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Billet de blog 20 septembre 2025

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La taxe Zucman ou l’art d’éviter les vraies réformes

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Le capital productif, c’est celui qui permet d’investir, de construire, d’embaucher. Il nourrit la machine économique, il soutient l’innovation, il crée de la valeur réelle. Le capital oisif, au contraire, s’apparente à une rente stérile. Il dort dans des actifs financiers, profite passivement de l’effort des autres, se comporte en parasite sur le corps social. Traiter les deux de la même manière, c’est décourager l’investissement utile tout en laissant intacts les mécanismes de rente.

Cette confusion n’est pas un hasard. Elle révèle une faiblesse profonde d’une partie de la pensée économique de gauche : l’acceptation tacite d’un système qui génère lui-même les inégalités qu’elle prétend ensuite combattre. Ce système, c’est celui de la dette avec intérêt.

Dans un système fondé sur la dette, les cartes sont distribuées de manière inégale. Celui qui possède du capital emprunte facilement, à bas prix, et creuse son avance. Celui qui n’a rien paie plus cher, s’endette plus lourdement, et reste prisonnier. L’écart se creuse mécaniquement. Ce n’est pas une question de morale, c’est une mécanique implacable.

Les politiques monétaires récentes ont aggravé cette logique. Le robinet des banques centrales s’ouvre en priorité pour les plus riches. Ce sont les détenteurs d’actifs qui reçoivent les liquidités en premier. Leur patrimoine gonfle. Dans le même temps, l’inflation frappe les salaires, rogne le pouvoir d’achat et pèse sur les travailleurs.

L’action des banques centrales sur le marché de la dette est encore plus criante. En rachetant massivement les dettes des grandes entreprises, la BCE a offert aux multinationales un accès à des financements presque gratuits. Ces géants ont pu emprunter des sommes colossales à des taux dérisoires, racheter leurs propres actions et enrichir leurs actionnaires. Pendant ce temps, les petites entreprises, elles, continuaient de payer plein tarif. Deux poids, deux mesures.

C’est ici que la critique devient cruciale. Une gauche lucide devrait s’attaquer à la racine du problème : le privilège monétaire, l’accès inégal au crédit, la rente organisée par la dette avec intérêt. Au lieu de cela, elle se contente trop souvent de brandir une taxe en bout de chaîne, comme si elle pouvait réparer par un prélèvement final ce que l’architecture du système a détruit en amont.

Ce réflexe est dangereux. Il ne remet pas en cause les privilèges qui nourrissent l’injustice. Il décourage au contraire l’investissement productif et entretient l’illusion qu’un impôt supplémentaire suffira à corriger des déséquilibres systémiques. C’est traiter les symptômes tout en laissant proliférer la maladie.

La véritable réforme n’est pas dans une taxe de plus. Elle est dans la remise en cause du système monétaire lui-même. Elle est dans la distinction claire entre le capital qui travaille et le capital qui se contente de prélever sa dîme. Elle est dans la fin d’un mécanisme qui enrichit les uns en appauvrissant les autres, mécaniquement, sans débat politique ni décision démocratique.

Tant que ce problème restera tabou, les inégalités continueront de croître. On ajoutera des taxes spectaculaires, mais on évitera soigneusement de toucher à la racine. Jusqu’au jour où la société découvrira, trop tard, que ce n’était pas le capital productif qui l’étouffait, mais bien la rente stérile, gonflée par un système de dette et d’intérêts qui fabrique l’injustice au lieu de la combattre.

On attend de la gauche qu’elle cesse de jouer aux macro-ingénieurs de la fiscalité et qu’elle n’aggrave pas le mal en étranglant ceux qui entreprennent et créent de la richesse, sous prétexte de corriger un système qu’elle refuse de réformer à la racine.

Anice Lajnef 

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