On ne se défait pas si facilement de siècles d'une construction économique qui repose sur la finance, où plutôt sur la logique de dette entachée d'usure (soyons précis).
Sans rentrer dans tous les détails de huit siècles d'une guerre gagnée à coups de batailles par les cupides usuriers (dont la finance est l'expression moderne), rappelons-en les principales victoires.
L'usurier a d'abord convaincu les responsables religieux de lever l'interdit du prêt avec surplus (aujourd'hui appelé intérêts bancaires). Cela a commencé au XIIe siècle avec les rabbins, puis au XVIe siècle avec Calvin, suivis plus tard par l'Église catholique.
À ses débuts, l'usure était le fruit de plusieurs entreprises familiales éparpillées dans les différentes régions européennes. Rapidement, la consolidation de cette activité prend place, et des familles créent des empires aux pouvoirs rivalisants avec ceux des Rois.
Illustration est faite par les Médicis, qui ont commencé par le commerce traditionnel à Florence, pour ensuite construire un empire bancaire puissant, présent dans tous les coins de l'Europe. La famille de Médicis compta jusqu'à dix filiales bancaires : de Naples à Londres, en passant par Paris.
On constate dès lors, que le phénomène de l'usure ne permet pas la pluralité, puisque son caractère itératif et exponentiel, concentre les richesses sur un nombre de plus en plus petits d'acteurs, jusqu'à ce que le pouvoir soit concentré sur une poignée de familles puissantes.
Vient ensuite une autre étape importante du développement de l'activité usuraire : l'entrisme dans les plus hautes sphères du pouvoir, notamment par le mariage ou par les ordres religieux.
Dans l'exemple des Médicis, ils ont quand même réussi à placer de nombreuses femmes dans les familles royales d'Europe dont deux reines de France, et à placer deux papes au Vatican. Un comble quand on sait que l'usure est formellement interdite par la Bible !
En résumé, l'usure a concentré au fil du temps les richesses sur une poignée d'acteurs, qui étendent leur activité sur toute l'Europe, jusqu'à entrer dans les plus hautes sphères du pouvoir par le mariage, tout en prenant le contrôle de l'Église qui forge l'opinion des masses.
Pas la peine de faire l'ENA pour comprendre les similitudes avec les mécanismes modernes du capitalisme financier. Les schémas sont les mêmes, les formes changent : Mondialisation (toute l'Europe), Lobbying sur le pouvoir (Reines), contrôle de l'opinion par les médias (Papes).
Une autre bataille importante remportée par les ancêtres de la finance est la création des banques centrales : 1694 pour la banque d'Angleterre, 1800 pour la banque de France, et 1912 pour la Fed américaine.
Le pouvoir de gestion de la monnaie nationale qui leur est conféré à leurs débuts, leur permet d'asseoir leur pouvoir, et de mettre en place les règles monétaires et bancaires qui consolideront leur pouvoir jusqu'à aujourd'hui.
Il a fallu attendre une guerre sanglante pour se décider à nationaliser la Banque de France en 1945, et la Banque d'Angleterre en 1946. La FED est toujours une institution de droit privé.
À chaque fois le même schéma de la dissimulation pour tromper la confiance des masses : un nom laissant penser que ces institutions sont des organisations publiques. Pourtant, lors de leurs créations, toutes ces institutions sont des organisations de droit privé !
Durant tout le temps à la tête des banques centrales, les usuriers ont réussi un coup de force majeur, celui d'imposer la monnaie comme coquille de la dette avec usure. Aujourd'hui 95% de la monnaie est créée par les banques commerciales quand elles accordent des crédits.
La dette est historiquement associée à la perte des libertés individuelles (esclavage au temps des Romains, exploitation des travailleurs aujourd'hui), à la perte de la souveraineté (colonisation au XIXe siècle, la Grèce plus proche de nous), et peut même mener à la guerre !
Donc si l'État décide demain d'annuler toutes les dettes pour soulager les Français, on aurait quasiment plus de monnaie pour faire tourner l'économie ! (C'est une démonstration par l'absurde, n'ayez pas peur, vous aurez toujours la corde au cou).
Les usuriers ont réussi à rentrer au cœur de la monnaie, l'outil de leur pouvoir dominateur, à savoir l'endettement entaché d'usure ! La monnaie et la dette sont ainsi confondues : nous touchons là au summum de l'intelligence maligne au service des cupides.
L'État endetté jusqu'au cou dépend de la finance, et ne peut rien face à ses menaces répétées et son fameux chantage quand elle se porte mal : "vous nous sauvez, ou c'est le chaos !".
Les usuriers en ont fait aussi la coquille de la dette avec intérêts (rassurez-vous, leurs intérêts bien sûr, pas les vôtres). Rares sont les économistes qui en mesurent les dangers car ils s'inscrivent dans la continuité de huit siècles de construction de la monnaie au service des usuriers.
Pourtant, la monnaie est un des plus beaux outils que l'homme ait pu créer. La monnaie concentre en elle notre confiance pour échanger le fruit de notre travail, de notre contribution à la société. La seule chose qu'on lui demande est de permettre de mesurer la valeur de notre effort, qu’il soit par le travail, un bien, ou un service.
L'État est enlisé dans son péché originel qui date de la création de la banque centrale. Il a laissé aux usuriers le pouvoir énorme de création monétaire, jusqu'à en devenir soumis, sans pouvoir face à une finance puissante qui le maîtrise, qui le fait chanter.
La finance nous impose une austérité dure socialement (nous payons encore leurs erreurs de 2008), alors que par l'intermédiaire de l'État, nous l’avons sauvée. C'est le comble de l'injustice !
Et qui paye à la fin le prix des excès des cupides de la finance ? Et bien c'est nous tous, par l'austérité imposée par les règles même de la finance : hausse d'impôts et des taxes, gel des salaires des fonctionnaires, moins de services publics (hôpital, éducation nationale).
Qui peut croire que cette injustice peut être combattue en se pavanant dans les médias (pour la plupart détenus par les milliardaires qui payent les journalistes) où on vous demande de déconstruire en deux minutes huit siècles d'une science économique au service des usuriers ?
Il est plus utile de continuer de semer le savoir et la connaissance en utilisant des outils plus démocratiques comme l'internet, pour que ceux qui ressentent la souffrance de ce système puissent inventer le monde de demain.
Je crois peu à l'homme providentiel, ou à une réponse politique (que je souhaite), capable de changer la donne, à moins d'un effondrement total et chaotique. Je crois plus à une multitude d'actions locales, citoyennes, venant de la base, de ceux qui sont soumis de force à ce système.
Ces actions peuvent être aussi basiques que l'entraide familiale, ou locale, ancrée dans des traditions venues d'ailleurs comme les tontines, ou qui s'inscrivent dans des mouvements engagés, comme les banques mutualistes locales.
Ces actions peuvent être aussi sophistiquées, utilisant les nouveaux protocoles technologiques, comme la blockchain ou la dag-chain. Peu importe, chacun ses moyens, chacun sa vision, du moment qu'il participe à nous défaire des chaînes de nos maîtres !
Anice Lajnef, Avril 2020