Anice Lajnef (avatar)

Anice Lajnef

Citoyen libre.

Abonné·e de Mediapart

132 Billets

0 Édition

Billet de blog 7 novembre 2018

Anice Lajnef (avatar)

Anice Lajnef

Citoyen libre.

Abonné·e de Mediapart

Logement et prolifération du crédit : les travailleurs au service d'une élite

Historiquement, dans le système féodal, les paysans recevaient une terre à travailler de la part de leur seigneur en échange de corvées et de redevances. De nos jours, les travailleurs ont pris la place des paysans, et les banquiers sont devenus les nouveaux seigneurs pour qui nous devons travailler en échange d’un logement.

Anice Lajnef (avatar)

Anice Lajnef

Citoyen libre.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Cette comparaison peut paraitre exagérée de prime abord, mais elle est très proche de la réalité.

Comme le seigneur qui s’est accaparé les terres, les banquiers se sont accaparés le temps, c’est-à-dire le pouvoir d’actualiser à aujourd’hui le fruit de notre travail futur, lors de l’octroi d’un crédit immobilier.

Par le système des crédits, les banques privées ont acquis un privilège immense, celui de créer de l’argent pour le prêter par la suite. Contrairement aux idées préconçues, ce sont les banques privées qui émettent plus de 90% de la monnaie, et non pas la banque centrale. Bien évidemment, ce service ne se fait pas gracieusement, puisque les banquiers prennent en échange leur part, ce qu’ils appellent les intérêts.

Là où la chose se complique, est le fait que ces intérêts bancaires sont payés à partir de la monnaie créée par un autre crédit. En d’autres termes, pour que l’activité bancaire subsiste, il est nécessaire que les banquiers perpétuent l’endettement des masses par le crédit. Si la musique s’arrête, leur petite entreprise cesse, et c’est toute l’économie qui s’effondre. Notre économie moderne ne tient, que parce que les masses sont tenues par le crédit.

Bien sûr, des gardes fous sont mis en place pour limiter certaines dérives. L’une d’elle est de limiter la création monétaire par des règles décidées par les autorités de régulation des banques. Mais in fine, tant que la hausse des prix à la consommation est contenue, et que les banqueroutes des emprunteurs ne s’enclenchent pas, la petite entreprise bancaire peut continuer.

Le citoyen lambda est très sensible à la hausse des prix car cela touche de près son pouvoir d’achat. Plus le banquier crée de la monnaie et plus le risque d’inflation est grand, et plus le ras-le-bol social des masses fait peser un risque politique sur le système bancaire.

L’État suit de près cette inflation, grâce à un indice calculé mensuellement par l’INSEE. Cet institut suit la hausse des prix à partir d’un panier censé représenté la consommation moyenne des Français. Cet indice est très important, car il sert à revaloriser de nombreux contrats privés, des pensions alimentaires, et aussi à indexer le SMIC.

En quelque sorte, cet indice de la hausse des prix, qui augmente les salaires, est la variable d’ajustement qui permet au système de contenir la colère sociale, et de laisser ainsi les masses dans un état de résignation : les individus trouvent ainsi la capacité de rester au travail sans atteindre un point de rupture.

La nouvelle ruse des banquiers

Depuis le début des années 2000, un mouvement mondial s’est amorcé au niveau des banques. Ces dernières ont ouvert les digues du crédit immobilier avec des périodes de remboursement de plus en plus longues. Cette création monétaire par le crédit a eu pour conséquence une hausse des prix spectaculaire des logements.

Bien sûr, le grand public ne fait pas trop le lien entre cette hausse des prix de l’immobilier et le pouvoir des banquiers de créer de la monnaie. Pour la majorité des Français, les banquiers vont chercher cet argent à l’arrière-boutique de la banque. Peu de gens savent que c’est un simple jeu d’écriture comptable effectué sur les systèmes de la banque.

Cette augmentation des prix de l’immobilier rapporte certes des intérêts aux banques, des primes a leurs salariés, et des dividendes à leurs actionnaires. Par contre, cela a surtout pour effet d’appauvrir les ménages, en augmentant les mensualités de remboursement, et en prolongeant les durées des crédits.

Le sentiment d’appauvrissement des travailleurs est palpable, et pourtant les gouvernements successifs et les médias nous vendent une inflation contenue. Mais à y regarder de plus près, les prix de l’immobilier ne sont pas pris en compte dans l’indice de l’inflation de l’INSEE, seule la location est prise en compte à hauteur de 6% du panier de consommation, ce qui est dérisoire, surtout pour ceux qui louent dans les grandes métropoles (1). Donc petit à petit, un écart s’est produit entre les revalorisations des salaires et la hausse des prix de l’immobilier.

Pour ne pas trop se perdre dans les chiffres, il suffit de méditer sur quelques constats : le prix moyen de l’immobilier a presque doublé depuis le début des années 2000, et la part de la dette immobilière des ménages en fonction de leurs revenus a doublé sur cette même période ; mais surtout, et c’est la variable la plus importante, la durée moyenne des emprunts bancaires pour l’achat d’un logement s’est allongée de cinq ans. (2)

Depuis 2000, les Français ont donc consenti à sacrifier cinq années supplémentaires de leurs vies pour pouvoir s’acheter un logement. Sachant que le premier facteur de cette hausse des prix est la prolifération des crédits bancaires, ces cinq années de travail sont donc une offrande faite au système bancaire.

La création monétaire : le quatrième pouvoir de la République

Le choix donné aux jeunes générations pour leur avenir est sombre : soit ils acceptent de travailler durement et de s’endetter sur vingt ans pour pouvoir accéder à un logement ; soit ils devront être locataires à vie, car des investisseurs sont prêts à s’endetter à leur place pour leur louer un logement.

Il existe pourtant un moyen simple de limiter la casse sociale en réduisant cette inflation immobilière provoquée par les crédits bancaires, en limitant à la résidence principale l’achat à crédit d’un logement ancien.

Cette décision fortement politique peut se justifier aisément :

  • Le logement est un besoin vital pour tout citoyen.
  • Bien qu’entre les mains de banques privées, la création monétaire est d’intérêt public.
  • L’achat locatif à crédit et dans l’ancien crée une hausse des prix qui pénalise ceux qui n’ont pas encore acheté leurs logements.

En résumé, ce système mis en place par les banquiers favorise leurs propres intérêts, et celui de leurs clients qui ont accès aux crédits bancaires. Ces gains se font au détriment des plus jeunes et des plus modestes.

Ce modèle social permet donc à des privilégiés de posséder des biens contre redevances, que ce soit les intérêts bancaires ou les loyers. Sans le savoir, nous vivons dans un nouveau système féodal.

Cet abus de pouvoir plonge les masses dans une résilience, qui peut facilement se transformer en colère et mener à une nouvelle révolution, et à un changement de régime.

Pour éviter ce scenario catastrophe, il est temps que des voix s’élèvent pour considérer le pouvoir de créer de la monnaie comme le quatrième pouvoir de la République. Comme tout pouvoir, celui-ci doit demeurer démocratique, indépendant, et transparent.

Anice Lajnef

Novembre 2018

(1) https://www.insee.fr/fr/statistiques/4126450

(2) Source : https://www.les-crises.fr/prix-immobiliers-france

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.