Selon la manière dont cette confiance est distribuée, entre individus, concentrée entre les mains d’une autorité, ou médiée par un outil technique, les sociétés ont produit des modèles économiques très différents.
On peut ainsi distinguer trois grandes formes :
- un système horizontal fondé sur des relations de pair à pair,
- un système centralisé fondé sur une monnaie et des institutions,
- et une éventuelle troisième voie, distribuée, qui chercherait à concilier efficacité et liens sociaux.
Le système économique et social horizontal
Aux origines, les échanges reposaient sur un système horizontal. Les liens économiques étaient avant tout sociaux : personnels, organiques et tissés de confiance mutuelle. L’échange marchand prenait la forme d’une dette d’honneur : céder une marchandise en sachant qu’un équivalent serait rendu plus tard, par retour direct ou indirect.
Ce modèle avait une force : la proximité et l’ancrage humain. Mais aussi une limite majeure : la difficulté d’évaluer chaque marchandise par rapport à toutes les autres. Plus les acteurs étaient nombreux, plus la complexité augmentait. Avec mille marchands offrant chacun une marchandise unique, il fallait environ 500 000 relations de prix et autant de comptes pour suivre les dettes.
Les mathématiciens parleraient de complexité quadratique : un système riche socialement, mais difficile à étendre techniquement.
Le système économique centralisé
Pour surmonter ces limites, certaines marchandises sont devenues des références. Les métaux précieux, notamment l’or et l’argent, ont rempli ce rôle grâce à leur rareté, leur durabilité et leur divisibilité. C’est la naissance de la monnaie métallique.
Ce changement a libéré les échanges : la monnaie a allégé la dette morale et réduit la complexité des comparaisons de valeur. Mille marchandises n’exigeaient plus un demi-million de prix relatifs, mais seulement 999 valeurs exprimées en or.
La centralisation s’est poursuivie avec les banques : sécurisation des métaux, registres de comptes, lettres de change, puis billets convertibles. Les échanges se sont fluidifiés, mais au prix d’une transformation majeure des relations de confiance : elles se sont verticalisées. La coordination économique ne reposait plus sur des liens entre acteurs, mais sur une institution centrale.
Cette concentration, efficace en termes de calcul et de sécurité, a aussi ravi une part importante du pouvoir économique à ceux qui produisent et échangent, au profit de ceux qui administrent la monnaie et les dettes.
Une troisième voie : vers une économie distribuée
La question aujourd’hui est simple : peut-on affaiblir cette verticalité sans renoncer aux bénéfices qu’elle a apportés ?
Pour cela, il faut tenter de reconstruire des liens de confiance horizontaux. Ce travail est d’abord social, mais la technique peut y contribuer. Elle peut aider à rendre les engagements clairs, à éviter les équivoques, et à permettre à des acteurs économiques de collaborer sans dépendre entièrement d’un intermédiaire central.
L’objectif serait de créer des outils qui :
- clarifient les engagements économiques de manière universelle (quelque soit le secteur économique),
- permettent de vendre directement à un réseau de clients,
- facilitent le recours à des ambassadeurs avec transparence sur les commissions,
- et rendent possible la délégation de tâches à un réseau de prestataires de confiance.
L’idée n’est pas de revenir au passé, mais d’utiliser la technologie pour rapprocher l’économie de relations plus horizontales, plus locales au sens des liens humains, et donc plus résilientes face aux chocs systémiques que la finance nous fait subir.
Anice Lajnef
Décembre 2025