs filiales, et à un regroupement de leurs activités par pôle-métier : marketing, merchandising, achat, logistique, gestion client ... quelques temps plus tard, les actionnaires procèdent à une recapitalisation du groupe qui débouchera un an plus tard sur une vente par appartement et/ou pour l’essentiel transfert à l’étranger de ce qui n’est pas vendu ... PSE après PSE le niveau de chômage ne cesse de croitre, la population se sentant trahie vote fortement pour l’extrême droite.

-          La panne orchestrée de l’ascenseur social, projettent dans la désespérance les familles, anéantit toute possibilité de transmission de valeurs au sein des familles, tout désir d’apprentissage et de formation ... c’est le règne du système D et de l’opportunisme et du développement des économies parallèles

-          Le diviser pour régner est la règle : au sein des familles, au sein des quartiers, entre personnes en situation d’emploi et personne en situation de chômage, entre les communautés ....

-          Les nouvelles philosophies managériales adaptées aux exigences de changements sont nécessairement destructrices : le changement s’obtient par déni et processus de casse successifs des postes, des règles, des modes opératoires, des compétences, activités, des hiérarchies, des entreprises ; en conséquence au sein des entreprises : l’absentéisme est croissant, les modalités managériales favorisent le développement des risques psycho-sociaux : démotivation, sidération, angoisse, perte du sommeil, troubles cognitifs, suicides

-          les représentants des salariés n’échappent pas à la mécanique de pression et de division : comme toujours, les représentants pro-patronaux sur lesquels les directions s’appuient pour qu’ils soient leur relais face aux salariés mais aussi entre les syndicats réformateurs et les syndicats de combat, division orchestrée également au sein des syndicats. Les situations sont fréquentes où les syndicalistes les plus combattifs sont isolés, désignés à la vindicte, mis sous pression jusqu’à obtenir leur démission ... ils sont souvent les victimes des RPS, désignés comme inaptes,  et sont aussi concernés par les processus suicidaires.

Dans ce contexte de souffrance croissante des salariés en entreprise, la loi travail fragilise leur protection à tel point que les missions de la médecine du travail  sont transformées et basculent d’une mission de prévention des accidents de travail, des risques psycho-sociaux, de la dégradation des conditions de travail et de vie des salariés, à une logique de contrôle de l’aptitude des salariés

La loi travail sous couvert de simplification du droit du travail abat l’un après l’autre les cadres juridiques qui protègent les salariés du dictat libéral et des méfaits de la flexibilité.

L’inversion de la hiérarchie des normes relève d’un processus de dérégulation où l’Etat abandonne ses prérogatives législatives et sa mission de contrôle et de régulation aux aléas des représentations patronale et salariale au sein des entreprises. Elle conduit donc à une remise en cause la référence nationale que constituent les lois et les accords de branches au profit d’accords locaux facilitant la flexibilité au service d’une plus grande efficacité de l’entreprise. Dans la même logique de remise en cause des équilibres, la loi travail concourt en autorisant le recours au référendum en entreprise pour valider un accord auquel s’opposent les syndicats de salariés, à les fragiliser.

Par exemple, les accords d’entreprise permettraient, y compris en l’absence de difficultés économique, la baisse des salaires et à l’augmentation du temps de travail (seuil maximum de 46 heures pour une durée potentielle de 16 semaines avec baisse potentielle consécutive du paiement des heures supplémentaires et des heures complémentaires); dans le cadre d’accords de maintien dans l’emploi, sera permis le licenciement pour cause réelle et sérieuse des salariés refusant les changements imposés à leur contrat de travail. La loi travail va plus loin encore et permet le recours des entreprises aux PSE en l’absence de difficultés économiques ...

La loi travail prend bien le contre-pied  des acquis et des revendications salariales ; pour favoriser la casse des salaires et la hausse du temps de travail, la dégradation des moyens de recours et de protection des salariés dans toutes les dimensions de la vie des entreprises. C’est là l’illustration de la volonté d’imposer du haut en bas de la hiérarchie sociale le modèle néo libéral comme le seul légitime. Avec la loi travail c’est le contrat social qui se fissure en profondeur.  La loi travail n’est donc qu’un pas supplémentaire dans le processus de mise en conformité de la France avec ses exigences néolibérales.

Les structures de représentation et de défense des salariés remises en cause

Le conflit syndical contre la loi travail est riche d’enseignement. Patronat, presse, gouvernement ... distribuent les bons et les mauvais points  s’efforçant de diviser les syndicalistes. Les bons syndicalistes seraient les syndicats réformistes, les autres syndicats étant parés de tous les maux, la CGT en tête.

Le mythe du modèle allemand de représentation et de négation sociale est un corollaire de la pensée néo-libérale diffusé à la fin des années 90. Deux ennemis du système libéral sont désignés : l’Etat providence et ceux qui l’ont porté sur les fonts baptismaux : les marxistes, soit les communistes et la CGT. On constate un déplacement des lignes de forces  du mouvement syndical depuis la fin des années 90. Il en résulte des tensions internes parfois aussi fortes au sein des syndicats que dans les oppositions au libéralisme. hasard ou fruit d’une lame de fond libérale savamment orchestrée ?

Au début des années 2000, Denis Kessler, actuel dirigeant de Scor, élu en 2016 à l’académie des sciences morales et politiques, déclarait officiellement la guerre à l’Etat providence et  au modèle social français issu du conseil de la Résistance. Plus globalement, en Europe, à la fin des années 90, est déclarée non grata, la politique Keynésienne initiée aux Etats Unis en réponse à la crise 29  et largement mise en œuvre les pays occidentaux avec le plan Marshall dans la phase de reconstruction ; les processus de dérégulation et de privatisation sont initiés sur une grande ampleur notamment en Grande Bretagne avec M Thatcher.

La remise en cause du modèle de l’Etat Providence, selon Naomi Klein – et son ouvrage la stratégie du choc (https://vimeo.com/39037720)  a été préparée dès les années 50 par Milton Friedman et l’école de Chicago, conforté par F Von Hayek. Ils ont élaboré pour le compte des gouvernements américains successifs (Nixon, Ford, Reagan,  ...), le modèle néo libéral. Le modèle néo-libéral en poursuivant le mythe du marché pur et parfait prône l’abandon par les Etats de ses missions de régulation et de services publics... il a été testé au Chili, en Grande Bretagne, en Argentine, dans les pays de l’Est ...  l’objectif de ce processus de diffusion de la pensée unique et de destruction des structures collectives ; opérer le transfert des finances publiques entre les mains de quelques-uns se jouant des bulles financières ?

La pensée néo libérale s’est imposée dans le monde occidental via des clubs instillant universités et écoles, et tout lieu élitaire désignant comme seule référence idoine la pensée libérale et reléguant aux vieilles lunes tout autre courent de pensée, valorisant le rôle de l’état dans l’économie et l’intervention de toute structure collective et notamment la pensée marxiste désignée comme ennemi numéro un et poussée au paroxysme dès la chute du mur de Berlin.

En France, les gouvernements, notamment de droite se réfèrent au modèle néo-libéral, diffusé largement dans les écoles et les universités, prôné par les cabinets de conseil anglo-saxon se targuant dès les années 80, de maitriser les méthodes aptes à moderniser les rouages de l’Etat, à favoriser l’efficacité économique et à assurer la réussite des processus de privatisation des structures financières et industrielles et des services publics.  

Dans un second temps vers la fin des années 90, pouvoirs publics et consultants s’intéressent aux syndicats dans un but de modernisation. L’objectif est d’instiller auprès des forces d’opposition la pensée néo-libérale, par le biais de conseillers ... qui économiste, qui sociologue ...

Dépouiller les populations d’une pensée alternative et des moyens de se défendre

L’exemple des cabinets d’expertise

Quelle résistance face à cela ? les cabinets anglo-saxons orchestrent depuis trente ans la casse des Etats Providence. Leurs modes opératoires se fondent sur la prise de pouvoir et les interventions en nombre. Ils opèrent au nom de la rationalité et l’efficacité. Leurs interventions alimentent les bases d’une intelligence économique mondiale. Leur pouvoir d’influence s’étend aux groupes les plus puissants, aux gouvernements et à tout ce qui compte de pouvoir de par le monde... Une épine dans le pied de la démocratie qu’il sera difficile d’arracher. La loi du libéralisme : toute opposition doit être assimilée et convertie ou anéantie.

D’où lorsque la pensée n’est pas encore anesthésiée, cette impertinence : le contrepoids d’experts au service des syndicats peut-il perdurer ?  Est-ce par hasard si les cabinets d’expertise se sont constitués en 2015 en syndicat patronal le SEA[iv] ?

En 82 les lois Auroux permettaient aux syndicats de recourir à des experts afin qu’ils les aident dans leurs missions grâce aux expertises : analyse annuelle des comptes, expertises induites par les  changements organisationnels majeurs, les plans sociaux ... Les expertises, à l’origine, le fait de cabinets attachés aux centrales syndicales sur le mode à chacune le (les) sien (s) ont fait place à des cabinets  qui se veulent rationnels, scientifiques donc neutres, et dont les interventions se disent « équidistantes » : une inflexion notoire de l’esprit de la loi de 82. Dans cet esprit, les cabinets d’expertises se sont rapprochés des pouvoirs publics et du patronat pour survivre, pour devenir une force d’influence ce que patronat et pouvoirs publics ont acté pour trois raisons :

-          la puissance que les informations stratégiques auxquelles les experts CE ont accès leur confère ;

-          le risque pénal des directions induit par les expertises CHSCT (notamment après la vague de suicides chez France Télécom et l’émergence du concept de risque psycho-sociaux)

-          la capacité d’influence des syndicats de salariés que les pouvoirs publics et le patronat leur prêtent

Parallèlement les cabinets, toujours soucieux d’être reconnus institutionnellement se sont rapprochés des structures d’enseignements (Dauphine, Sciences Po... et bien sur le CNAM). En a résulté une inflexion radicale de leur politique de recrutement non plus avant tout des économistes militants mais des jeunes, école, sciences politiques, CNAM ergonomes, psychologues du travail

Peu à peu les trois principaux cabinets, lieux d’intelligence économique importante se sont imposés comme interlocuteurs des pouvoirs publics et du patronat. Il leur restait à se faire adouber par les temples du savoir entrepreneurial et politique (Dauphine, Ecoles de commerce, Sciences Po ... et bien sur le CNAM). Le résultat : une inflexion radicale de la politique de recrutement (ingénieurs, sciences politiques, CNAM ergonomes, CNAM psychologues du travail...). La collaboration étroite avec le CNAM ; Mise en place d’un agréement consacrant l’aptitude des cabinets à réaliser les expertises soit  un contrôle a priori et a posteriori exercé par les pouvoirs publics. Dans leur lutte pour leur survie politique les cabinets ont parfois anticipé les lois... Le basculement des missions de la médecine du travail prévu dans la loi travail, de la prévention vers le contrôle d’aptitude physique et psychique en est un exemple.

Avec la montée en puissance des cabinets d’expertise et le retournement de la loi ce qui devait être une aide peut se transformer en processus de fragilisation des élus et /ou de mise en conformité de leurs interventions avec l’exigence de partenaires réformateurs des acteurs néo-libéraux.

La position des cabinets, d’interlocuteur privilégié des directions, parfois de médiateur, fragilise, divise les syndicalistes et les représentants des salariés d’entreprise. Les impacts sur les représentants de salariés ayant commandité l’expertise et désigné le cabinet sont bien réels. En posture équidistante, les experts sont nécessairement pris dans la spirale des mutations libérales d’autant plus fortement que s’ils sont désignés pat les élus des salariés, payés par la direction et contrôles par le ministère sous le regard du patronat ... situation aussi inconfortable que propice à l’ambiguïté et à la confusion des genres. Ils se transforment souvent en légitimateurs et en facilitateurs du changement. Les pressions sont fortes pour transformer les experts en interlocuteurs des directions  (médiateurs) les syndicalistes sont invités à les suivre, ceux qui résistent sont marginalisés.

Mais les impacts sur les salariés des cabinets, les experts, sont aussi très importants : temps de travail faisant exploser tous les compteurs légaux, conflits de valeurs, conflits éthiques, opposition des anciens et des modernes, des jeunes et des anciens ... le prix de la mise aux normes du libéralisme relève aussi de la nécessaire érosion de la mémoire, des mémoires au sein des cabinets et du secteur  ...  est-ce vraiment étonnant si on voit se multiplier les phénomènes de burn out, AVC...


[i] Naomi Klein : la stratégie du choc

[ii] L’essence du néolibéralisme le Monde Diplomatique Mars 1998

[iii] Bertrand Tavernier : Ça commence aujourd'hui (1999)

[iv] Syndicat des Experts Agréés : Mémorandum du Syndicat des Experts CHSCT Relatif au projet de loi sur le dialogue social 24 avril 2015

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.