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Billet de blog 30 sept. 2021

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Le "vote de rejet" svp, pour guérir notre démocratie de l'abstention

Selon un sondage Odoxa-LCP-Public Sénat, le polémiste qui officie sur la chaîne du milliardaire Bolloré suscite un important rejet, y compris parmi les sympathisants de droite. Mais ce rejet est-il pris en compte par notre mode de scrutin actuel ?

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Eric Zemmour figure en tête des personnalités politiques les moins appréciés des Français : 59% des personnes interrogées disent ainsi qu'il suscite du "rejet", suivi par Florian Philippot (55%), Jean-Luc Mélenchon (54%) et Marine Le Pen (52%).

Cependant, ce rejet du polémiste n’est pas pris en compte par notre mode de scrutin : le rejet n'y est pas pénalisé. Au contraire, le rejet expose médiatiquement l'homme politique qui émet ses idées clivantes, lui offrant une tribune inespérée, une publicité gratuite. Notre mode de scrutin ne pénalise pas le clivage, il nous y pousse.

L'homme politique habile aura tendance à viser les minorités pour se faire de la pub gratuite, pour gagner en notoriété. Les électeurs aiment voter pour quelqu'un qu'ils connaissent, rarement pour un inconnu. 

Viser les minorités est habile politiquement car il permet de garder un large réservoir d'électeurs. 

Dans ces temps de buzz médiatiques, de réseaux sociaux friands de polémiques sociétales, le consensus est guère vendeur d'un point de vue électoral. Il faut buzzer, il faut surfer sur la division, il faut être le plus odieux possible, pour s'offrir une exposition médiatique. 

Le mode de scrutin ne prend pas en compte le rejet. Le mode de scrutin est binaire. C'est soit l'adhésion (+1 vote), soit l'indifférence, le vote blanc, ou l'abstention (0). Mais jamais le rejet (-1 vote). 

L’allégorie des passagers d’un bateau à la dérive et en manque de vivres

Pour illustrer cette aberration du mode de scrutin, prenons l'exemple d'un bateau en panne au milieu de nulle part dont les vivres commencent à manquer.
3 leaders politiques s'avancent pour proposer des solutions, qui seront votées. 

- Première solution : on rationne toujours plus en espérant l'arrivée des secours
- Seconde solution : on jette 20 personnes tirées au sort par-dessus bord
- Troisième solution : on jette les 20 personnes les plus âgées par-dessus bord. 

La moitié des 80 personnes les plus jeunes veulent se donner le maximum de chance de survie et votent pour la troisième solution, sans aucun état d'âme.  

L'autre moitié bien plus humaniste, et refusant l'ostracisme envers les personnes âgées, se dispersent dans leur vote : 20 pour la solution 1, et 20 pour la solution 2.
Idem pour la minorité qui est visée par l'ignoble solution 3 : 10 pour la solution 1 et 10 pour la solution 2. 

Résultat des votes, avec ce mode de scrutin binaire :
Solution 1 : 30 votes
Solution 2 : 30 votes
Solution 3 : 40 votes.
Les 20 personnes les plus âgées sont jetées à l'eau ! 

Maintenant, imaginez que chacun puisse donner une note à chacune des solutions : -1, 0, ou -1 .

Les 40 jeunes qui ne pensent qu'à sauver leur peau donnent un vote positif à la solution 3 (+40), et se dispersent en votant négativement sur la solution 1 et 2 (-20 et -20). 

Les 60 restants, qui s'opposent farouchement à la solution 3 la sanctionne d'un vote négatif (-60), et dispersent leur vote positif sur les solutions 1 et 2.

Résultat des votes :
Note de la solution 1 : +10
Note de la solution 2 : +10
Note de la solution 3 : -20 ! 

Dans le deuxième scrutin le rejet est pris en compte dans l'expression du vote. Les électeurs sont respectés dans leur choix. On ne leur impose pas 1 seul avis, mais d'exprimer librement 3 avis, sur chacune des solutions. 

Le deuxième scrutin est une meilleure représentation de la volonté des électeurs. 

En temps de croissance, notre mode de scrutin actuel ne pose pas trop de problème, car quand tout le monde se porte bien, les discours clivants n'intéressent guerre de monde. 

Mais en temps de crises, les frustrations sociales peuvent être exploitées par de fins stratèges politiques qui savent s'appuyer sur la division pour se propulser au pouvoir. 

C'est dans les temps de crise qu'un mode de scrutin prenant en compte le vote de rejet doit être pris en compte.

Ce mode de scrutin permettrait de nous focaliser sur les vraies problématiques du moment : chômage, répartition des richesses, retraites, logement, écologie... et de ne pas se perdre sur des polémiques qui prennent en otage le débat public.

De telles décisions demandent une prise de conscience collective et se prennent rarement avant que le pire n'arrive. Soyons optimistes en notre capacité à changer les choses, et au pire soyons prêts pour penser à changer notre mode de scrutin pour le monde d'après !

En attendant, voici un article sur ce sujet : Comment éviter le spectre d'un vote barrage lors des futures élections présidentielles ? https://blogs.mediapart.fr/anice-lajnef/blog/261120/comment-eviter-le-spectre-dun-vote-barrage-lors-des-elections-presidentielles

Anice Lajnef, Septembre 2021

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