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Le documentaire de Barbet Schroeder sorti en salle le 07/06/2017 n’est pas un film facile d’accès mais c’est un film à voir. Ce documentaire est lent, il respecte la logique du rythme de pensée des moines bouddhistes, il est peu explicatif : il donne à voir, à écouter mais donne peu de leçons clés en main, il est émaillée d’une voix off qui cite des phrases importantes de la pensée bouddhiste.
J’imagine que pour ceux qui pratiquent ou connaissent la religion bouddhiste, une lecture religieuse de ce film peut être effectuée. On y perçoit d’ailleurs un combat théologique entre le vénérable W et son premier maître accompagnée de quelques autres Vénérables qui s’opposent sur le message de Bouddha sur la race : est-ce la race birmane ou la race humaine ? Ce qui est fondamental car si Bouddha parle de race humaine alors le message raciste du Vénérable W et des mouvements nationalistes bouddhistes birmans est se situe en dehors du bouddhisme.
Mais au-delà d’une lecture religieuse, ce documentaire est avant tout la description des persécutions des minorités musulmanes de Birmanie : des images très dures de pogroms, déplacements de populations (épuration ethnique), meurtres émaillent ce documentaire.
On comprends le rôle clé du vénérable W dans ce processus mais il n’est qu’un des rouages d’une histoire longue : les images d’archives de l’expulsion des Rohingyas en 1978 vers le Bangladesh en est une preuve. Le rôle des autorités militaires qui dirigent encore le pays est primordial, quant à Aung San Suu Kyi elle prend aucune part ni en positif ni en négatif à ce qui se passe dans son pays. Le film montre bien comment les Musulmans de Birmanie vivent une situation relativement comparable à celle des Juifs dans l’Allemagne de Hitler.
Mais ce qui est le plus marquant dans le film de Barbet Schroeder ce sont les arguments utilisés par le Vénérable W pour justifier son idéologie raciste et génocidaire. Car ces arguments sont les mêmes que ceux utilisés en Europe et pas seulement par l’extrème-droite à l’encontre de la minorité musulmane :
1- le grand remplacement
Bien que Barbet Schroeder souligne que les Musulmans ne représentent que 4 % de la population birmane, beaucoup de Birmans pensent comme le Vénérable W qu’ils veulent devenir majoritaire dans le pays. Ses arguments sont qu’ils font beaucoup d’enfants, qu’ils épousent des femmes birmanes et du fait que le mariage musulman équivaut à une conversion elles deviennent musulmanes ainsi que leurs enfants.
2- le traitement des femmes
La place des femmes dans la société birmane n’a pas l’air égalitaire donc sont utilisés des faits divers atroces, viols et meurtres de femmes bouddhistes par des Musulmans, pour justifier des persécutions voir des meurtres et des pogroms de Musulmans. Évidemment on pense aux faits divers d’agressions sexuelles qui ont eu lieu en Allemagne ces dernières années mais aussi au débat sur le traitement négatif des femmes par les Musulmans (elles doivent se voiler, elles sont soumises aux hommes de leur famille, elles sont excisées...).
C’est à se demander s’il n’y a pas de femmes violées par des bouddhistes en Birmanie, mais aussi si il n’y a pas d’agressions sexuelles commises par des Allemands en Allemagne, ou des femmes soumises aux hommes de leurs familles en France ? Et il convient de rappeler constamment que l’excision n’entre pas dans les dogmes de l’Islam mais dans les traditions de certains pays (ce qui explique notamment que les femmes coptes d’Egypte sont elles aussi excisées dans un pourcentage équivalent aux femmes musulmanes d’Egypte).
3- la violence de la religion musulmane
Le Vénérable W étant une autorité religieuse locale et ayant une très bonne connaissance des textes bouddhistes, il peut comparer combien la religion musulmane est violente en comparaison du bouddhisme pacifiste. Il se base sur les exactions commises par les djiadhistes dans différents pays, les images de Daesh décapitant ses ennemis en Syrie circulent parmi ses images de propagande.
Ces arguments sont tout aussi utilisés en Europe ou aux Etats-Unis, émaillés des citations les plus violentes du Coran. En comparaison l’ancien et le nouveau testament des religions juives et chrétiennes sont présentées comme des textes et des pratiques pacifistes.
Or les images de Barbet Schroeder montrent des moines bouddhistes birmans qui regardent les laïcs tuer des Musulmans avec des machettes ou des épées. La violence est-elle le seul apanage de la religion musulmane ? L’histoire des guerres de religion ou l’inquisition montrent que les textes chrétiens peuvent tout à fait servir de support à des actes violents, de la même façon que Daesh utilise les textes musulmans ou le Vénérable W les textes bouddhistes.
4- les Musulmans ne sont pas des Birmans
Les Rohingyas qui vivent dans une région frontalière du Bangladesh sont systématiquement appelés par les racistes Birmans, dont le Vénérable W, des « Bengalis » et demandent qu’ils retournent dans leur pays. Leur objectif est de les déchoir de la nationalité birmane pour pouvoir les expluser du pays.
Cela rappelle la déchéance de nationalité française que les Juifs avaient subis par le régime de Vichy. Cela rappelle aussi l’idée que les Musulmans dans les pays européens ne peuvent devenir européens et restent des étrangers même lorsqu’ils ont la nationalité de ce pays qu’ils l’aient obtenu par la naissance ou la naturalisation.
Il est évident qu’en Europe ou aux Etats-Unis les Musulmans ne subissent pas le sort des Musulmans de Birmanie : ils ne sont ni tués, ni déplacés dans des camps de réfugiés, leurs magasins et leurs maisons ne sont pas détruites devant une police qui regarde faire.
Mais ce que montre le film de Barbet Schroeder c’est que cette situation a pris du temps avant cette montée de violence. Les discours, notamment du Vénérable W, ont précédés de plusieurs années les poussées de violence.
Or en Europe et aux Etats-Unis, nous en sommes pour l’instant aux discours, avec parfois quelques tueurs isolés comme devant la mosquée de Finsbury Park à Londres en 2017, mais il n’y a ni pogroms ni déplacement de population dans des camps.
Le tout dans un contexte d’attentats perpétués par des djihadistes musulmans dont l’objectif est d’arriver à un niveau de violence maximum contre les Musulmans, notamment afin d’avoir des troupes dans leur combat pour créer un Etat islamique.
Il est clair que le documentaire de Barbet Schroeder créer un sentiment d’inquiétude quant à l’avenir du monde et que le message véritablement pacifiste qui sert de fil conducteur au film et les messages des moines bouddhistes qui combattent les messages de haine du Vénérable W sont indispensables.